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Zaïre-Emery chez les Bleus : avant l'heure, c'est déjà l'heure
Ce jeudi, Didier Deschamps a convoqué Warren Zaïre-Emery en équipe de France A. Une fausse surprise qui semble logique au regard de l’engouement, notamment médiatique, autour du jeune prodige parisien de 17 ans. Est-ce cependant la bonne décision pour lui et les Bleus ?
Les deux derniers matchs de la phase qualificative pour l’Euro 2024 ne possèdent d’autres enjeux que d’assurer la première place du groupe. Il suffit d’un point à glaner soit contre Gibraltar à Nice (le 18 novembre) ou contre la Grèce à Athènes (le 21 novembre) pour être tête de série du prochain Euro. L’occasion parfaite donc pour tester de nouveaux joueurs ou de nouvelles associations. Et avec les blessures qui n’ont pas épargné le noyau dur des Bleus (la fracture du pied gauche pour Aurélien Tchouaméni et la distorsion ligamentaire du genou gauche de Benjamin Pavard notamment), Didier Deschamps avait donc une marge de manœuvre pour s’autoriser une petite folie. C’est ainsi que Warren Zaïre-Emery, 17 ans, va pousser pour la première fois les portes du château de Clairefontaine dans les habits d’un international A.
Lui non plus, on ne lui parle pas d’âge
Si le milieu du Paris Saint-Germain venait à entrer en cours de jeu, ce dont personne ne doute, la nouvelle coqueluche du Parc des Princes deviendrait l’un des plus précoces, parmi les mineurs, à avoir jamais avoir été capé en A, devançant même Edouardo Camavinga d’un bon mois. Pourtant, cette convocation est le résultat d’un faux suspense, bien entretenu par les médias depuis le dernier rassemblement où le nom du capitaine des espoirs avait déjà été cité. Il faut dire que le Titi a pour lui un excellent début de saison dans un PSG en demi-teinte, où il a su s’imposer parfois en patron. « Par ce qu’il réalise avec le PSG, il a toutes les qualités pour être au très haut niveau, même s’il y a de la concurrence à son poste, résumait le sectionneur national. À son âge, il démontre déjà un potentiel énorme et une maturité déjà bien affirmée en ayant un peu plus de 17 ans. »
Didier Deschamps a aussi voulu placer ce choix dans la perspective de l’Euro, mettant comme toujours en avant son fameux culte de la méritocratie : « C’est un candidat pour le prochain championnat d’Europe. C’est un milieu de terrain complet, déjà. Il fait beaucoup de choses très bien et il faut maintenant l’exprimer en équipe de France A. Il y a d’autres milieux jeunes comme Eduardo Camavinga. Je ne choisis pas de mettre des joueurs sur le terrain par rapport à leur date de naissance. Ils ont tout ce qu’il faut à un âge très jeune. » Si WZE a montré des limites, comme l’autre soir face à Milan lorsqu’il se retrouve par trop esseulé, on imagine aussi que son parcours chez les Bleuets, notamment sous les ordres de Thierry Henry, a aussi pesé dans la balance. Quoi qu’il en soit, ces quelques mois en 2023 ont suffi. Au point qu’il paraît presque indécent d’oser s’interroger sur la rapidité de cette intronisation. Cette success story semble presque aussi un coup de pub pour la formation tricolore, après Kylian Mbappé, et pour le réservoir inépuisable de la région parisienne. « Le groupe France a été rajeuni depuis le Mondial, a souligné en bon VRP Didier Deschamps. Il y a beaucoup de jeunes très performants, ça laisse l’embarras du choix pour les A comme les Espoirs de Titi Henry. La France a toujours été performante dans la formation. »
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années
Didier Deschamps a d’ailleurs voulu d’office couper court à certains reproches, par exemple concernant le risque de faire peser de trop lourdes charges sur des épaules si frêles. Une sélection survenant trop tôt peut se révéler un piège dans de jeunes esprits (sans parler de l’entourage, agent ou famille). « C’est une étape dans sa carrière. Il a cette capacité à assumer toutes ces responsabilités-là. » Il s’est voulu même rassurant par avance en cas de désillusion : « J’accorde toujours des circonstances atténuantes. Je considère qu’il y a ce qu’il faut pour répondre au très haut niveau international. Il faut maintenir son niveau sur la durée. »
On l’espère. Car la montée en puissance de Warren Zaïre-Emery répond aussi en partie au contexte parisien, à la recomposition de son milieu terrain et aux aléas de certains cadres qui ont permis en retour au Francilien de briller d’autant plus puissamment. Cela ne sera pas forcément la même configuration avec les Bleus. Et tant pis pour les Bleuets. Si comme Thierry Henry l’a expliqué dès le départ, le boss c’est Dédé, il se trouve peut-être privé d’un pivot essentiel dans son effectif, son capitaine qui plus est, y compris dans la perspective des JO. « Titi n’était pas surpris, s’est voulu rassurant Deschamps. Il l’a su avant vous, évidemment. Il s’adapte, on échange, j’aime avoir son retour, son ressenti, sur le terrain, la vie de groupe. C’est enrichissant pour moi. Il sait qu’une convocation peut arriver très tôt et que cela compte dans la progression d’un joueur. » En espérant que cela n’inverse pas la courbe cette fois…
Par Nicolas Kssis-Martov