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Walid Regragui, un job taillé sur mesure

Par Achraf Tijani et Alexis Billebault
Walid Regragui, un job taillé sur mesure

Ancien international marocain et auteur d’une carrière très honorable, Walid Regragui a succédé à Vahid Halilhodžić sur le banc des Lions de l’Atlas au mois d’août dernier, après avoir accumulé les titres au FUS de Rabat, à Al-Duhail (Qatar) et au Wydad Casablanca. Pour ceux qui le connaissent, avoir vu l’ex-défenseur embrasser le métier d’entraîneur est tout sauf une surprise.

Même avant qu’Halilhodžić ne soit viré, on sentait bien qu’il était le seul successeur vraiment crédible.

Été 2014. Les dirigeants du Fath Union Sport de Rabat découvrent dans leur bureau un courrier de leurs supporters. Le message est clair : Walid Regragui est persona non grata sur le banc des « Fussistes » . Pour les aficionados du club, c’est sûr : son inexpérience, en tant que coach numéro 1, emmènera le club droit dans le mur. Huit ans plus tard, c’est toute une partie du Maroc du football qui le réclame à la tête de la sélection en lieu et place de Coach Vahid. Avec lui, c’est sûr, fini le jeu stérile évoqué par une partie de la presse et des supporters et les tensions avec les têtes d’affiche de la sélection, Hakim Ziyech notamment. « Il y avait une forme d’unité nationale autour de sa personne : même avant qu’Halilhodžić ne soit viré, on sentait bien qu’il était le seul successeur vraiment crédible, alors que d’autres noms (Laurent Blanc, Rudi Garcia, André Villas-Boas, NDLR) circulaient. Le Maroc voulait Regragui, et personne d’autre », assure Youssouf Hadji, ancien coéquipier du nouveau sélectionneur des Lions de l’Atlas en équipe nationale.

Au FUS de Rabat, une longévité rarissime au Maroc

Durant cette presque décennie, il a pu se constituer un petit palmarès à l’échelle nationale et continentale. L’ex-latéral droit, d’abord passé sur le banc de la sélection marocaine en tant qu’adjoint de Rachid Taoussi, a emmené le FUS à la consécration nationale pour la première fois de son histoire en 2016. Et ce, avec le 7e budget du championnat. Excusez du peu. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il cède aux sirènes qatariennes en 2020, pour aller gagner un titre avec Al-Duhail. Il ne lui faudra qu’une seule saison pour ajouter à son CV un historique doublé championnat-Ligue des champions avec le Wydad Casablanca (rarissime pour un club marocain), lors de la saison 2021-2022. Comme il ne faudra que quelques secondes au téléphone à Saïd Naciri, l’éruptif président du WAC, pour dire ce qu’il pense du Franco-Marocain : « Un grand travailleur, immensément respecté de ses joueurs. »

Avec le temps, il s’est rendu compte qu’au sein du championnat marocain, la formation commence à peine, et que le niveau QI tactique des joueurs est encore trop tendre.

Son charisme repose d’abord sur une énorme confiance en ses capacités. « Il a toujours dit qu’il allait gagner le titre, et il l’a fait », se rappelle, admiratif, Mustapha El Khalfi, qui était son adjoint au FUS de Rabat, l’année du titre. Les dirigeants fussistes se souviennent : « Il sait ce qu’il veut. Le poste de sélectionneur national était dans un coin de sa tête depuis ses débuts. » Mais pour arriver à la tête du « Mountakhab » (nom de la sélection marocaine), il a dû s’adapter aux joueurs qu’il avait sous la main. Après des premières saisons basées sur des idéaux de possession, il passe, à partir de 2017, à une animation plus directe basée sur les transitions. Le spécialiste du football marocain, Yassine El Yattioui, explique : « Avec le temps, il s’est rendu compte qu’au sein du championnat marocain, la formation commence à peine, et que le niveau QI tactique des joueurs est encore trop tendre. » Rudi Garcia, l’actuel entraîneur d’Al-Nasr Riyadh (Arabie saoudite), et qui avait découvert Regragui lors d’un match d’une équipe juniors de Corbeil-Essonnes, se souvient d’un joueur « curieux. Je l’avais fait monter en équipe A, et on sentait qu’il avait un réel intérêt pour tout ce qui concernait la tactique, le travail physique, le management, c’est-à–dire une partie du travail de l’entraîneur. » Quand les deux hommes se retrouvent à Dijon, en janvier 2007, alors que Regragui a roulé sa bosse au Racing Paris, à Toulouse, à l’AC Ajaccio et au Racing Santander, le prisme de l’international marocain pour le job est encore plus prononcé. « Je ne vais pas vous dire que j’étais convaincu qu’il allait alors emprunter cette voie, mais disons qu’il y avait des signes », poursuit l’ex-coach de Marseille et de Lyon.

Une intelligence situationnelle sur le terrain

Pour Youssouf Hadji, lui-même occupé à passer ses diplômes, les contours de la seconde vie de son pote Wal’ ne faisaient aucun doute. « Lors des rassemblements de la sélection, il lui arrivait fréquemment de parler de ses entraîneurs. Il évoquait souvent Rolland Courbis, qu’il a eu à Ajaccio, Garcia bien sûr, ses entraîneurs en Espagne. Walid, c’était un joueur qui pigeait tout ce qui touchait à la tactique, ça l’intéressait vraiment. Je peux vous dire que ce n’est pas le cas de tous les footballeurs, car certains ne comprennent strictement rien », se marre l’ancien attaquant de Rennes et Nancy. En vue du Mondial au Qatar, celui qui se déclare admirateur de Pep Guardiola, Diego Simeone, Carlo Ancelotti et qui n’a jamais caché s’être toujours inspiré de Rudi Garcia, a d’ores et déjà annoncé la couleur : possession, et efficacité. Comme si les facilités techniques de Boufal ou Ziyech devaient répondre à l’exigence de résultats immédiats, dans une phase de poules où il faudra croiser le fer avec la Croatie, la Belgique et le Canada. « Il n’a pas de style Regragui à proprement parler. Juste de l’adaptabilité et du pragmatisme », explique Yassine El Yattioui.

Il pouvait être très cash. S’il doit leur rentrer dedans, il ne se gênera pas. Après une défaite, les murs pouvaient trembler.

Une intelligence situationnelle sur le terrain, qui s’accompagne d’une intelligence émotionnelle en dehors. Avec un management de « grand frère », proche de ses joueurs, « Coach Walid » semble conscient des spécificités de la nouvelle génération. « Les mentalités ont changé, les joueurs sont plus individualistes. Je me dois de m’y adapter », avait-il déclaré au micro de Canal +. Mais être à l’écoute des joueurs ne l’empêche pas de se faire entendre. « Il pouvait être très cash. S’il doit leur rentrer dedans, il ne se gênera pas. Après une défaite, les murs pouvaient trembler », se rappelle Mustapha El Khalfi. « D’après ce que je sais, les relations entre Vahid Halilhodžić et certains joueurs étaient difficiles. On a beaucoup parlé de son clash avec Hakim Ziyech, qui ne voulait plus revenir en sélection tant que Vahid serait là. Walid a rappelé Ziyech et, selon ce qu’on m’a rapporté, il a su trouver les mots, car il est encore jeune et va savoir aussi bien s’adapter à des joueurs plus âgés qu’à des mecs de 20 ans. Il connaît la nouvelle génération, mais effectivement, s’il a un truc à dire, il le dira », reprend Youssouf Hadji.

Objectif 2026

Néanmoins, les soufflantes de Regragui n’entament en rien la confiance de ses ouailles. « Il va toujours chercher à protéger ses joueurs en public. S’il doit les complimenter, il le fera devant tout le monde. En revanche, s’il a des choses à dire à un joueur, il le fera entre quatre yeux. C’est un coach qui est proche de son effectif, qui aime déconner, mais il est exigeant, sait être dur quand il le faut », confirme l’international qatarien Karim Boudiaf (32 ans), qui l’a eu comme coach à Al-Duhail. Le coach est suivi par ses joueurs, mais également par tout un peuple. Celui qui a lancé, lorsqu’il officiait à Rabat, un certain Nayef Aguerd est doté d’une belle cote de popularité dans son pays d’origine. « Tout le Maroc est derrière lui », assure Saïd Naciri. Au-delà de son profil de jeune entraîneur à qui tout réussit, le natif de Corbeil-Essonnes a gagné l’affection des Marocains par son effort de parler l’arabe malgré un accent prononcé (il maîtrise également l’anglais et l’espagnol, ce qui est utile dans une sélection où figurent beaucoup de binationaux), et son choix de commencer sa carrière d’entraîneur au sein d’un club qui ne joue pas les premiers rôles.

Au Maroc, on est plutôt du genre impatient. Il n’y a qu’à voir le nombre d’entraîneurs qui se font virer après trois ou quatre mauvais résultats. On sait que ce sera difficile au Qatar, car les Lions sont tombés dans un groupe difficile.

Si l’attente est grande, Walid Regragui a d’ores et déjà démontré, depuis ses premières années au Wydad, qu’il sait faire avec la pression. Transmettra-t-il cette imperméabilité mentale à une sélection qui en a terriblement manqué lors de l’élimination en quarts de finale de la dernière CAN face à l’Égypte ? Quoi qu’il advienne au Qatar, l’objectif fixé par sa fédé est une demi-finale de CAN 2024 en Côte d’Ivoire et une qualif’ pour la Coupe du monde 2026 aux États-Unis, au Canada et au Mexique. « J’espère qu’on lui laissera le temps de travailler, que tout ne sera pas remis en cause si jamais les choses devaient mal se passer au Qatar », conclut l’ancien défenseur international Abdeslam Ouaddou, lui aussi ancien partenaire de Regragui en sélection, et qui connaît bien la mentalité locale. « Au Maroc, on est plutôt du genre impatient. Il n’y a qu’à voir le nombre d’entraîneurs qui se font virer après trois ou quatre mauvais résultats. On sait que ce sera difficile au Qatar, car les Lions sont tombés dans un groupe difficile. Il faut voir sur le long terme, et ne pas tout remettre en cause si le Maroc rate sa Coupe du monde, car je pense que Walid a toutes les qualités pour faire du bon boulot. » D’ici là, pour son premier match à enjeu, Walid Regragui devra trouver la solution face à la Croatie, ce mercredi. Nul doute que ni Brozović, ni Kovačić, ni Modrić n’ont entendu parler de l’ex-Ajaccien. À lui de marquer cette rencontre de son empreinte, le Maroc n’ayant pas gagné une rencontre en Coupe du monde depuis… 1998. L’année où Regragui a commencé sa carrière pro…

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