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Vlahović à la Juve : une fausse solution à un vrai problème
Comme avec Gonzalo Higuaín en 2016, puis Cristiano Ronaldo en 2018, la Juventus mise une somme considérable sur un attaquant, pour rehausser ses perspectives sportives, peu engageantes depuis trois ans. L'heureux élu ? Dusan Vlahović, qui fracasse les compteurs en Serie A avec la Fiorentina, et rapatrié à Turin pour 70 millions d'euros, plus cinq de bonus. Mais l'arrivée du bomber serbe ne risque-t-elle pas de s'avérer une fausse solution à un vrai problème ?
À première vue, il a l’air parfait. Presque trop. Dusan Vlahović est très grand. Toujours bien coiffé. Il n’a vu passer que 21 printemps. Et surtout, il marque. Beaucoup. Tout le temps. Plus précisément, 38 fois en 58 matchs de championnat lors de ces deux dernières saisons disputées sous les couleurs de la Fiorentina. Jeune et joli, le Serbe était courtisé de partout. Il aura finalement choisi la Juventus, qui a lâché 70 millions d’euros pour l’arracher à la Toscane, alors que la signature de l’avant-centre a été officialisée ce vendredi matin. Une bénédiction dans le Piémont ? Sans doute. Sûrement. Peut-être. Avec la Juve, on ne sait plus exactement où se situer.
Gros billets et gros bides
Il faut d’abord souligner que ce n’est pas la première fois que la Vieille Dame fait le coup de conclure un transfert tonitruant pour s’adjoindre les services d’un grand attaquant. En juin 2016, elle avait débauché Gonzalo Higuaín du Napoli pour 90 millions d’euros. Puis claqué 117 briques sur Cristiano Ronaldo à l’été 2018, l’ensemble étant doublé d’un salaire monstrueux alloué au Portugais. L’objectif ? Refaire de la Juventus une superpuissance du football non seulement italien, mais européen. Résultat des courses ? Une très encourageante finale de C1 largement perdue face au Real en 2017 (4-1). Puis, plus rien. La Vieille Dame reste même sur deux revers majeurs dans l’épreuve, elle qui s’est fait éjecter de la compétition en huitièmes de finale ces deux dernières saisons, par Lyon et Porto.
Il serait dès lors démesurément optimiste de penser Vlahović comme l’homme providentiel, qui devrait permettre aux Piémontais de redorer leur blason continental. Ce qui n’est, convenons-en, pas dans les priorités immédiates du club cette saison. Cinquièmes de Serie A, à un point de l’Atalanta (qui a un match en retard à disputer), les Bianconeri ne font plus du tout office d’épouvantail du championnat. À cet égard, la force de frappe de Vlahović devrait permettre aux Blanc et Noir de refaire grimper en flèche le trouillomètre de leurs adversaires. Encore faut-il que le bombardier serbe puisse régulièrement survoler la surface adverse. Avec la Juve, la chose n’est pas si évidente. Surtout cette saison, où le football rigoriste de Massimiliano Allegri atteint des sommets de médiocrité offensive. On l’a vu face à Milan le week-end dernier, au terme d’un des matchs les plus soporifiques de cette saison en Serie A (0-0).
Le pire du milieu
Certains tifosi bianconeri avancent que le problème est d’abord individuel, notamment en ciblant la maladresse récurrente d’Álvaro Morata. Il serait néanmoins simpliste d’imputer au seul Espagnol les insuffisances de la Juve. Quelques chiffres basiques démontrent en réalité que l’ancien Madrilène est très peu servi. Il n’est ainsi que le 35e joueur à tenter le plus sa chance en Serie A, avec 38 tirs. À titre de comparaison, des attaquants comme Ciro Immobile ou Edin Džeko ont respectivement botté 68 et 50 frappes. Plus globalement, la Juve n’est que la sixième équipe de championnat à tirer le plus, la neuvième à signer le plus de centres, et seulement la huitième à revendiquer le plus de possession de balle. Plus qu’une somme d’individualités déficientes, elle apparaît d’abord comme impuissante collectivement. Le conservatisme tactique d’Allegri n’y est pas étranger. Le recrutement de la Juve – peu inspiré ces dernières saisons – non plus. On l’aura surtout constaté dans l’entrejeu, où la créativité piémontaise semble davantage tenir de celle du milieu de terrain du Poiré-sur-Vie que de celui de Liverpool. La faute aux jambes tristes d’Arthur, Ramsey, Rabiot et Bentancur – invisibles dans l’axe – mais aussi de Bernardeschi et Kulusevski, pas beaucoup plus dangereux sur les côtés. Les arrivées de Manuel Locatelli et Weston McKennie auront été plus inspirées, mais n’auront pas vraiment fluidifié l’animation statufiée des Bianconeri.
Autant de problèmes structurels que Dusan Vlahović ne pourra pas résoudre tout seul. Ce que pourra faire le Serbe, en revanche, c’est planter ses banderilles habituelles, et ce, même s’il n’est pas toujours bien accompagné devant. On a notamment vu ce dernier surnager dans une Fiorentina en crise la saison dernière : les Violets avaient échoué au 13e rang de la Serie A après deux changements d’entraîneur, mais Vlahović s’était quand même débrouillé pour frapper à 21 reprises en championnat. Pour le recruter, la Juve n’en aura pas moins dépensé près de 80 millions d’euros. Soit la totalité de la tranche allouée au « maintien de la compétitivité sportive et l’accroissement de la visibilité de la marque Juventus » prévue par son augmentation de capital de 400 millions d’euros, effectuée l’été dernier. Autant de billets verts qui ne seront donc pas dépensés pour renforcer le milieu bianconero, ou débaucher un grand coach avec une approche plus moderne et flamboyante du jeu qu’Allegri. Moralité ? Les faiblesses piémontaises demeurent. Et il y a fort à parier que le grand corps virtuose de Dusan Vlahović ne pourra pas indéfiniment les masquer.
Par Adrien Candau