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W. Dalmat : « Maintenant dans le vestiaire, ça tweete à trente minutes du match »
À trente-quatre ans, Wilfried Dalmat continue d'enfiler chaque semaine son maillot en CFA2. Le petit frère de Stéphane, formé chez les Canaris, avait planté son seul et unique pion en prêt à l'OM à la Beaujoire. Ce Nantes-Marseille est donc l'occasion de parler de ses choix de carrière, de l'ombre de son frère, de l'appel de Bernard Tapie, de ses acouphènes au Vélodrome, de la rancune d'Héctor Cúper, des plans foireux de l'ancien agent d'Eden Hazard, de son titre avec le Standard et du service militaire.
Salut Wilfried. La forme ? Tu joues toujours au football à Bourges en CFA2, c’est bien ça ?Oui, c’est ça. J’ai terminé la saison 2014-2015 avec le White Star, en deuxième division belge à Bruxelles et j’en ai eu ras le bol. La saison d’après, j’ai pris une année sabbatique, j’ai totalement arrêté le football, j’avais besoin de me ressourcer, de me retrouver en famille. Et en 2016, j’ai eu envie de reprendre le foot à un niveau correct, mais proche de là où j’habite. Moi, je suis à Tours et j’ai eu l’opportunité de signer à Bourges, à une centaine de kilomètres.
Pourquoi tu en as eu marre ? Ça n’a pas été un bon choix de ma part de signer au White Star. Je n’ai pris quasi aucun plaisir. Pourtant, je suis un grand amoureux du foot, mais ça m’a fatigué un peu les méthodes de fonctionnement de ce club. J’ai du respect pour John Bico (manager du club et ancien agent d’Eden Hazard, ndlr) quand même, mais ça m’a fatigué, il y avait sept joueurs qui changeaient d’un match à l’autre, pas de stabilité dans le club. Tous les deux mois, un joueur qui était viré, un peu « maltraité » , il y avait des problèmes de paiement. Moi, il m’a toujours respecté, je n’ai eu aucun problème avec lui, mais de voir ce qui se passait dans le club, ça m’a sincèrement dégoûté du football.
Si je te dis Nantes-Marseille, en revanche, j’imagine que c’est un super souvenir. Ton premier but en première division…Bah ouais, j’ai vu ce but il n’y a pas longtemps avec mon fils. Je marque mon seul but à Marseille d’ailleurs. Un beau but face à Micka Landreau, ça reste un bon souvenir. Nantes, c’est mon club formateur. Là où tout a commencé, où je suis sorti professionnel, ça restera un peu le club de mon cœur. Marseille, j’étais jeune à l’époque, mais ça reste un excellent souvenir.
Quand tu intègres le groupe pro, il y avait une sacrée équipe nantaise à l’époque.Il y avait une belle équipe, un excellent collectif, car ils venaient d’être champions. J’avais beaucoup aimé Stéphane Ziani, avec un petit gabarit, mais très technique. Il faisait partie des anciens, mais il était très cool et très sympa avec les jeunes. Nestor Fabbri aussi m’a marqué. Il était plus froid, mais il était minutieux dans son travail, très sérieux. En matière de professionnalisme, il m’a marqué dans son attitude à l’entraînement et les jours de match. Le mec, il prenait vraiment son job à cœur. C’est plus ce que l’on voit dans les nouvelles générations.
C’est plus à l’arrache aujourd’hui ?Ouais. Peut-être pas dans les clubs de très très haut niveau, mais maintenant à l’entraînement les mecs arrivent à la dernière minute. Attention, il y en a toujours qui sont à l’écoute de leur corps et sérieux dans leur travail. Je parle autour de moi, il y a vraiment eu un changement de mentalité, dans l’approche de la préparation d’un entraînement ou d’un match par rapport à il y a quinze ans. Maintenant dans le vestiaire, ça tweete à trente minutes du match, ça snappe. Faut évoluer, vivre avec son temps, mais ça peut être dérangeant quand même.
T’es prêté à l’OM en même temps que Dimas Teixeira et d’Alberto Rivera. Comment tu débarques là-bas alors que ça fait six mois que t’es à Nantes dans le groupe pro ?Bernard Tapie m’avait appelé début janvier. Ça fait bizarre quand on connaît Tapie. L’appel avait duré une minute. Il m’a dit : « Mon petit, on te veut à l’OM dans le couloir droit. Ton club est au courant, ton agent est d’accord. » J’avais dix-neuf ans, donc bon, tu peux pas dire non. J’ai accepté direct et deux jours après, j’étais à Marseille.
Tu as regretté ton choix ?Non, pas du tout, car j’étais prêté sans option d’achat, je savais que Nantes voulait me récupérer. Marseille, ça ne peut pas se refuser, même si à l’époque, il y avait un va-et-vient de joueurs qui faisait que tout le monde pouvait signer à Marseille. Même si j’étais n’importe qui, je peux dire que j’ai porté le maillot de l’Olympique de Marseille. C’était un peu le bazar à l’époque, mais je ne regrette pas du tout, ça m’a permis de grandir.
En quoi c’était la zone ?Il y avait une trentaine de joueurs à l’entraînement et une dizaine dans le loft sur le côté. Le jour où je suis allé signer dans les bureaux, j’ai assisté à une bagarre entre un agent et un dirigeant. Il y avait des conversations houleuses, car un joueur n’avait pas signé. Je sortais de Nantes, le club familial où tout est propre, j’arrive à Marseille où des choses bizarres se passent dans le club. Je me suis dis : bienvenue à Marseille.
Nantes et Marseille, ce sont deux très beaux publics aussi. Lequel t’a le plus marqué ?Marseille, c’est la meilleure ambiance quand même. Je me souviens notamment d’un Marseille-PSG, un Classico au Vélodrome où c’était le feu. J’en ai même eu mal aux oreilles parce qu’il y avait des haut-parleurs branchés aux quatre coins du terrain. Je peux te dire que les oreilles aussi elles sifflaient. Ça reste mes meilleurs années au niveau de l’ambiance, avec aussi ce que j’ai connu en Belgique au Standard. On dit que c’est le petit Marseille. Le public nantais a toujours été présent, mais je remarque qu’ils sont plus chauds que ce qu’ils étaient il y a une dizaine d’années.
Après six mois à l’OM, tu reviens comme prévu à Nantes, puis tu repars à la trêve en deuxième division à Châteauroux. L’équipe rate la montée…Ça a été le tournant de ma carrière. Je regrette d’avoir signé là-bas, d’avoir quitté Nantes et Ángel Marcos qui me faisait confiance. À l’époque, c’est vrai que je n’avais pas assez de recul et de maturité pour comprendre qu’il fallait être patient. J’étais la doublure de Frédéric Da Rocha. J’avais envie de jouer, de faire ma semaine d’entraînement et jouer un match. J’aime trop le football en fait. Jouer 15 minutes tous les week-ends même si je jouais en Ligue 1, voilà… Ça ne me convenait pas. Ça faisait un an et demi que j’étais pro et j’en voulais plus. Je pense que j’aurais dû terminer la saison à Nantes. L’avenir aurait pu être différent. Oui, c’est un regret.
Ensuite, en douze saisons, tu as enchaîné onze clubs dans sept championnats différents. Comme ton frère, tu as énormément bourlingué. Comment t’expliques ça ?Oui, on a beaucoup changé de clubs. On peut l’expliquer par un concours de circonstances à chaque fois, on peut l’expliquer aussi par des mauvais choix. J’assume celui de Châteauroux parce que si je ne signe pas à la Berrichone, peut-être que je m’impose à Nantes, je fais quatre-cinq années chez les Canaris et puis je vais dans un club plus huppé et je fais trois, quatre clubs dans ma carrière. Quand tu commences à faire un mauvais choix dès le début, tu prends une mauvaise spirale. C’est comme ça…
T’es arrivé après ton grand frère. J’imagine que ce n’était pas facile pour toi. Tu restais le frangin de Stéphane en quelque sorte ?Ça n’a pas été évident. D’un côté, j’étais très fier d’être le frère de Stéphane et d’être pro. De l’autre, plus je grandissais et plus je sentais qu’il y avait des regards tournés sur moi. Plus que sur mes coéquipiers par exemple. Stéphane quand j’ai signé pro, il était à l’Inter, il avait déjà joué au PSG, à Marseille, à Lens… C’était un des espoirs du football français, les gens s’attendaient à me voir faire des choses que Stéphane faisait sur un terrain, mais je n’ai pas eu ni son talent ni sa carrière. J’étais beaucoup moins fort que lui. Ça a été pesant, mais je me suis libéré quand je suis arrivé en Belgique, j’ai réussi à me faire un prénom.
Comme beaucoup de Français, tu as rebondi au Plat Pays. Tu as enfin réussi à faire des années pleines.C’est en Belgique que je me suis épanoui, aussi bien dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle. Ça reste une belle époque pour moi. À Mons et au Standard. À Liège, j’ai été champion. Ça ne vaut pas un championnat anglais, une Ligue 1 ou une Liga, mais ça reste quand même une belle fierté.
Tu t’es barré encore un peu sur un coup de tête.Après le titre, on avait un deal. Si je m’imposais dans l’équipe, que je faisais une bonne saison, ils me proposaient un contrat. Après cette saison-là, je pars en vacances et après j’apprends que les autres (Defour, Jovanović, Witsel, Mbokani…) avaient signé un nouveau contrat. Je demande à étudier mon cas, on m’a demandé d’attendre six mois et je l’ai mal pris. Ces joueurs avaient une autre valeur marchande que moi, mais je pense que je méritais une prolongation de contrat. Ça m’avait un peu déçu de leur part.
En Turquie, tu as été coaché par un certain Héctor Cúper.À Ordusport, oui. Pour l’anecdote, il avait entraîné mon frère à l’Inter et sur la fin, ça s’était très mal passé entre eux. Il ne voulait pas le faire jouer, mais le président et les supporters exigeaient qu’il joue. Il a été un peu forcé de l’aligner. Ça a créé un conflit entre les deux. Est-ce que c’est la raison pour laquelle je n’ai pas joué ? Je suppose que oui. Il a demandé à ce qu’on me prête…
Pendant ton année sabbatique, tu as joué en équipe de France militaire avec José Saez et Fabrice Abriel. On m’a contacté comme j’étais sans club pour savoir si ça m’intéressait d’être réserviste pour la France, car ils partaient aux Jeux militaires en Corée du Sud. J’ai accepté et je suis allé au Centre national des sports de la Défense à Fontainebleau. J’ai été validé en tant que réserviste militaire pour la France. Ça reste une belle expérience d’avoir vécu comme un militaire avec les exigences qui vont avec.
Sur la discipline, l’ordre, tu as appris des trucs ? Ça t’aurait servi à l’aube de ta carrière ?À respecter les horaires, tu as le petit déjeuner à 7 heures avec tous les militaires sportifs, j’ai appris à marcher au pas, il y avait la levée du drapeau le vendredi. C’est enrichissant humainement. Je suis partisan du service militaire, car ça forme un homme et ça apporte certaines valeurs, notamment de la rigueur et de la discipline, qui sont très importantes dans la vie de tous les jours et au niveau professionnel. Avant, il y avait le bataillon de Joinville, ça a dû servir à certains footballeurs dans l’exercice de leur métier.
Propos recueillis par Jacques Bensard