- Ligue 1
- J17
- Saint-Étienne-Marseille (2-1)
Wahbi de lumière
Il faudrait commencer à s'y habituer : Wahbi Khazri fait partie de ces joueurs qui sont bons quand il le faut. Double buteur mercredi avec Saint-Étienne face à l'Olympique de Marseille (2-1), le Tunisien a déjà battu son record de buts sur une saison, et montré toute l'importance d'un buteur en confiance à Rudi Garcia. Le garçon a de l'à-propos.
Même heure de début, même durée, mêmes rebondissements. Après tout, certains matchs de football peuvent être regardés avec le même œil qu’un film déjà multi-diffusé sur les chaînes du câble : comme la fin de Rocky ou celle de Coup de foudre à Notting Hill, ceux qui ont un peu de mémoire avaient vu arriver le dénouement de ce Sainté-OM avec de gros sabots. Que Marseille peine à baisser les grilles devant ses buts depuis le début de saison (29 buts encaissés en 19 matchs de Ligue 1, pire total depuis la saison 1984-1985), on le savait. Que les Stéphanois ne convainquent pas totalement, et que ce constat ne les empêche pas d’engranger des points, on le savait aussi. Mais s’il y a bien un point sur lequel les spectateurs n’ont pas pu être surpris – de la même manière que « se séparer » dans une maison hantée soit toujours un mauvais virage d’existence –, c’est sur le fait que Wahbi Khazri soit le bras armé du canon Vert. Ça, tout le monde l’avait pigé. Un coup d’essoreuse à salade avec les trois informations ci-dessus ne donnait donc pas autre chose que l’épilogue de l’épisode diffusé ce mercredi à 21h sur beIN Sports : victoire de Saint-Étienne, doublé de Khazri.
« Moins con qu’avant »
Dans le genre, c’est presque un modèle. Saint-Étienne n’a pas très bien joué, un peu comme d’habitude, se contentant en première période de répondre aux vagues marseillaises par une écume légèrement acide, parfois inquiétante, rarement dangereuse. À vrai dire, Mandanda n’avait moussé de frousse qu’à deux reprises : 11e minute, débordement côté droit du numéro 10, crochet extérieur, centre du gauche, Diony trop court. À une valve de brassard de la mettre au fond. Puis plus tard, aux abords de la demi-heure de jeu, lorsque le Tunisien s’était effondré dans la surface, justement taclé par Maxime Lopez après une offrande du même Diony. À la mi-temps, les statistiques étaient claires, mais paradoxales : Sainté n’avait cadré aucune de ses six frappes, Marseille mis au fond son unique tir cadré.
Ne pas se fier au tableau noir : l’OM venait là de disputer sa meilleure première période depuis la naissance des gilets jaunes. Discrètement, du côté des Verts, les seuls frissons étaient venus de Khazri, justement élu meilleur joueur du mois de novembre en Ligue 1. Avant la preuve par les faits quelques minutes plus tard. Dans une interview accordée récemment à la télévision française, à la question de savoir pourquoi tout tournait en son sens depuis le début de la saison, le bonhomme avait parlé de Jean-Louis Gasset : « Le coach. C’est le coach. On se sent bien avec lui, on a un peu la même mentalité tous les deux. Il ne met pas le filtre, il dit les choses comme il les ressent. »
Sur le terrain, sans avoir besoin de le dire, Khazri exprime aussi quelque part les choses comme il les ressent. Son amour pour le public de Geoffroy-Guichard, par exemple, où il a marqué plus de 90% de ses buts cette saison, 11 sur 12 en Ligue 1. C’est son record personnel sur un exercice, et l’on est en janvier. Vivre d’amour et d’eau fraîche, dit-on, ne serait pas une mauvaise chose pour la santé. On peut donc sans risque supposer que ce qu’a mis cette année Khazri en bouteille, c’est son ego. Ou presque. Il reste le Stéphanois qui a pris le plus de cartons jaunes en championnat (7). Une affaire résumée par cette formule : « Je suis moins con qu’avant, mais je le suis encore un peu » qui, en le disant, est déjà une preuve que ça n’est pas totalement faux.
Mistral perdant
Repositionné en pointe l’an passé par Sabri Lamouchi, le joueur de 27 ans s’épanouit depuis au contact du but, en danseur collé-serré avec la charogne qu’il s’amuse à becqueter de temps à autre, histoire de se remplir l’estomac et les feuilles de statistiques. Parfait pour un aigle de Carthage. En inscrivant un penalty – qu’il a lui-même obtenu –, et une frappe de mule de l’extérieur de la surface, le tombeur de l’OM n’a fait que donner un peu plus de résonance aux échos qui auraient voulu le voir marcher sur le Vieux-Port dès cet été. Comme ça, juste pour voir. Une promenade à sept millions d’euros. À l’époque, ça se tentait.
Qu’on se le dise, avant que le Mistral ne l’emporte : Khazri est un létal. Une âme froide. Un type capable de buter sur Mandanda (81e), et de remettre le couvert sept minutes plus tard avec réussite, pratiquement depuis le même endroit. Khazri a encore fait tomber un gros de Ligue 1, comme avec Rennes l’an passé face à Lyon, comme avec Bordeaux contre Paris en 2015, et comme souvent, en fait. Mais peut-être que Rudi Garcia est un couche-tôt, après tout. Peut-être bien qu’il ne voit jamais la fin des films. On lui inscrit donc là ces mots de Rocky, qu’il a sûrement dû louper : « C’est pas fini tant que la cloche n’a pas sonné ! »
Par Théo Denmat