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Wenger, les dix saisons de trop
Gageons que lors de ses adieux à l’Emirates, Arsène Wenger recevra l’hommage qu’il mérite. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut s’y méprendre. Le club existait avant lui. Et, à la différence du départ de Sir Alex, celui de l’Alsacien ne peut être que positif d’un point de vue purement sportif, tant il aurait dû intervenir il y a de cela plusieurs saisons.
L’avantage, c’est qu’il n’y a pas mort d’homme. Il ne s’agit QUE d’une retraite. Même pas, en fait. Juste d’un départ. Arsène Wenger n’a pas confirmé qu’il mettait un terme à sa carrière d’entraîneur, simplement qu’il comptait faire ses adieux à Arsenal cet été. Inutile donc, comme il est de coutume quand quelqu’un nous quitte entre quatre planches, de se répandre en louanges mielleuses. Wenger a certes fait du bon taf durant la première moitié de son passage à Londres, mais ses trois titres de champion d’Angleterre ne peuvent occulter l’épilogue interminable que furent les années 2010. On lit ici et là que sa décision aurait été en partie motivée par l’actuel exercice cataclysmique des Canonniers sur la scène domestique, qui, rappelons-le, n’ont pris aucun point à l’extérieur en 2018. Il s’agirait de la fameuse année qui vient gâcher une belle histoire et dont on aurait dû se dispenser. Non. Osons mettre les pieds dans le plat : le règne de l’Alsacien compte au bas mot dix saisons de trop. Et cette décennie fait plus que noircir son bilan, loin d’être aussi grandiose qu’on ne l’affirme parfois.
Absence de tauliers
Déjà, première idée reçue à laquelle il faut tordre le cou : Wenger n’a pas « créé » Arsenal de toutes pièces. Il a réinventé une façon de concevoir le foot, certes, il a fermé la bouche des sceptiques, OK (le célébrissime « Arsène Who ? » ), mais le club n’était absolument pas dans un état de délabrement en matière de résultat. Bien moins qu’à l’heure actuelle, à titre de comparaison. Lorsqu’il signe en 1996, l’ancien coach de Monaco met les pieds dans un club vainqueur de la C2 en 1994, finaliste en 1995, champion d’Angleterre en 1991 (cinq ans de disette, ce n’est pas si long, finalement, quand on regarde l’histoire récente des Gunners) et dont le back four est une référence en Europe : il mettra d’ailleurs du temps avant d’y toucher et s’appuiera dessus pour construire ses premiers succès.
C’est justement après le départ du dinosaure Martin Keown en 2004 que les problèmes ont commencé à pointer le bout de leur nez. Si les fameux « Baby-Gunners » ont été affublés d’un tel surnom, on le doit à l’absence de tauliers, de garants de l’institution. En gros, de Britanniques fidèles et courageux, pour encadrer un effectif de manieurs de ballon, mais inaptes au combat. Or, à partir de la deuxième moitié des années 2000, Wenger a complètement fait une croix sur la « dimension celtique » de son équipe. Difficile de nier sa responsabilité dans le manque de caractère de ses boys, criant dans des défaites mémorables. Le 4-0 encaissé à Milan, la demi-finale retour face à MU en 2009 pliée en dix minutes, la défaite en finale de League Cup 2011 contre Birmingham, futur relégué… Toutes sont d’une certaine façon imprégnées de la « patte » Wenger, celle d’un coach qui a perdu le mojo et qui aurait dû partir au bas mot il y a huit ans minimum. Au lieu de ça, le club s’est mis à considérer la quatrième place, synonyme d’accessit pour la C1, comme un titre…
Fàbregas, Nasri, Almunia
De même, le pari de tout miser sur des jeunes de 19 ans, quand les finances du club étaient davantage dédiées à la construction de l’Emirates qu’à l’enveloppe de transferts, pouvait se comprendre. Seulement, à aucun moment le club n’en a récolté les fruits sportivement. La génération Fàbregas – Reyes a enchaîné les fails, tout comme le cycle s’appuyant sur Samir Nasri et Theo Walcott, alors que Wilshere et Ramsey ne se sont contentés que de quelques Cup. Si bien que tour à tour, tous les franchise players de l’effectif ont demandé un transfert. Qu’ils ont obtenu, avant d’être remplacés par des mecs moins bons. La faute à qui ? Qui a instauré Manuel Almunia comme le portier titulaire d’un candidat au titre déclaré pendant quatre ans ? Tout ne peut être effacé au profit du seul « beau jeu » , notion bien plus subjective que le palmarès.
Par Marc Hervez