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Voilà pourquoi Adama Traoré se badigeonne les bras d’huile
Il y a quelques jours, un photographe surprenait un membre du staff de Wolverhampton en train d'appliquer de l'huile sur les bras musculeux d'Adama Traoré. Une scène surprenante qui rappelle les rituels habituellement réservés aux bodybuildeurs qui s'apprêtent à monter sur scène.
L’information est apparue comme par enchantement la semaine dernière, formulée de façon différente selon les médias, mais toujours avec les mêmes mots-clés : Adama Traoré, bras, huile. En accrochant les wagons entre eux, cela donne : « Adama Traoré s’enduit les bras d’huile pour bébé avant les matchs pour éviter d’être attrapé par ses adversaires. » Le tout un 7 aout, jour où on allait retrouver la Ligue des champions 5 mois après l’arrivée de la peste à nos portes alors que dans un monde normal, les fans de football auraient dû être occupés à lire des articles titrés « FC Barcelone : nouvelle offre de 800 millions + Manuel Valls pour récupérer Neymar. » Traoré, joueur tout en muscles, lubrifie donc ses bras massifs avant de jouer pour ne pas être agrippé, ce qui risquerait selon lui de réveiller une blessure tenace à l’épaule. Une nouvelle loufoque qui rappelle que les footballeurs ont parfois une vision bien à eux de la médecine. Un peu comme quand Diego Costa soignait une blessure à l’ischio en mangeant du placenta de cheval dans les Balkans chez un médecin serbe réputé pour être à la limite du druidisme.
A member of Wolves’ coaching staff applying Baby Oil to Adama Traore’s arms to stop defenders pulling him back.What do you have to have on your CV to end up getting this job? ?️? pic.twitter.com/gZ7E0rsI20
— 90min (@90min_Football) August 7, 2020
Après la publication de l’info, le grand concours de blagues faciles a démarré. La réplique culte « J’aime quand on m’enduit d’huile » a immédiatement été dégainée par ceux qui ont grandi avec OSS 117 comme religion. La chanson Mets de l’huile du groupe Regg’Lyss, elle, a été déterrée par ceux qui n’ont pas peur de plonger franco dans les boîtes à archives. D’autres ont fait le rapprochement entre l’huile, les bras impressionnants de l’attaquant de Wolverhampton et le bodybuilding, sport dans lequel le muscle doit être présenté de la façon la plus avantageuse possible. Et quand vient le moment d’huiler un biceps, Stanislas de Longeaux – alias Stanimal –, le bodybuildeur professionnel français le plus performant du moment, préfère avertir : « Il faut faire attention à ne pas trop en mettre, c’est une erreur que les gens font souvent. Si t’en mets trop, avec les lumières, ça fait comme si tu retiens de la flotte, ça te voile complètement. »
Stan de Longeaux alias Stanimal
Couches de tan et draps ruinés
Car huiler son corps est un art, et cela commence par ne pas confondre tous les produits. L’huile dont se badigeonnent les culturistes avant de monter sur scène n’est que la dernière étape du processus, la cerise posée sur un gâteau préparé longtemps en amont. L’opération commence par l’application de quelques couches d’une crème qui assombrit la peau appelée le tan. « C’est comme une sorte de peinture » , informe Stanimal, « sur scène la lumière est forte et si ta peau est trop claire, tu vas la réfléchir et on ne va pas voir les détails » . Le nombre de couches à poser et le moment auquel tartiner son corps demandent également un savoir-faire particulier, et la première base de tan peut être posée deux voire trois jours avant une compétition.
Stanimal continue le tutoriel : « Plus tu es blanc et plus il faut en mettre. Quand t’es blanc tu mets pas moins de deux couches, une ou deux la première fois, au plus tard la veille du show. Tu laisses la couleur se développer pendant la nuit et le lendemain matin tu en ajoutes une, deux, trois par dessus » . En espérant ne pas avoir tout étalé dans les draps de l’hôtel en dormant. « C’est le merdier ! Certains apportent leurs propres draps, comme ça ils n’ont pas à payer l’hôtel pour avoir ruiné le linge. Moi je dors souvent dans un survêtement complet avec capuche et manches longues. Il faut que ce soit ample, parce que sinon ça va abîmer le tan aussi. C’est pas toujours très confortable… » Ce n’est qu’après ce protocole long et fastidieux que l’huile entre en jeu et que les chemins de Stanimal et de Traoré se croisent enfin.
Les pouces sur le posing trunk
Mais là encore, le bodybuilding possède sa propre gamme de produits. « C’est pas vraiment de l’huile » , pose de Longeaux d’entrée de jeu. « C’est un produit spécial qui donne un effet brillant, ça doit être un mélange, je pourrais pas te dire précisément. » Traoré ne s’encombre pas avec ces subtilités et recouvre ses bras d’huile pour bébé classique, une substance qu’utilisent également les culturistes amateurs qui n’ont pas toujours accès aux mêmes produits que les pros comme Stanimal. Ce dernier confesse toutefois qu’il peut utiliser de l’huile pour bébé « pour les photos shoots, surtout. Ça donne un petit peu de brillance qui rend bien. C’est même mieux de prendre le gel que l’huile car l’huile va couler, donner un effet mouillé et on ne voit plus rien du tout » . Et à l’instar d’un Traoré qui reçoit son onction sur le terrain juste avant le coup d’envoi, Stan préfère attendre le tout dernier moment pour se faire huiler afin d’éviter d’être dégoulinant trop longtemps : « On essaye de mettre la couche d’huile à la dernière minute avant de monter sur scène. On n’a pas envie d’avoir toute l’huile, puis tu t’assieds, t’as des marques, ça sèche à certains endroits et pas à d’autres… »
Reste la question de la sueur produite par le corps pendant l’effort et qui pourrait détruire cette barrière huileuse. Habitué à ne rester que quelques minutes sur scène, Stanimal est moins confronté à ce problème qu’un footballeur jouant un match entier. De plus, quand un bodybuildeur est en compétition, il ne lui reste presque plus d’eau sous la peau : « Le but est d’arriver suffisamment sec et déshydraté pour ne pas suer trop pendant les poses. Mais sur un match de foot, à mon avis il doit en remettre une couche à la mi-temps ! » Le fond de l’affaire, maintenant : l’huile permet-elle réellement à Traoré d’échapper aux mains envahissantes ? Le principe est en tout cas validé par de Longeaux. « Ah carrément ! » lance-t-il sans une once d’hésitation dans la voix, « Les gens vont avoir plus de mal à l’attraper, c’est sûr ! Déjà, rien que quand tu fais un front lat spread(une des poses obligatoires lors des compétitions de bodybuilding, N.D.L.R.), tu mets tes pouces sur tes hanches pour ouvrir les dorsaux et avec l’huile, t’as tendance à glisser. Y’a des astuces, il faut utiliser le posing trunk(le slip que portent les bodybuildeurs sur scène, N.D.L.R.). Certains mettent leur pouce dessus ou alors ils le tirent vers le haut et l’utilisent comme un anti-dérapant. » Si les défenseurs veulent retenir Traoré, ils savent désormais pas quel vêtement l’attraper.
Par Alexandre Doskov
Propos de Stanislas de Longeaux recueillis par AD