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Wendie Renard : « Le tabac ce n’est pas une liberté »
En vacances dans sa Martinique natale, Wendie Renard nous a accordé quelques minutes pour discuter de son engagement auprès de l’ACT (Alliance contre le tabac) dans la campagne « Femmes libres ». Celle qui compte 125 sélections avec l’équipe de France nous fait part de son combat contre le tabagisme ainsi que de son rapport à la cigarette. Et comme souvent dans ces cas-là, les mamans ne sont jamais loin.
Vous êtes la nouvelle figure de la campagne « Femmes libres » pour l’ACT (Alliance contre le tabac). Pourquoi ça vous semble important de vous engager spécifiquement contre le tabac dans la sphère féminine ? C’est une campagne très positive. Le tabac, ça touche tout le monde, les femmes, les hommes. C’est une belle initiative et un bon moyen d’envoyer un message aux jeunes filles et aux femmes pour ne pas entrer dans cette spirale et s’affirmer par d’autres domaines que le tabac.
Dans le football, on a l’exemple de plusieurs joueurs ou anciens grands joueurs comme Johan Cruyff, Marco Verratti ou Fabien Barthez qui ne cachaient pas spécialement leur attirance pour le tabac. Pour vous, les joueurs ou joueuses devraient-ils faire plus attention au message envoyé notamment par rapport au tabac ? Oui, je suis d’accord, il y a beaucoup de jeunes hommes ou jeunes filles qui s’identifient aux joueurs. On sait que le football est un sport planétaire et il y a beaucoup de jeunes qui s’y identifient. Forcément, quand son idole fait quelque chose, on a envie de le faire aussi, que ce soit positif comme négatif. Donc c’est sûr que faire plus attention à l’image qu’on renvoie, c’est mieux, après c’est un choix personnel de fumer. Les jeunes sont l’avenir de ce monde, mais on a tous fait des conneries, et ils vont sûrement en faire aussi. Mais c’est important de leur inculquer dès le plus jeune âge les choses à bien faire et leur faire comprendre que leur corps, c’est leur outil de travail s’ils décident de devenir sportifs.
Justement, pour nos futurs sportifs, est-ce que le tabac est présent dans les centres de formation, que ce soit à Lyon ou ailleurs ? De mon expérience non, je suis arrivée à Lyon très jeune et je n’ai pas connu cette situation, mais je peux comprendre que ça arrive parce qu’on est en internat avec des jeunes extérieurs au football, donc on se retrouve à l’école où il y a tout le monde, et pas que des sportifs. Donc par moment, pour se faire intégrer à un groupe d’amis, on peut être incité à fumer. Je pense que les formateurs sont assez clairs là-dessus, et on sait très bien que quand on est en formation, on est dans la continuité de l’éducation parentale.
Est-ce que dans les centres de formation, il y a des ateliers de prévention contre le tabac ? Oui, il peut y en avoir, la lumière est mise sur les conséquences physiques. Ça réduit notre capacité respiratoire. De plus, quand on est jeune, on est dans une phase de développement corporel, donc ça a un gros impact. C’est ce genre de message que porte la prévention, on leur fait part des conséquences. Quand tu es jeune, tu as des rêves et tu as envie de les réaliser, donc tu es à l’écoute des formateurs et tu te dis qu’il vaut mieux ne pas rentrer dedans.
Des instances comme l’UEFA ou la FIFA ont pris les choses en main. Fut un temps où on pouvait voir Raymond Goethals clope au bec, désormais Maurizio Sarri doit se contenter d’un mégot. Est-que ce vous êtes satisfaite des mesures prises ? Ça part d’eux, parce qu’aujourd’hui, ce sont eux qui gouvernent et eux qui font les lois du football, donc oui, faire des campagnes de prévention, c’est bien. Après, je ne vais pas dire que c’est un cercle vicieux, mais… (Elle coupe.) La FIFA et l’UEFA ont besoin de sponsors aussi, et d’un autre côté, l’image est importante, donc il faut faire attention. À l’époque, le football était moins médiatisé, il y avait moins d’enjeux financiers, et c’est vrai qu’on voyait des choses qu’on ne voit plus maintenant. Par exemple, rien à voir avec le tabac, mais quand on voyait des joueurs comme Maradona qui s’échauffaient… Aujourd’hui, c’est plus carré, plus professionnel, et c’est tant mieux, ça prouve qu’on avance dans le bon sens et c’est normal que sur ce plan-là, les choses progressent. Il y a des spectateurs, mais il y aussi des jeunes téléspectateurs, donc il faut faire attention à tout ça. Tout ce qu’on a fait ou tout ce qu’on fait ou fera aura des répercussions positives comme négatives sur les jeunes.
Au-delà du football, est-ce que vous voulez transmettre un autre moyen d’émancipation aux jeunes filles via cette campagne ? Oui bien sûr, le but est de dire qu’on n’a pas besoin de fumer pour s’affirmer, mais malheureusement des femmes s’affirment en étant dedans. Mais le plus important est la conséquence sur la santé, encourager à arrêter, à ne pas commencer. En fait, c’est tout ça à la fois, c’est aussi éviter des décès parce qu’on sait les ravages que ça fait. D’une manière générale, le tabac, ce n’est pas une liberté, donc le but, c’est de dire qu’il y a d’autres moyens d’évacuer la pression. La plupart des personnes qui fument, c’est après une journée de travail, ils en fument une, deux, trois, quatre… et le paquet y passe.
Justement, vous en avez un peu parlé, est-ce que de près ou de loin vous avez fait l’expérience des dégâts causés par le tabac ? Oui, plus ou moins, on en voit un peu tous les jours. J’ai des membres de ma famille qui fument, et je me rappelle, je leur ai toujours dit : « Je ne vais pas acheter des cigarettes pour toi, si tu veux acheter tu le fais, moi je n’achète pas. » (Rires.) Parce que je ne peux pas être à côté de ça, je sais les conséquences que ça a. Si j’en achète pour un autre, ça veut dire que je participe à ça, pour moi je l’incite à continuer de fumer en achetant à sa place. Je suis quelqu’un qui n’aime pas la cigarette, ne serait-ce que quelqu’un à côté de moi qui fume, j’ai l’impression de ressentir les méfaits, donc je veux sensibiliser les gens.
Par le passé, les grandes figures féministes comme Simone Veil ou Simone de Beauvoir fumaient énormément, cette campagne offre-t-elle une vision plus moderne du féminisme ?Il y a plusieurs générations parmi les femmes qui nous ont représentées. Par exemple, quand fumer a été interdit dans les lieux publics, à leur époque il n’y avait pas ce genre de décision, il y avait beaucoup d’opportunités financières et pas seulement liées au tabagisme. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui font du sport, donc je pense qu’au travers de ce que je fais au quotidien, je suis en parfaite harmonie avec cette campagne. Mais pour revenir à la question, c’est oui. Aujourd’hui, mon message est clair : on peut réussir en ayant commencé à fumer, mais on peut se sentir mieux si on ne commence jamais, si on fait du sport et si on a une hygiène de vie saine en somme. Je n’ai pas de doutes, il faut continuer à inculquer ces valeurs.
Dans cette campagne, le fait que vous n’ayez jamais commencé à fumer est mis en avant, mais est-ce que vous avez déjà essayé juste une seule fois ? (Rires.) Non, non, non. Déjà, avec ma mère, c’était interdit, et pourtant j’ai une grande sœur qui a fumé, mais qui vivait en métropole depuis très longtemps. Mais ma mère nous a toujours dit : je ne veux pas vous voir fumer, et si on fumait, c’était : « Tu sors de la maison ! » Donc non, je n’ai jamais pris le risque. Pourtant, j’ai eu des amis autour de moi qui fumaient, et pas que des cigarettes, donc j’aurais pu essayer ou tomber dedans. Mais comme je l’ai dit, je n’aime pas y être exposée, ça ne va pas bien avec mes poumons.
Propos recueillis par Hugo Bouville