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Wendie Renard des deux surfaces
Sur les matchs de poule des Bleues, Wendie Renard a brillé par son absence dans la surface adverse et par ses loupés dans la sienne, avant de se montrer impériale défensivement face aux Pays-Bas en quarts de finale. La quatrième meilleure buteuse de l'équipe de France féminine a désormais la mission de retrouver son fameux jeu de tête. Et quoi de mieux que de signer son grand retour en demies, elle qui est la seule joueuse du groupe ayant déjà connu ce stade de la compétition ?
Présenter un CV XXL n’est pas toujours gage de réussite. Pilier des Bleues depuis plus de dix ans, Wendie Renard en sait quelque chose. La capitaine tricolore n’a pas particulièrement brillé lors de cette phase de poules, enchaînant les erreurs d’anticipation, d’alignement et de passes, qui finissent souvent en touches. Dans la surface adverse, la défenseuse aux 33 buts en 135 sélections n’a pas non plus réussi à caler la moindre tête sur coups de pied arrêtés offensifs. La meilleure buteuse française du dernier Mondial avec quatre buts enchaîne les tentatives sur les pelouses anglaises et est celle qui a le plus tiré, avec 17 tentatives. Dont 76% de la tête, elle qui du haut de son mètre 87 est la joueuse culminante du tournoi. Face à la Belgique (2-1), où elle rate son penalty, Wendie Renard est devenue la première joueuse de l’équipe de France à tirer au moins huit fois sans marquer à l’Euro depuis Eugénie Le Sommer, sa coéquipière à l’OL, qui avait frappé à neuf reprises contre le Danemark en 2013. Pourtant, rien de tout ça n’inquiète Amel Majri, une autre Fenotte qui ne fait pas partie du contingent français en terres anglaises : « Il ne faut pas oublier que lors de cet Euro les gardiennes ont énormément de réussite. Contre les Pays-Bas, la gardienne sauve tout, au ras du poteau avec Geyoro, sur la ligne à la fin… Elle a les occasions et je pense qu’elle travaille pour que ça rentre. » Face à la France, Daphne van Domselaar, la gardienne oranje, signe d’ailleurs la meilleure prestation d’une gardienne lors de cet Euro, avec 11 arrêts face aux Bleues.
Capitaine des phases finales
Sa coéquipière à l’OL est bien placée pour le savoir, elle qui envoie galette sur galette en fin d’entraînement pour la tête de sa capitaine : les choses vont rentrer dans l’ordre. « Dans l’ensemble, l’équipe de France pouvait faire mieux sur ses matchs de poule, commente la gauchère. On a connu Wendie meilleure sur certains matchs, donc on s’attend à ce qu’elle soit irréprochable, qu’elle marque son penalty et que tout se passe bien. Son match contre les Pays-Bas était limite un sans-faute, mais on ne va pas forcément le mettre en avant. C’est une joueuse des grandes compétitions et elle répond forcément présente. » Selon elle, la meilleure version de Wendie Renard serait donc à venir. Surtout qu’elle aura suffisamment ruminé tous ses premiers loupés. « Quand elle fait des erreurs, elle n’a pas besoin d’en parler, qu’on lui dise que ça va aller, raconte Amel Majri, qui décrit plutôt une Wendie très avenante, hors périodes de doutes. Elle sait très bien ce qu’elle a fait comme erreurs, elle est déçue d’elle, donc elle se renferme sur elle-même pour se remettre en question et faire beaucoup mieux au match suivant. » En bonne défenseuse de la défenseuse, la numéro 7 de l’OL rappelle aussi que Wendie Renard a manqué tous les matchs de préparation avant l’Euro, en raison d’une blessure à la cuisse.
« Elle me disait qu’elle n’avait pas forcément de rythme, rapporte-t-elle. Mais elle a l’habitude, elle sait que c’est déjà arrivé et que ce n’est pas un prétexte. » Strappée à la cuisse lors des premiers matchs, alignée aux côtés d’Aïssatou Tounkara alors qu’elle a ses habitudes avec Griedge Mbock, les excuses à ces contre-performances sont pourtant assez faciles à trouver. Pourtant, la capitaine ne les utilisera pas. Il y a dix ans, Wendie Renard se montrait défaillante pour la première fois dans une grande compétition internationale et vivait une élimination en demi-finales contre les États-Unis. Cette expérience lui a « permis de franchir des paliers ». « En vacances, j’ai visionné pratiquement tous les matchs, raconte-t-elle dans une interview pour le journal L’Équipe. J’ai fait mon autocritique. J’ai pris une claque du haut niveau avec des attaquantes expérimentées, vicieuses, dans le bon sens du terme, dans les appels, dans le jeu, dans tout. Je me suis dit qu’il fallait vite que je me mette au niveau. » En Angleterre, Wendie Renard est en course pour le Ballon d’or en cas de victoire de l’Euro et profite d’un tout autre statut, qui lui vaut d’être une référence pour ses jeunes coéquipières, même dans les coups de mou. « Aujourd’hui, si t’es dans la ligne de derrière et que Wendie te donne un conseil, tu écoutes et point barre, assure Amel Majri. Non pas que tu n’aies pas ton mot à dire, mais elle est beaucoup plus expérimentée, c’est le respect. »
« Madame Tour Eiffel »
Seule joueuse du groupe à avoir connu des demies d’une grande compétition, Wendie Renard souhaite maintenant être l’agent fédérateur d’un vestiaire aux multiples générations, qui peut enfin rêver d’atteindre la finale d’un tournoi majeur. « En tant que capitaine, elle est toujours au combat, elle est très exigeante, travailleuse, elle ne laisse rien au hasard. Même si on gagne, elle ne veut pas être dans la facilité. Elle tire tout un groupe vers le haut, appuie son ancienne coéquipière. Pour être capitaine, il faut se mouiller, parler et assumer sur le terrain. » Au-delà du carré vert, elle est « Maman Wendie », comme s’amuse à l’appeler Selma Bacha, toujours là pour rappeler aux plus jeunes que le chemin parcouru a été long. Et joue un rôle important dans la fameuse cohésion de groupe si chère aux sélectionneurs. « Si vous regardez la Suède par exemple : elles ont des joueuses d’expérience, mais elles n’ont pas la plus grosse équipe, sans leur manquer de respect. Pourtant, on sent qu’elles respirent la bonne ambiance. Et c’est ce qu’il se passe en équipe de France, détaille Amel Majri. C’est ce qu’a réussi à faire Corinne Diacre, elle a mélangé des générations, et aujourd’hui, je le vois dans nos échanges : leur équipe, c’est que de la rigolade. Je pourrais regarder leurs snaps toute la journée tellement c’est marrant. C’est une superbe ambiance et c’est ce qui fait la différence. » Pour autant de l’autre côté du Rhin, c’est bien Wendie Renard elle-même qui est érigée en menace absolue par le quotidien allemand Bild, qui la surnomme « Madame Eiffelturm » ( « Madame Tour Eiffel » en VF), alors que les Bleues iront chercher leur ticket pour la finale contre les Allemandes ce mercredi. L’article invite même les joueuses de la Frauen-Nationalmannschaft à « rabaisser celle qui domine » les deux surfaces. L’occasion parfaite pour la Lyonnaise de planter son premier pion de l’Euro ?
Par Anna Carreau
Propos d'Amel Majri recueillis par AEC.