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Weah, l’Afrique au sommet

Par Florian Cadu
Weah, l’Afrique au sommet

En 1995, George Weah devient le premier joueur africain à remporter le Ballon d’or. Un cas unique encore aujourd’hui, qui doit cette consécration à son talent, mais aussi à ses capacités de travail et d’adaptation. Et qui mérite amplement ce titre.

Les yeux ne le lâchent pas. Le regard fixé sur le trophée suprême, George Weah attend la fin du discours conventionnel avec une impatience difficilement maîtrisable. Les bras ballants, la mâchoire serrée, l’homme d’un mètre 84 est impassible. Soudain, le sourire s’affiche, et d’un geste maladroit, il s’empare du lourd objet. Un Africain vient officiellement de recevoir le Ballon d’or. Une première dans l’histoire du football. Logique d’une certaine manière, puisqu’avant cette année 1995, il fallait être de nationalité européenne pour prétendre au titre.

Si le Libérien ne semble pas des plus à l’aise à cet instant, l’essentiel est ailleurs. Car sur le terrain, celui qui a clairement devancé Jürgen Klinsmann (144 points contre 108) est au contraire parfaitement bien dans ses pompes. Certes, l’attaquant profite d’une saison sans compétition majeure estivale (pas de Coupe du monde ou d’Euro notamment), mais se questionner ne serait-ce qu’une seule seconde sur la pertinence et la cohérence de ce vote serait faire insulte au ballon rond. Après avoir régalé le Paris Saint-Germain pendant deux saisons (champion de France en 1994), Mister George achève son passage dans la capitale de la même manière : en marquant et en offrant des buts, en assurant le spectacle et en étant le meilleur joueur des siens, qu’il emmène au bout des coupes hexagonales et en demi-finales de la Ligue des champions (huit pions dans la compétition). Ayant désormais tout raflé sur la scène nationale, Weah décide alors de montrer qu’il possède le coffre pour réussir au-delà des frontières françaises. Va pour le Milan, qui représente sûrement le meilleur club du monde à l’époque.

L’avant-centre va-t-il subir un temps d’adaptation ? Risque-t-il de peiner face à la forte concurrence ? Que dalle : Weah s’intègre en deux temps trois mouvements et met tout le monde d’accord. En Italie, le bonhomme ajoute une corde à son arc déjà très chargé : l’esprit collectif. À vingt-neuf ans, il est alors sans discussion possible le footballeur le plus fort de la planète. Vif, puissant, aussi bon du pied que de la tête, aussi buteur que dribbleur, le natif de Monrovia n’a quasiment aucun défaut pour son poste. Voilà pourquoi le Ballon d’or 1995 lui revient de droit, et fait de lui le premier – et seul à ce jour – Africain à l’accrocher. « J’étais animé uniquement par la passion du jeu. Je dois cependant reconnaître que ces trophées ont une valeur particulière, réagira-t-il quelques années plus tard sur le site de la FIFA, évoquant également le statut de joueur mondial de la FIFA. Ils représentent une forme de reconnaissance pour tout le travail accompli pendant ma carrière. J’en suis particulièrement fier, car je crois qu’ils étaient importants pour mon pays. Mes compatriotes ont fêté ces titres avec moi, et ensemble, nous avons contribué à faire connaître le Liberia. »

Pourtant, rien n’était gagné d’avance. Arrivé à l’AS Monaco sept ans plus tôt en provenance du Tonnerre de Yaoundé, où il enchaîne les éclairs, Weah n’impressionne personne lors des présentations. « Il était très discret, même timide, rembobine Patrick Valéry, son partenaire pendant l’intégralité de ses trois saisons passées sur le Rocher. Quand on l’a vu débarquer, même si on savait que le club se trompait rarement concernant les recrues, on s’est demandé ce qu’il faisait là. » Surtout que son physique n’est pas au top : « Il était un peu enveloppé, un peu en surpoids. Il n’était pas au-dessus du lot, il n’avait pas le profil dutop player. D’ailleurs, Arsène Wenger l’a mis au régime. Lui, il se contentait d’écouter et de travailler. » Et le boulot va vite payer. Très vite. « Il nous a rapidement calmés, hein ! Au bout de quelques semaines, on a compris à qui on avait affaire. Une fois qu’il s’était adapté au rythme du haut niveau européen, il nous faisait tout. Il nous régalait à chaque entraînement ! Et puis, il était déjà très sûr de lui. Au départ, il ne jouait pas et il nous demandait pourquoi il n’était pas titulaire ! Mais on savait qu’on avait un monstre en devenir avec nous, qu’il était destiné à devenir une star. Il avait tout : la confiance en soi, la capacité à travailler et enchaîner les efforts, un talent de dingue. Pour être franc, son Ballon d’or ne m’a vraiment pas étonné. »

Au sein de la Principauté, Weah commence donc à se transformer en Mister George, offre une Coupe de France et une finale de Coupe des coupes à ses coéquipiers et, surtout, plaît. Charismatique, drôle, à l’écoute des autres, toujours de bonne humeur, ambianceur de vestiaire et premier à partir au combat : la personnalité de Weah éclate au grand jour et fait l’unanimité. « Il inspirait la joie de vivre, kiffe encore Patrick Valéry. À l’entraînement, il avait toujours le mot gentil, il était toujours joyeux, il n’hésitait pas à chambrer pour détendre l’atmosphère au bon moment… Et puis, c’était un gars hyper humble, alors qu’il était supérieur aux autres. Un chic type, vraiment. » Un chic type qui prend alors une autre dimension dans la capitale, puis à Milan. Un chic type qui passera ensuite à Chelsea, Manchester City ou Marseille. Un chic type qui défendra les couleurs de sa nation jusqu’en 2007. Un chic type que son pays et son continent peuvent être fiers d’avoir comme symbole footballistique. Son nom fait partie des grands de ce sport à jamais.

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Par Florian Cadu

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