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Vis ma vie de directeur sportif de Ligue 2 : Comment bien aborder la dernière ligne droite du mercato ?

Propos recueillis par Raphaël Brosse
5 minutes
Vis ma vie de directeur sportif de Ligue 2 : Comment bien aborder la dernière ligne droite du mercato ?

Jusqu’au 1er septembre, le mercato va rythmer la vie des clubs de l’Hexagone. Au-delà des rumeurs farfelues, des offres mirobolantes et des fantasmes de supporters, il y a une réalité, que des dirigeants de formations de Ligue 2 ont accepté de nous raconter tout au long de l’été. Ce vendredi, John Williams, directeur sportif d’Amiens, détaille sa méthode pour aborder au mieux la dernière ligne droite du marché.

Se préparer à tous les scénarios

« J’espère passer une dernière journée de mercato assez tranquille, mais étant donné que le marché risque d’être de plus en plus débridé, je pense que ce ne sera pas le cas ! Chez nous, il y a des joueurs qui ont un bon de sortie. Seulement, on pensait qu’ils partiraient plus tôt (on pense notamment à Aliou Badji et Formose Mendy, NDLR). S’ils partent à la dernière minute, on ne pourra pas les remplacer. Il peut toujours y avoir des offres un peu folles, par exemple si l’un de nos joueurs réalise un début de saison excellent. On doit alors s’adapter et prendre des décisions rapidement. Mais cette impression que tout se fait à la dernière minute est erronée. Même si une info n’apparaît sur la place publique que le jour de la deadline, les contacts sont souvent initiés la veille ou l’avant-veille. En réalité, on sait d’ailleurs bien en avance que tel club aime bien tel joueur, qu’il y a un intérêt, que des scouts sont venus le superviser… Tout se fait avant la date butoir, lors de laquelle on ne fait que concrétiser le transfert. Quand on se lève, le dernier jour du mercato, on sait ce qu’il va se passer. Du moins, on a les différents scénarios en tête. On ne cherche pas à prioriser, car tous les dossiers sont importants. Malgré tout, il peut y avoir des imprévus. Je garde en mémoire la venue d’Olarenwaju Kayode, qui s’est disputé avec celui qui était censé être son agent pendant plus de deux heures et qui a finalement signé trop tard. Le transfert a capoté pour une minute. »

Il suffit qu’il y ait eu trois défaites pendant le mois d’août et, comme par hasard, on trouve des moyens supplémentaires pour rattraper le coup. Dans ce contexte, succomber au panic buy est un risque réel.

Éviter le panic buy

« Je pense qu’environ 80% des transferts sont bouclés pendant la dernière semaine du mercato. Parce que c’est la fin du grand bluff, certains revoient enfin leur prix à la baisse quand d’autres sont enfin décidés à mettre la main à la poche. Il suffit qu’il y ait eu trois défaites pendant le mois d’août et, comme par hasard, on trouve des moyens supplémentaires pour rattraper le coup. Dans ce contexte, succomber au panic buy est un risque réel. Pour l’éviter, il faut garder beaucoup de recul. La panique survient quand les émotions nous envahissent et perturbent notre raison. C’est ça qui conduit à des décisions qui ne sont pas stratégiques. Déjà, on doit maîtriser ses peurs, parce que ce n’est qu’une question de peur, celle de manquer. C’est de ça dont il faut se protéger. Mais honnêtement, si le projet du club et les gens qui sont à sa tête sont solides, vous êtes normalement à l’abri de ça. Là où ce panic buy peut toujours survenir, c’est si, la veille du dernier jour du mercato, un joueur important se blesse. Qu’est-ce que vous faites ? Vous avez peu de temps pour vous retourner et prendre une décision. Oui, là il peut y avoir un peu de panique. Mais dans les autres cas de figure, s’il y a panic buy, c’est parce que le club n’est pas structuré, ni organisé de manière rationnelle. »

Formose Mendy pourrait quitter Amiens avant la clôture du mercato.

Ne pas négliger les subtilités administratives

« En 2017, on a vendu Tanguy Ndombele à Lyon le 30 août. Ce n’était pas forcément prévu, mais grâce à ça, on a pu faire signer cinq recrues le dernier jour. Une sacrée performance, parce qu’au niveau administratif, les démarches à faire sont hyper lourdes. D’abord, on a besoin d’un agrément de transfert entre les deux clubs, qui fait parfois plusieurs allers-retours si ce que les juristes ont écrit ne correspond pas exactement à l’accord trouvé. En fin de mercato, ça ajoute un peu de tension. Ensuite, il y a le contrat avec le joueur, qui peut avancer des demandes de dernière minute, comme la prise en charge de son appartement par le club. S’il s’agit d’un transfert franco-français, le dossier doit être transmis à la Ligue. C’est plutôt simple. Mais dans le cas d’un transfert international, il faut en plus remplir le FIFA TMS (Transfer Matching System, NDLR). Les deux parties doivent inscrire exactement les mêmes informations. Sinon, ça bloque. Ça nous est déjà arrivé de négocier avec des petits clubs peu habitués à ce logiciel, et de devoir tout faire à leur place. Enfin, la dernière chose à préparer, c’est le CIT (certificat international de transfert, NDLR), qui nécessite de passer par les fédérations nationales. Parfois, ça traîne. Un soir, on est même tombés sur une fédération qui ne s’attendait pas à devoir valider un CIT. Il n’y avait plus personne dans les bureaux parce qu’il était tard ! À l’ASC, je travaille sur tous ces dossiers avec un juriste. Nous ne sommes que deux et, le dernier jour, des petites mains viennent nous aider pour imprimer les documents, les scanner, recueillir les signatures… Dans une structure comme la nôtre, on n’a pas besoin d’être cinquante pour gérer un transfert. Il y a tellement de choses à faire qu’on risque de perdre le fil conducteur si on est trop nombreux. »

Dans cet article :
Pronostic Amiens Clermont : Analyse, cotes et prono du match de Ligue 2
Dans cet article :

Propos recueillis par Raphaël Brosse

Épisode 1 : Comment préparer son mercato, avec John Williams (Amiens)
Épisode 2 : Comment gérer une montée, avec Jean-Philippe Nallet (Annecy)
Épisode 3 : Que faire avec les joueurs en fin de contrat, avec Grégory Ursule (Rodez)
Épisode 4 : Comment bien digérer une descente, avec Pierre Dréossi (Metz)
Épisode 5 : Comment se déroulent les discussions avec les agents, avec John Williams (Amiens)
Épisode 6 : Quelle place reste-t-il pour la vie privée, avec Grégory Ursule (Rodez)
Épisode 7 : Comment recruter malin avec un budget serré, avec Jean-Philippe Nallet (Annecy)
Épisode 8 : Comment convaincre un joueur de signer, avec Frédéric Hébert (Paris FC)
Épisode 9 : Quelle stratégie adopter une fois la saison commencée, avec Grégory Ursule (Rodez)
Épisode 10 : Quelle place donner à la formation, avec Jean-Philippe Nallet (Annecy)

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