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Wasilewski, l’Ours de Leicester

Par Émilien Hofman
6 minutes
Wasilewski, l’Ours de Leicester

Il est rugueux, dangereux, fou, polonais, mais aussi comique, attentionné et doté d'une volonté sans faille. Voici Marcin Wasilewski, défenseur de Leicester et tout heureux d'avoir découvert la Premier League après une double fracture tibia-péroné.

Il y a 5 ans, personne ne l’aurait imaginé fouler les pelouses de Premier League. « Je suis arrivé en Belgique le lendemain de sa terrible blessure, témoigne Fernando Canesin, joueur d’Anderlecht de 2009 à 2014. J’étais choqué par les images, et le lendemain, alors que j’étais en train de manger dans le resto d’Anderlecht, il est arrivé avec des béquilles, du sparadrap… Il venait de se faire opérer. » La « terrible blessure » dont parle Canesin survient à la fin août 2009. On joue le classique belge Anderlecht-Standard. Axel Witsel va au contact de Marcin Wasilewski. Verdict : double fracture ouverte, combo tibia-péroné. Pour l’international polonais et pour beaucoup, le foot, c’est fini pour un bon moment. « Après son accident, tout le monde l’a enterré, se souvient Yves Taildeman, journaliste à La Dernière Heure. Des médecins me chuchotaient : « Il a encore un contrat, donc on le soigne, mais il faudrait vraiment un énorme miracle pour qu’il retrouve un niveau de D1. » » Pourtant, Marcin, yeux perçants et barbe de trois jours, occupe aujourd’hui, et de façon régulière, le poste de titulaire au sein de la défense de Leicester City, avec un joli surnom : l’Ours de Poznań.

« Tout le monde avait pitié de lui »

Le chemin a été sinueux pour le Polonais. En enchaînant massages, renforcement musculaire, aqua jogging, vélo, trampoline, step ou course à pied pendant des journées terminant à 18 heures, Marcin donne tout, mais peine à revenir dans le coup. « C’était pénible de le voir reprendre la course à pied, grimace Taildeman. On aurait dit un vétéran de guerre. Il ne savait plus donner de passes à 10 mètres. » À la fin de la saison 2009-2010, son coach lui octroie tout de même quelques minutes sur le pré, dans un match comptant pour du beurre. « Mais il boitait complètement, tout le monde avait pitié de lui » , reprend Taildeman. Les dirigeants anderlechtois lui laissent malgré tout le temps de se retaper, car Marcin fait, depuis janvier 2007, partie des meubles des Mauves. Repéré lors d’un amical Belgique/Pologne et acheté moins d’un million d’euros au Lech Poznań, Wasyl, comme ils l’appellent, démarre en fanfare : deux buts et trois cartons jaunes sur ses 3 premiers matchs. L’icône polonaise Wlodek Lubanski avait vu juste dans les colonnes de Sport/Foot Magazine : « Wasilewski a tout d’un arrière latéral moderne : l’intransigence défensive et la participation offensive. Sans compter un sens du but certain sur phases arrêtées. »

La Belgique sera en tout cas certaine du talent défensif de Marcin. Si l’homme est surnommé l’Ours ou aussi le Bison, c’est qu’il chiffre : 7 cartons en seulement 13 matchs sur sa première demi-saison pour un total de 52 bristols, toutes compétitions confondues, à l’heure de quitter les Mauves, en 2013. Oui, Marcin Wasilewski sait clairement aller dans le tas, user des coudes, des poings, ne pas s’économiser dans la découpe. « Le genre de joueur que tu préfères avoir dans ton équipe… » résume plus simplement Peter Delorge, ancien adversaire du Polonais quand il évoluait à Saint-Trond. C’est d’ailleurs suite à une histoire avec Delorge que Wasyl va connaître sa plus lourde suspension dans le championnat belge : quatre matchs plus deux avec sursis. La raison ? Une manchette balancée dans la figure du Trudonnaire, envoyé ensuite à l’hôpital, mais qui, trois ans plus tard, ne lui en tient pas spécialement rigueur. « Nous n’avions pas eu de dispute avant son coup. Mais je n’étais pas non plus le plus respectable sur le terrain, et parfois tu fais des choses que tu regrettes plus tard. Je n’ai plus jamais eu de contact avec lui après ça. » Wasilewski a de toute façon toujours nié le pan rugueux de son jeu. « Je n’ai jamais joué autrement en Pologne, sans pour autant avoir mauvaise réputation. Je ne commets pas intentionnellement de fautes méchantes. Elles sont la conséquence de mon engagement. » Empreint d’auto-dérision ou de rédemption, ce même Wasilewski avait remis quelques années plus tôt le prix du fair-play au terme d’une saison où il avait récolté une dizaine de cartons.

Popularité improbable et petites blagues

Fâché avec les médias belges depuis le traitement trop sensationnel de sa blessure, « il passait toujours devant nous avec un visage de déprimé » rappelle Taildeman, il l’était beaucoup moins au sein du vestiaire. « Chaque fois qu’on le voit passer, on dirait qu’il est fâché, c’est vrai, concède Canesin. Mais dans le vestiaire, c’est un de ceux qui rigolent le plus, il est vraiment drôle. Il m’a fait pas mal de blagues, il venait parfois pour cacher des choses. Je n’ai jamais osé riposter parce que le lendemain, il aurait encore fait pire (rires). » Jonathan Legear a par exemple retrouvé son BMW X5 recouvert d’autocollants « Anderlecht champion » , quand ce n’est pas sa Smart dans un conteneur. L’homme est créatif donc, comme lors de cette soirée de titre où, après avoir englouti le contenu de cinq verres de champagne, il va tout simplement croquer… le contenant !

Respecté par ses coéquipiers – il prodiguait conseils, soutien et encouragements aux jeunes notamment – Wasyl est littéralement adulé par une grande partie du public anderlechtois. Pour sa combativité à toute épreuve, pour son attachement au club, mais également pour le symbole qu’il représente : le gars qui, blessé par un Standarman, s’est battu, n’a jamais rien lâché et est revenu au plus haut niveau, avec en point d’orgue son penalty inscrit lors de la plantureuse victoire des siens contre le Standard (5-0) en 2011. Résultat des courses : son maillot a longtemps figuré parmi le top 3 des vareuses les plus vendues à la boutique. Plus fort encore : à chaque match à domicile, les supporters ont entonné pendant des mois un chant en son honneur à la 27e minute (son numéro de maillot) en transformant le célèbre Brazil du compositeur Ary Barroso en Wasyl. Alors que l’Ours a quitté Anderlecht depuis un an et demi, il a toujours son casier dans le vestiaire de l’équipe première, « parce qu’on l’aime bien » , explique d’ailleurs un des employés avec qui il s’est toujours bien entendu.

Nigel Pearson : « S’il est en retard pour une réunion d’équipe, je change l’heure de la réunion, même moi avec la taille que j’ai »

Même si le Polonais est revenu, à la surprise générale, plus fort après sa blessure, que Marcin s’est tatoué le logo du club sur le mollet, l’histoire d’amour va néanmoins se terminer. L’entourage du club explique que le défenseur avait été terriblement vexé par le coach Van den Brom, qui ne voulait plus de lui, alors que son rêve était de terminer sa carrière à Anderlecht, le club de son cœur. Laissé libre sur le marché des transferts, c’est un peu contre son gré qu’il rejoint Leicester City, alors pensionnaire de Championship. Sur place, il va néanmoins rapidement se mettre tout le monde dans la poche, les supporters comme les membres du clubs, impressionnés et respectueux du parcours tortueux du bonhomme. Au point de dicter l’agenda quotidien des Foxes. « C’est un dingue, je le sais, confesse Nigel Pearson. Mais s’il est en retard pour une réunion d’équipe, je change l’heure de la réunion, même moi avec la taille que j’ai. » Et de Championship, l’Ours de Poznań va finalement poser ses guêtres en Premier League, son second rêve qu’il avait un temps remisé au placard suite au moment Witsel. Les débuts sont compliqués puisqu’il cire le banc pendant 9 rencontres avant d’enchaîner 15 titularisations consécutives, avec en point d’orgue un coup de casque victorieux à Old Trafford. De toute façon, à 35 ans, le Bison sait que ses plus belles années sont derrière lui. Et Wasyl sait déjà qu’on l’attend avec une bonne place dans le staff technique anderlechtois, et il aura peut-être aussi l’occasion de s’adonner à son autre passion : le cage fighting… ou d’écouter son compatriote homonyme et jazzman, Marcin Wasilewski. Oui, celui-là même qui a écrit le morceau Entropy. Et franchement, il ne pouvait pas trouver mieux pour caractériser le Polonais.

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