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Wendlinger : « Fribourg me rembourse tous mes déplacements »

Propos recueillis par Adrien Pécout
5 minutes
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La Bundesliga vaut bien deux heures de voiture aller-retour. Factrice en Alsace, Stéphanie Wendlinger (31 ans) prend le volant toutes les semaines pour taper dans le ballon en Allemagne. Elle joue en défense, au SC Freiburg, pas loin de la frontière. Interview de l’une des deux seules Françaises de D1 allemande, alors que Fribourg s’est incliné lundi, à Iéna (0-3), pour la 22e et dernière journée du championnat féminin.

Après un premier bail entre 2002 et 2004, vous jouez de nouveau à Fribourg depuis 2008. Cette saison, votre club s’est classé à la 8e place de la Frauen-Bundesliga. Qu’est-ce que l’Allemagne a de plus que la France pour une footballeuse ? L’engouement est beaucoup plus grand, il y a de meilleures infrastructures et plus de supporters. Bien sûr, quand je parle de la France, je ne parle pas de Lyon. Les Lyonnaises, elles, sont hors catégorie avec leurs victoires en Ligue des champions. Mais entre ce que j’ai vécu en D1 française à Vendenheim (2004-2008, ndlr) et ce que je vis en Allemagne, ce n’est pas comparable. Pour mon premier passage à Fribourg, en 2002, j’avais la vingtaine, j’arrivais de Schiltigheim. Une amie française m’avait présentée à l’entraîneur. Deux ans plus tard, j’ai quitté Fribourg parce que je ne m’entendais pas avec le nouveau coach. Mais le club m’a rappelée en 2008, tout en sachant que je venais de me blesser aux ligaments croisés du genou.

La section féminine de Fribourg est englobée dans un club professionnel masculin, contrairement à Vendenheim. Comment ça se traduit concrètement ? Avec Fribourg, depuis notre montée en D1 en 2011, on a joué plusieurs fois devant plus de 1 000 spectateurs. À domicile, des clubs de la région nous demandent si leurs jeunes joueuses peuvent nous accompagner lors de notre entrée sur le terrain. À chaque déplacement, on part sur deux jours, dans des conditions parfaites. On dort à l’hôtel, on voyage avec le bus de l’équipe pro des garçons. Si je compare, en France, j’avais plutôt l’habitude de jouer devant 200 personnes. Et quand je faisais des matches à l’extérieur avec Vendenheim, il fallait faire des économies. On partait le jour même du match, à 6 heures du matin. Un autre exemple : pour s’entraîner l’hiver, en France, c’est une galère. Parfois, les filles se contentent de faire des abdos, parce qu’elles n’ont pas de terrain. En Allemagne, s’il neige l’après-midi, le soir ils déblaient un synthétique exprès pour nous.

Malgré ce confort, vous préférez les navettes entre Fribourg-en-Brisgau et votre Alsace natale, où vous habitez encore.Oui, comme Fribourg n’est pas très loin de la France, je continue à vivre en France et à gagner ma vie comme factrice. Et Fribourg me rembourse tous mes frais de déplacement pour aller aux entraînements. De 7h30 à 13h30, je bosse sur mon vélo à Bischheim, en Alsace, je fais ma tournée. Ensuite, je me pose un petit peu, je fais une petite sieste. Puis à 16h ou 16h30, je pars en voiture pour l’entraînement à Fribourg, qui commence en général à 18h. Tout ça pour ne rentrer chez moi que vers 21h. J’ai ce rythme-là pendant quatre jours de la semaine, sans compter les matchs prévus le dimanche. À force, c’est vrai que ça demande beaucoup de sacrifices.

À part vous, seule une autre Française évolue en Bundesliga : votre coéquipière de 20 ans, l’avant-centre Marina Makanza, fraîchement sélectionnée avec les Bleues, comme réserviste, pour les JO de Londres.Je ne sais pas du tout pourquoi nous sommes si peu en Allemagne. En tout cas, je suis contente de ma carrière, je regrette juste de ne jamais avoir été appelée en équipe de France A, malgré des sélections chez les jeunes. Au début, à Fribourg, ce n’était pas évident pour Marina dans la vie de tous les jours. Elle est partie de Saint-Étienne en 2010 et vit en Allemagne uniquement grâce au foot. Je ne sais pas quel est son salaire, on ne parle pas beaucoup de chiffres entre nous. Depuis qu’elle a pris des cours d’allemand, elle est super bien intégrée, je n’ai plus besoin de faire la traductrice. Moi, on peut dire que je suis bilingue. Je suis alsacienne. Quand j’étais petite, mes parents habitaient à la frontière allemande, ma grand-mère ne parlait presque que l’alsacien, donc ça aide à comprendre l’allemand.

À Fribourg, l’effectif est plutôt cosmopolite, non ? Trois joueuses viennent de Suisse, deux de France, une de Finlande, une des États-Unis et une d’Algérie. Je sais que beaucoup d’Américaines contactent le club pour venir faire des essais. Le foot allemand attire de plus en plus les joueuses de l’étranger ces derniers temps. Le FFC Francfort (7 fois champion de Bundesliga féminine, ndlr) a une Japonaise, une Néo-Zélandaise, une Suissesse, une Américaine, deux Suédoises… Sinon, à Fribourg, on a aussi beaucoup d’étudiantes allemandes : la capitaine de l’équipe d’Allemagne des moins de 17 ans, trois internationales allemandes des moins de 19 ans, etc.

Double championne du monde avec les féminines, l’Allemagne compte 1 million de footballeuses. La France, elle, n’enregistre que 60 000 licenciées environ. Pourquoi cet écart ? Dans la mentalité allemande, le foot féminin est déjà quelque chose de bien plus ancré, de très, très développé. Pendant ma tournée de factrice, quand je dis aux gens que je joue au foot, ils sont encore étonnés qu’une fille dise ça… Et pourtant, l’équipe de France féminine a fait des trucs extraordinaires (4e du Mondial 2011, ndlr), les Lyonnaises sont ce mois-ci devenues doubles championnes d’Europe… Les Français n’en entendent pas beaucoup parler dans les médias. Ça vient tout doucement, mais la France a encore du retard. Les matches de Ligue des champions féminine ou ceux des joueuses de la sélection allemande passent sur l’une des deux premières chaînes allemandes, l’équivalent de TF1 chez nous. Les matches des Bleues, eux, ne sont diffusés que sur Direct 8.

Vous comptez poursuivre vos traversées de part et d’autre du Rhin la saison prochaine ?

Oui, mais au SC Sand, un club de D2 allemande. Ce n’est qu’à 20 minutes de Strasbourg, où j’habite. Donc c’est parfait, je reste en Allemagne, mais je n’aurai plus tous ces kilomètres à faire. J’aime le jeu des Allemandes, beaucoup plus physique qu’en France, plus intense, parfois haché par des fautes. Ce qui me plaît aussi, c’est la discipline, la rigueur. À chaque fois, on est 25 à l’entraînement. En France, une fille avait une petite toux, elle ne venait pas. Mais bon, je suis quand même obligée d’avouer que le jeu français est plus attrayant techniquement, dans la circulation de la balle. D’ailleurs, j’ai bien chambré les Allemandes de Fribourg quand Lyon a gagné la Ligue des champions contre Francfort. (rires)

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