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- 28e journée
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Waris, le droit de rêver
Ghana, Angleterre, Suède, Russie et France. C’est peu dire qu’Abdul Majeed Waris, 22 ans seulement, est un sacré vagabond. En quête de bonheur, de buts et de Coupe du monde, l’attaquant ghanéen de Valenciennes donne satisfaction dans le Nord de la France après six mois de galères moscovites. Impliqué sur plus de la moitié des buts de VA depuis son arrivée cet hiver, la mobylette de Tamale est venue apporter un peu d’espoir au sein d’une équipe qui lutte pour se maintenir.
Saviez-vous que le seul footballeur à avoir planté un quintuplé en Allsvenskan – première division suédoise – au XXIe siècle évoluait en France ? Oui ? Saviez-vous qu’il ne portait ni le catogan, ni la moustache, ni le maillot du Paris Saint-Germain ? Le calendrier indique le mois de mai 2012 quand le BK Häcken du jeune Abdul Majeed Waris, 20 ans, affronte l’IFK Norrköping. La rencontre tourne à la correction et la prestation du Ghanéen à la démonstration. La mobylette de Tamale s’offre un quintuplé pour l’histoire et devient le premier exilé du pays des Black Stars à claquer cinq pions dans un match officiel en Europe. Auteur de 23 buts en championnat en cette même année 2011-2012, Waris est élu meilleur joueur de l’Allsvenskan. Le début de la gloire. Le début des galères. Mais pas le début du voyage d’un nomade du football qui court après des rêves de gosse.
Didier Drogba sur le rebord de la fenêtre
Au vrai, Abdul Majeed Waris est un gosse. Ça se voit à sa tête, à sa manière de jouer et à son goût pour la décoration d’intérieur. En Suède, sur le rebord de sa fenêtre, on pouvait apercevoir un portrait de Didier Drogba. Comme un gamin qui colle ses Panini en double sur le frigo parental, le Ghanéen ne garde jamais l’idole très loin. « Je l’admire beaucoup. Il a dû surmonter de nombreuses difficultés. Ça m’inspire énormément » , avouait l’intéressé à la presse suédoise. Le slalom entre les obstacles de la vie est l’autre pratique sportive que Waris partage avec Drogba. Né à Tamale, dans le Nord du Ghana, l’attaquant de poche a été élevé par un père soudeur et une mère qui vendait du parfum sur le marché. Les souvenirs ne sont pas toujours réjouissants, l’argent ne coulait pas à flots et le paternel tente d’empêcher le fiston de jouer au football afin que celui-ci se concentre sur ses études. « Je pense qu’il est content de s’être trompé ! » rigole aujourd’hui fils. La seule chose dont Waris peine à se souvenir, c’est du jour de sa rencontre avec son premier amour. Ce fameux sentiment d’avoir toujours joué au foot. De toujours avoir eu un ballon entre les pieds. Sur le bitume, la terre ou un semblant de pelouse. Un truc de passionné. Un truc de Waris. Comme beaucoup de jeunes talents africains, c’est dans une académie qu’Abdul Majeed va faire ses gammes. À 13 ans, il intègre le Right to Dream, le droit de rêver. De voyager, aussi.
Le tour de l’Europe
Ni merci papa, ni merci maman, mais oui à la petite colonie de vacances. Comme tous les bons éléments de l’académie, Abdul Majeed, plutôt bon à l’école et carrément excellent sur la pelouse, découvre l’Angleterre et le collège de Hartpury, au sud de Birmingham. Si le changement d’environnement en dehors n’est pas aisé, sur la pelouse, tout se passe bien pour le gamin de 17 ans. En 2007-2008, il plante 36 buts en 21 matchs avec les U18 et tape dans les yeux d’une jolie Suédoise : le BK Häcken. Pas du genre à refuser un billet d’avion, le Ghanéen court après ses rêves de professionnalisme. Une opportunité en première division ne se refuse pas. Du genre à prendre ce qu’on lui donne, Waris fait donc son bonhomme de chemin en Suède où il entre dans l’histoire de l’Allsvenskan et commence à faire parler de lui au pays et ailleurs. En février 2012, il profite des blessures des frères Ayew pour choper sa première sélection et pense surfer sur la vague du succès en quittant le petit Häcken pour le plus prestigieux Spartak Moscou. Là-bas, il connaît pour la première fois la concurrence. Emenike, Movsisyan ou encore Dzyuba font du séjour russe du Ghanéen un calvaire. Depuis l’officialisation de son transfert en novembre 2012, Waris n’a disputé qu’onze petits matchs pour un but. Pas suffisant à l’aube de son nouveau rêve : le Mondial brésilien. Oui, avec trois buts inscrits en quatre matchs sous les couleurs des Black Stars en 2013, Abdul Majeed est devenu un candidat sérieux pour postuler une place d’attaquant du dernier quart-de-finaliste de la Coupe du monde. Arrivé à Valenciennes pour trouver du temps de jeu et prouver son efficacité, Waris, habitué aux changements d’ambiance, n’a pas mis longtemps à se mettre en évidence. « Si tu aimes beaucoup ce que tu fais, tu composes avec la difficulté et tu travailles dur. J’essaie de rester heureux dans mon quotidien, car j’ai la chance d’exercer ce métier. Et je me bats pour que VA se maintienne » , confiait-il à L’Équipe la semaine passée. Et « se battre » est un euphémisme. Depuis son arrivée dans le Nord, Waris a planté cinq buts et distillé trois passes décisives, tout en dribbles chaloupés, en insouciance et en courses folles. Suffisant pour être le joueur africain le plus décisif des cinq grands championnats derrière Emmanuel Adebayor. Suffisant pour faire passer la moyenne de buts marqués de VA de 0,89 à 1,29 et la moyenne de points de 0,74 à 1,14. S’il continue comme ça, Majeed devrait voir le Mondial. Heureusement, il a d’autres rêves : « Un jour, je voudrais jouer avec Messi ou Ronaldo. » Contre eux, ça sera déjà pas mal.
Par Swann Borsellino