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  • Journée mondiale de la santé mentale
  • Interview

Vol au-dessus d’un terrain de football

Propos recueillis par Ugo Bocchi
Vol au-dessus d’un terrain de football

Pour la journée mondiale de la santé mentale, Florent Martin, infirmier au centre hospitalier de la Chartreuse à Dijon, raconte la « football thérapie ».

Déjà, est-ce que vous pouvez nous présenter votre métier ?

Je m’occupe de patients psychiatriques et je les encadre dans la pratique sportive. En gros, ce qu’on leur propose, c’est un soin. Toutes nos activités physiques sont faites sur prescription médicale par le psychiatre et par le médecin. On les accompagne, on les aide à aller mieux et à se revaloriser. Comme il y a l’art-thérapie ou la musicothérapie, et bien il y a aussi la médiation par le sport. C’est un soin.

C’est-à-dire, un soin ?

En fait, le principal objectif, c’est la notion de plaisir. Quand le patient vient, il faut que l’activité lui plaise et qu’il en retire quelque chose de positif. On est toujours dans une ambiance détendue et conviviale. Pour un patient, rien que de faire une heure de sport, même s’il ne court pas à fond, ça lui apporte beaucoup au niveau physique. Ça libère de l’endorphine, ça crée de la fatigue et ça l’aide à se sentir mieux. Et puis aussi on va structurer leur journée. Quand ils sont à l’hôpital, ils n’ont pas grand-chose à faire, c’est forcément une bonne chose.

Et en quoi le plaisir aide vos patients ?

Globalement, ici on a des dépressifs, des gens qui ont des problèmes d’alcool, des gens plutôt délirants. Dans notre hôpital, on touche à des maladies qui prennent leur source dans la personnalité, l’histoire de vie du patient. Et leur point commun, c’est la souffrance. Qu’il faut apaiser. Et la notion de prise de plaisir, ça aide. On guérit d’une fracture. Mais guérir d’une maladie psychiatrique, c’est plus compliqué. C’est pour ça qu’on parle de soin, d’apaiser la souffrance. S’il a une mauvaise image de lui, avec l’activité sportive, on le valorise. On lui montre qu’il peut jouer, qu’il peut jouer avec les autres, qu’il peut même bien les faire jouer. Et finalement, ça apporte du positif parce que certains patients, qui ont plus de facilités, vont aider ceux qui ont plus de mal. Celui qui va aider va se sentir valorisé. Et celui qui va être aidé se sentira reconnu. Ça fait un bon mélange.

Les compositions d’équipe du coup, c’est compliqué, non ?

Ah oui, complètement. Un vrai puzzle. On a certains patients qui font une intolérance à la frustration. S’ils se font prendre la balle, s’ils perdent un match, ils vont ressentir beaucoup de colère. Donc, on fait en fonction. Et puis si ça ne marche pas, nous aussi on joue avec eux et on fait en sorte que ça fonctionne. On donne la balle aux patients esseulés par exemple. Faire une bonne composition d’équipe, c’est plus dur qu’une bonne répartition de table à un mariage. S’ils ont eu une altercation dans le service, selon l’état d’esprit dans lequel ils sont, on fait des ajustements à chaque match. Et puis, on simplifie les règles aussi : on ne siffle pas les hors-jeu et les matchs ne durent que six minutes.

Comment se passent les matchs en général ?

Il y a trois ou quatre buts par match. Ça dépend des matchs. Ce n’est jamais très long parce que la plupart d’entre eux n’ont pas une bonne condition physique. Mais le but du match, c’est de jouer ensemble pour qu’ils prennent du plaisir, dans la bonne humeur, et qu’il n’y ait pas trop de tensions. Ça peut arriver quand certains perdent la balle, quand ils se prennent un but. Ça peut déboucher sur de la tristesse, avec même des pleurs. Mais notre rôle, c’est de les aider à gérer cette frustration.
Il y a un gros fan de Mandanda à l’hôpital. Forcément, il est toujours gardien. Il vit plus passionnément ses matchs, dans sa façon d’être, il donne des conseils…

Ça vous arrive d’exclure des patients par exemple ?

Oui, mais c’est très rare. Pendant un match, si le comportement d’un patient nuit au groupe, qu’il vit un peu trop le match ou qu’il est un peu trop agressif dans ses propos ou dans son attitude, on lui dit d’aller s’asseoir et de se calmer. Et en discutant avec lui, généralement, on arrive à le calmer. Mais si on n’y arrive pas, on peut l’exclure temporairement, oui. Les activités de sports collectifs se passent le jeudi matin, on a quinze ou vingt patients à gérer et ça peut vite déborder, s’il y en a un qui ne va pas bien. Une contagion de mauvaise humeur. Mais j’ai l’impression que, de manière générale, ça dégénère moins dans que dans le foot réel. Je ne suis pas tous les matchs de foot, mais j’ai l’impression que nos patients respectent un peu plus les décisions qu’on prend.

Chaque année, vous organisez un tournoi aussi, c’est ça ?

Oui. Avant, on appelait ça tournoi de foot, mais on a voulu enlever le terme « tournoi » , parce que ça faisait trop compétition. Ça arrivait qu’il y ait de mauvais comportements, trop de patients qui jouaient la gagne, trop de patients qui jouaient comme des bourrins. Et ce n’est pas le but qu’on recherchait. Du coup, maintenant on appelle ça : « Rencontre sportive interrégionale autour d’un ballon de foot » . C’est plus long à dire, mais ça décrit mieux ce que l’on propose. Toutes les équipes se rencontrent, tout le monde a la même médaille à la fin, et ça fonctionne mieux ainsi.

Il y a des patients fans de foot ?

Oui, ici, il y en a un qui a une trentaine d’années, qui vit sur l’hôpital. Sa famille ne peut plus l’accueillir et il joue même deux fois par semaine au foot. C’est un gros fan de Steve Mandanda, il a acheté tout son équipement, il s’est même fait floquer son maillot. Et forcément, il se met tout le temps aux cages. Il vit plus passionnément ses matchs, dans sa façon d’être, il donne des conseils… Il vit aussi plus fort les buts qu’il prend, mais dès qu’il fait un arrêt, il vient me voir et il me dit : « Hé Florent, t’as vu l’arrêt que j’ai fait ? »

Les patients regardent aussi le foot à la télévision ?

Oui, il y a des télévisions dans une salle à part. Mais pas dans leur chambre individuelle parce qu’on ne veut pas qu’ils passent leurs journées scotchés à l’écran. Mais oui, on retransmet les grosses compétitions comme la Coupe du monde, ou l’Euro. C’est aussi un moyen d’occuper leurs journées. Les patients regardent les matchs avec les soignants. Après, à l’année, c’est plus difficile parce que les matchs sont sur des chaînes payantes.

Donc pas de Ligue 1 ?

Non. Pas de Ligue 1. Les patients suivent surtout les matchs de la France. Enfin, ça dépend aussi de l’origine des patients. Mais l’année dernière, par exemple, on est allés voir un match de Dijon au stade. On s’est mis en contact avec eux, on a été très bien accueillis, avec un tarif super avantageux, on s’est fait conduire dans le stade par la sécurité. Bref, on était huit patients et trois soignants. Et franchement, c’était une expérience très positive. On renouvellera ça très bientôt. Et en plus, le DFCO est plutôt bon pour l’instant. À voir…
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