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Vonlanthen, la furie et la foi
Longtemps considéré comme l'enfant terrible du football suisse, Johan Vonlanthen est de retour sur les terrains après avoir décidé de raccrocher ses crampons prématurément pour se consacrer à la religion. Flash-back sur une carrière mystique.
Il y a encore un an, Johan Vonlanthen était loin de se douter qu’il disputerait un match qualificatif pour la Ligue des champions. Il y a encore un an, l’ancien attaquant de la Nati n’était tout simplement pas footballeur. À l’âge où certains commencent à se tailler une belle réputation, l’ex-grand espoir du football suisse annonce à l’âge de 26 ans que la Bible l’intéresse plus que de mettre un ballon au fond des filets : « Jésus Christ a pris le contrôle sur moi. Il est devenu ma véritable priorité. » Mystique et surprenante, la décision de Vonlanthen intervient au moment où sa carrière est en chute libre.
Né à Santa Marta, en Colombie, le gamin grandit à l’ombre de la statue de la superstar du coin : Carlos Valderrama. La famille de celui qui n’est pas encore suisse croise parfois celle du jeune Falcao, lui aussi natif de cette côte caribéenne. « Je connais ses parents, mais je ne lui ai jamais parlé. Nous sommes très différents. Le football, c’est tout pour lui, je lui souhaite tout le bonheur du monde. Je sais aussi qu’il est très croyant : je lui souhaite le salut de son âme » , déclare un jour Johan. Comme Falcao, le père de Volanthen a lui aussi été footballeur professionnel (en D2 colombienne) et souhaite faire de son fils l’un des meilleurs joueurs du monde. Si Radamel Senior n’a pas hésité à baptiser son fils Falcao, en l’honneur de la star brésilienne Milton, le père de Volanthen choisit de le nommer Johan. Comme Cruyff ? Pas vraiment : « Johan, c’est un hommage au chanteur catalan Joan Manuel Serrat, dont j’ai toujours été fan » , explique le géniteur. C’est à peu près la seule décision que le daron de Vonlanthen aura pris pour son fils. En effet, Vonlanthen a 6 ans lorsque sa mère décide de divorcer pour suivre un citoyen suisse en Europe. Le jeune Johan suit les pas de sa mère. Le changement est radical et les larmes nombreuses : « À chaque fois que je l’avais au téléphone, il pleurait et me disait qu’il ne deviendrait jamais footballeur professionnel en Suisse » , se souvient encore Milton, qui avoue que sa relation actuelle avec son fils est quasi inexistante. Après une première licence au Flamatt, Vonlanthen est rapidement repéré par les scouts des Young Boys de Berne. Rapidement, il fracasse un à un tous les records de précocité du football helvétique. Il débute en première division à 16 ans à peine et signe un contrat à 17 ans pour le PSV Eindhoven, la porte d’entrée de l’Europe pour ses deux grandes idoles : Romario et Ronaldo. À même pas 18 ans, il est sélectionné avec la Nati pour l’Euro 2004. Une manière de tuer définitivement le père. C’est lors de cet Euro que Vonlanthen va véritablement se faire un nom en devenant le plus jeune joueur à marquer en phase finale de la compétition. Son but contre les Bleus reste à ce jour son plus grand souvenir en tant que footballeur. « La veille, le coach m’avait informé que j’allais entrer en jeu. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit : je n’arrêtais pas de me dire que j’allais jouer contre Zidane, Trezeguet et Henry. Forcément, ce but contre Barthez, je m’en rappellerai toute ma vie. »
« Si je n’avais pas été aussi faible psychologiquement… »
Alors que Falcao n’a pas encore réalisé le moindre match avec l’équipe première de River, Vonlanthen, lui, devient l’une des belles surprises de l’Euro. Il ne confirmera jamais. La faute à des blessures et à un mental de pucelle : « La frontière est grande entre le joueur que j’aurais pu être et celui que j’ai été. On m’avait pronostiqué une grande carrière. J’aurais pu jouer pour des grands clubs et ça aurait été le cas si je n’avais pas été aussi faible psychologiquement. La religion m’a aidé à me fortifier mentalement » , lançait l’année dernière le jeune retraité. En réalité, la carrière de Vonlanthen part en vrille lorsque son transfert au Racing Santander capote au dernier moment : « J’étais au Red Salzbourg et j’avais des envies de Liga. J’ai prié toute la nuit pour que le fax du transfert arrive. Malheureusement ça n’a pas été le cas. » Le joueur, déboussolé, commence à donner du fil à retordre à ses dirigeants autrichiens. En bon fidèle de l’église adventiste, il refuse de travailler le samedi. Celui qui a découvert Jésus à Eindhoven grâce à l’actuel Parisien Alex est alors tiraillé entre la foi et le football : « Avant, ma vie se résumait à un ballon, puis j’ai découvert la Bible et je me suis posé des questions. Je n’aimais pas certaines interprétations, comme la Sainte trinité et c’est là qu’est apparu une véritable lutte interne qui m’éloignait de plus en plus du football. Pour dire vrai, le football m’ennuyait et me dégoûtait de plus en plus. » L’ancien international suisse décide alors de rentrer dans son pays natal pour évoluer au modeste Itagui, le seul club à avoir accepté ses absences le samedi. Le Suisse ne jouera que six petits matchs avec son nouveau club avant de résilier son contrat.
Malgré son genou en vrac et sa retraite sportive, Vonlanthen est heureux de son retour aux sources en Colombie. Sa femme vient d’accoucher et son travail de missionnaire lui remplit le cœur à défaut de lui remplir les poches : « Quand j’aidais les plus défavorisés, j’étais vivant. Un sourire de ces gens-là vaut toutes les coupes du monde. » Le bénévolat et la découverte d’un pays qu’il a quitté très jeune redonne le sourire au Suisse, qui se met même à regarder du football à la télévision : « Je regardais des matchs de Ligue des champions et ça me donnait envie de rejouer. Je me suis dit que j’étais encore jeune et que si je voulais, je pouvais encore réaliser quelque chose dans le football. » Conscient qu’il ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche toute sa vie, Vonlanthen retourne en Suisse pour s’entraîner avec le modeste club de Wohlen. Le corps est rouillé, les clubs méfiants à l’idée de récupérer un joueur instable, mais il finit tout de même par signer un contrat d’un an avec les dirigeants du Grasshoper Zurich. Avec une idée en tête, se relancer : « Maintenant que j’ai fait la paix avec moi-même, je veux faire la paix avec le football. » Amen.
Par JPS ( propos tiré de Panenka et Le Temps)