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« Voir Sochaux et Auxerre en L2 me fait mal au cœur »
Valter Birsa, maître à jouer du Chievo, a désormais fait son trou en Serie A. Le Slovène rembobine son parcours, notamment ses cinq années françaises. Entre Sochaux et Auxerre.
Si je te parle de la France, de but en blanc, quelle est la première chose qui te vienne à l’esprit ?Sincèrement, c’est difficile d’isoler un moment, car j’ai vécu cinq très belles années. À Sochaux, j’ai connu un très bel environnement et remporté la Coupe. À Auxerre aussi, on bossait dans d’excellentes conditions. D’ailleurs, le Chievo me rappelle un peu ces deux équipes, même si la mentalité italienne est très différente. À Sochaux et Auxerre, tu démarres la saison comme ça, pour jouer, sans d’objectif prédéfini, et si ça fonctionne, tant mieux. Au Chievo, le maintien est une fixation.
Comment es-tu arrivé à Sochaux ?J’étais en train de passer les visites médicales au Dynamo Kiev lorsque j’ai reçu leur offre. J’avais 18 ans, et il y avait plein de grands joueurs devant moi, je n’étais pas totalement convaincu, tandis que Sochaux me voulait tout de suite en équipe une. Ensuite, j’ai rencontré le président et l’entraîneur qui m’ont affirmé qu’ils comptaient bien sur moi. D’ailleurs, je suis parti direct en stage d’avant-saison. L’intégration s’est très bien passée, je ne parlais pas français, mais Perrin et Galtier pratiquaient bien l’anglais, et le Serbe Tošić était là pour m’aider. Et puis je répète, pour un jeune, c’est parfait, tu débutes la saison sans objectif, sans pression.
Sans objectif, mais vous gagnez de suite la Coupe de France.Perrin a fait un très gros travail avec une gestion de groupe excellente. Cette année-là, il y avait Ziani, Leroy, Isabey, Richert, Bréchet, Pichot, etc. Beaucoup étaient arrivés en même temps que moi. Cette finale, c’était quelque chose, il y avait 20 000 Sochaliens, ce qui est énorme pour une ville comme Montbéliard, et autant de Marseillais, sauf que la partie neutre du Stade de France était pour l’OM. C’était un contexte particulier, mais cela ne m’a pas empêché de me présenter sans pression au moment de transformer mon penalty lors de la séance fatidique.
À Sochaux, tu croises un certain Perišić, aujourd’hui à l’Inter.L’Hajduk ne lui avait pas accordé la permission de jouer, donc pendant six mois, il est resté avec les jeunes. On voyait déjà qu’il avait des qualités, les coachs ne l’ont pas pris en considération et ont fait une grosse erreur. Maintenant qu’il est à l’Inter, on a bien repris contact, car on traînait toujours ensemble, après chaque entraînement, on se retrouvait ou chez moi, ou chez lui avec sa sœur et sa mère qui l’avaient suivi.
Sochaux et Auxerre ne sont pas les villes les plus glamours pour un jeune de 20 ans.Certes, mais au moins, tu ne penses qu’au football et tu n’es pas déconcentré par les distractions. Et puis, Auxerre n’est qu’à 1h30 de Paris. Si tu as un jour de libre, tu y files. À Sochaux, tu es proche de Strasbourg et Zurich, tu n’es pas si perdu que ça.
À l’AJA, tu disputes la Ligue des champions dans un groupe qui respirait l’histoire du foot…Nous ne gagnons qu’une rencontre face à l’Ajax et perdons toutes les autres, mais la tête haute, à part le dernier à Madrid où on prend 4-0. Les deux rencontres face au Milan, on est dans le coup jusqu’à l’heure de jeu et on a de bonnes opportunités en contre avant qu’ils ouvrent le score. Et c’était le Milan de Zlatan, Seedorf, Ronaldinho et compagnie, hein. Contre le Real à la maison, on perd 1-0 à la 86e. On peut être fiers de nous.
En France, on se souvient surtout de toi pour un beau geste fair-play, cet OM-Auxerre durant lequel tu sauves Baky Koné d’une expulsion injuste.J’ai envie de dire, heureusement qu’on a gagné ce match (rires) ! Ce fait de jeu, j’étais sûr de mon coup, ce n’est pas comme ces situations où tu ne sais pas si le ballon est sorti ou pas. Là non, je savais que Koné n’avait rien fait et que le rouge était inexistant. Mais bon, c’est sûr que certains de mes coéquipiers ne l’ont pas bien pris sur le moment, même s’ils ne me l’ont pas dit. D’autant que quelques minutes plus tard, lors d’un duel aérien normal, un Marseillais imite le geste du coude et fait comprendre à l’arbitre qu’il fallait mettre un rouge, hein…
Tu as l’occasion de repasser à Auxerre et Sochaux ?Le monde est tellement grand, il y a beaucoup de choses à voir, y revenir est compliqué, d’autant plus avec les enfants. Si je vais à Paris, et je ne sais pas quoi faire, je ferai un saut volontiers à Auxerre. D’ailleurs, ça me fait mal au cœur de voir mes deux anciennes équipes en Ligue 2. En plus, Peugeot s’est retiré de Sochaux, tout a dû changer.
Quel entraîneur t’a le plus marqué lors de tes années françaises ?Alain Perrin, tactiquement très fort, il m’a enseigné beaucoup de choses. En plus, il me faisait jouer en coupe, avec seulement seize noms sur la feuille de match. Par exemple, un symbole comme Isabey a fini en tribunes en finale, ce qui était très dur, je me sentais un peu coupable. L’autre coach est Jean Fernandez, j’ai bien aimé son style à la dure. Peut-être qu’on n’a pas développé le plus beau jeu de France, mais il a fait un gros travail et obtenu de très bons résultats.
Quelles sont tes options lorsque tu arrives en fin de contrat en 2011 ?Je sortais de deux belles années entre la Ligue des champions et la Coupe du monde. Plusieurs équipes étaient intéressées, mais le Genoa me voulait dès janvier, sauf que Fernandez m’a fait comprendre que ça ne l’arrangeait pas, on était à court de joueurs, six titulaires blessés, il fallait se sauver et pourtant il savait qu’il ne restait pas la saison suivante. Il aurait pu s’en foutre, mais il tenait au maintien et je ne me sentais pas de le planter. J’ai fini la saison, mais dès février, j’ai signé mon contrat de quatre ans avec le Genoa, ce qui m’assurait un avenir. Je veux dire, si le Real est aussi intéressé, mais veut te suivre pendant quelques mois, ben tu prends le risque d’attendre, de te péter une jambe et de te retrouver sans rien.
L’Italie était finalement un choix logique vu que tu as grandi à quelques mètres de la frontière italienne…Je savais comment fonctionnait ce pays, en jeunes, j’ai d’ailleurs souvent affronté des équipes italiennes. Dans mon coin, on suivait surtout la Serie A. Quand Ronaldo débarque, j’avais dix ans, l’âge où tu commences à comprendre le foot. Je supportais l’Inter même si j’étais milanista, mais heureusement, il a fait le bon choix quelques années plus tard en allant au Milan (rires).
Justement, ta saison au Milan en 2012-13, tu la juges comment ?Ça avait très bien démarré, on me parle toujours de mes deux buts en championnat qui donnent six points au club, mais au-delà de ça, j’avais la confiance d’Allegri et je jouais régulièrement. Ensuite, j’ai eu des pépins physiques, notamment une côte fêlée, il y a eu le changement d’entraîneur et j’ai reculé dans la hiérarchie.
Tu es un joueur très polyvalent, mais cette année, tu évolues numéro 10 et ça fonctionne plutôt bien.Coach Maran avait tenté le coup plusieurs fois la saison passée et ça avait marché, du coup, on a réessayé cette saison, ça a porté ses fruits contre la Lazio et la Juve notamment. Maintenant, si à Empoli, lors de la première journée, on ne réussit pas à remonter le score pour l’emporter 3-1, si ça se trouve on oublie directement le 4-3-1-2. Je ne saurais pas dire si c’est mon poste définitif, mais disons que ça s’inscrit dans une volonté de produire plus de jeu. On a gagné en qualité et on marque beaucoup plus.
La Slovénie absente de l’Euro à 24, c’est une grosse déception, non ?Ma foi, difficile à dire, nous sommes deux millions d’habitants avec un réservoir de 20 joueurs de haut niveau. Si deux ou trois titulaires sont blessés ou dans un mauvais jour, tout se complique. L’Italie, quand Marchisio est absent, Verratti prend sa place, c’est incomparable. On aurait clairement pu éviter de perdre des points, mais dire que c’est une déception, non. Au final, la Slovénie n’a participé qu’à deux Coupes du monde et un Euro, même si la qualif n’est jamais bien loin.
Nous n’aurons donc pas le plaisir de voir Handanović en France.Selon moi, il fait partie des trois meilleurs au monde, et très facilement. J’ai vu un classement qui l’excluait du top 10, mais comment ils font ? (celui de l’IFFHS, ndlr) Il a beau jouer dans une grande équipe, il subit cinq ou six grosses occases par match et sort au moins un arrêt miracle. Je pense que le fait d’être Slovène le pénalise.
Pour finir, tu pourrais nous donner des news de Boštjan Cesar s’il te plaît ?Il va très bien, c’est un professionnel exemplaire et un leader, quand il parle, tout le monde l’écoute et le suit. C’est le capitaine de la Nazionale, il a d’ailleurs battu le record de capes de Zahovič. Il a une envie incroyable à 33 ans et jouera encore très longtemps au haut niveau.
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi