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Vinsky : « Les gens pensent que je suis un pro raté… »
Il sont quinze, à vue de nez. Qui ça ? Les jeunes qui, en cette fin d'après-midi de novembre, fondent téléphone à la main sur Vincent Maduro, aka Vinsky, 1er YouTuber foot de France, sur un petit city-stade parisien. Une petite pincée des 1,19M d'abonnés que compte le bonhomme sur la plateforme, et de ceux qu'il croise au quotidien. Plongée dans le monde de celui qui sera l'ambassadeur de la saison du KFC FC ; un monde que les plus de vingt ans ne connaissent sans doute pas très bien.
Tu fais combien de photos par jour ?Je ne sais pas, je ne tiens pas de compte. Mais je me rends compte que j’ai pris l’habitude de changer mon mode de vie pour essayer de passer inaperçu. Il y a des heures précises où j’évite de sortir dans ma ville. J’adore marcher, par exemple. Et là où j’habite, il y a un city-stade juste devant chez moi, alors je me prive. Au début ça me saoulait un peu, puis on s’habitue, c’est le « revers de la médaille » .
Les sorties d’école à 16h30, on évite ?Ça, c’est la règle de base ! (Rires.) Sortir à 16h-16h30, il vaut mieux éviter. Bon après, c’est pas la fin du monde, hein ! C’est juste une habitude à prendre.
Tu étais quel genre de mec dans la cour d’école ?Très sage, assez timide. Je travaillais très bien, et ça a commencé à se détériorer au lycée, parce que j’avais déjà des projets en parallèle. On a l’image de l’intello planqué dans son coin sans trop d’amis, mais moi, je m’entendais avec tout le monde. J’aime beaucoup le dessin, donc je pensais devenir dessinateur de bandes dessinées. Après, c’était les vidéos, puis le journalisme… Au collège, j’ai participé à un journal que je vendais, en primaire je faisais des BD que je distribuais à mes camarades de classe. En fait, mon plaisir, c’était de créer. Puis, avec les débuts de l’informatique, j’ai créé des sites web, et ma chaîne Youtube.
Crédit : Raphaël Ceslier
Tu faisais un peu de foot dans la cour d’école ? Ouais… Le truc que j’adore avec le foot, c’est que ça réunit tout le monde. C’est ma passion, qui est réellement née en 1998 avec la Coupe du monde lorsque j’avais sept ans. Les gens pensent que, parce que j’ai fait tout ça, je suis un pro raté, un mec qui s’est blessé. Alors que non, je n’ai jamais eu l’ambition sérieuse d’être professionnel, jamais été super fort.
Avant de faire tout ça, tu as suivi un diplôme d’ingénieur en systèmes industriels. Tu voulais faire quoi de ta vie ?C’est un diplôme qui me permettait de travailler dans une usine, tout autour de la chaîne d’approvisionnement. Je n’aurais pas été technicien, mais ingénieur.
Et comment on se retrouve des bancs de l’université au jardin de Cristiano Ronaldo ?Mon père est ingénieur et il sentait que j’avais la fibre entrepreneuriale. L’université, ça me permet d’avoir une rigueur de travail qui, en matière d’organisation et de rigueur, m’est très utile au quotidien. Je joue à FIFA depuis mes sept ans, j’ai créé un site qui est petit à petit devenu la référence francophone sur le jeu, avec 4000 inscrits. Puis les vidéos pour animer ce site sont arrivées et, de fil en aiguille, j’ai commencé les vidéos sur une chaîne sans montrer mon visage, puis en le montrant… Parcours classique d’un Youtuber, quoi.
C’est comment chez CR7 ?(Rires.) On était six Youtubers invités, mais seul moi et un Espagnol avons pu rentrer dans le salon. Enfin UN des salons. On a joué à FIFA avec Cristiano et un ami à lui. Ça n’est pas montré dans les vidéos, mais on a fait un 2v2, c’était vraiment fou. Les gens pensent que parce que c’est Ronaldo, il y a de l’or partout. Elle est belle, sa maison, hein ! Mais je n’ai pas été choqué. Bon, il doit y avoir une piscine intérieure et d’autres trucs cachés, mais le gars est seul avec sa mère, à quoi ça sert d’avoir une maison gigantesque ?
Comment explique-t-on à ses grands-parents que l’on est premier Youtuber foot de France ?Ils ne comprennent pas trop. Les nouvelles technologies, c’est quand même un délire…
Ça a le mérite de faire garder les pieds sur terre.Exactement. Parce qu’on se dit : « Wouah, c’est un truc de fou ce que je fais » , puis quand je l’explique à mes parents, ils disent : « Ah okay, d’accord. »
Tu as aussi créé le Vinsky FC, un vrai club affilié à la FFF, en D6 des Yvelines. On est liés à la ville de Buchelay, mais on s’entraîne à Mantes-la-jolie et à Magnanville deux fois par semaine. Il y a des amis, des amis d’amis, des recrues parmi les abonnés et même deux Youtubers.
Dans une vidéo, tu t’es donné 13 ans pour rejoindre la Ligue 1, et vous avez commencé par trois défaites d’affilée…(Rires.) Je ne pensais pas que cette vidéo aurait autant de conséquences. Elle a mis beaucoup de lumière sur le projet, mais trop de gens l’ont prise au sérieux, notamment d’autres équipes de notre poule, dans la vie associative des Yvelines. Les mecs ont vraiment cru qu’on se prenait hyper au sérieux, et qu’on allait vouloir écraser tout le monde. En fait, ce n’est pas du tout le cas, et ça a un petit peu faussé ce que l’on est vraiment : une équipe hyper modeste. Si ça peut être précisé : on respecte tout le monde ! Je ne sais même pas si c’est arithmétiquement possible de faire D6-Ligue 1 en 13 ans…
Depuis vous vous êtes un peu rattrapés, cinq victoires, une seule défaite.Le projet a mis un peu de temps à s’officialiser, alors on n’a pas beaucoup eu le temps de préparer la saison, notamment avec des matchs amicaux. On a directement commencé la compétition et forcément il y a eu des gros gros soucis dans le jeu.
Tu as dit : « Le foot français est beaucoup moins ouvert qu’en Angleterre ou en Espagne. Juste un exemple : j’ai tourné, facilement, avec quatre joueurs du Real Madrid, et pas des moindres : Ronaldo, Ramos, Marcelo, Varane. En France, c’est plus compliqué.(…)La communication est trop archaïque et vieillotte. » Qu’est-ce que tu veux dire par là ? C’est simple : j’ai fait une vidéo avec Marcelo la semaine précédant la finale de la Ligue des champions 2018. Il faisait des crossbars en coup du foulard ! Avec des clubs de Ligue 1, j’entends : « On a un match en UEFA, on joue ci, ça… » Les Youtubers anglais, par exemple, font énormément de contenus avec les clubs anglais. Des joueurs de City, de Tottenham, de Liverpool… C’est un autre monde, et ça manque en France. J’en ai un peu fait sur ma chaîne, mais il faut lancer la machine, parce que les joueurs sont demandeurs. La plupart du temps, j’avais une plus grosse communauté sur les réseaux que ceux de Ligue 1 que j’ai rencontrés. Eux ont envie de développer leur réseau, moi j’ai envie de me tester, donc il y a du gagnant-gagnant.
Il y a une espèce de crise de Youtube aujourd’hui, où la plateforme se remet beaucoup en question par rapport à ses contenus. Pendant un temps, on ne voyait que du FIFA. En ce moment, que du Fortnite. Tu te souviens du moment où tu t’es rendu compte que tu avais envie de passer la barrière des vidéos FIFA et faire du foot dans la vraie vie ?Je suis quelqu’un d’ambitieux. Donc quand je commence à voir que j’atteins une limite, soit je trouve une solution, soit j’arrête. Quand j’ai fait 300 vidéos FIFA, je commençais à en avoir un peu marre, et puis les gens aussi. Comme je m’étais intéressé au freestyle grâce à Ronaldo, je me suis lancé dans une vidéo sur le sujet. J’avais peur. Le cliché de l’époque, c’est que quand tu jouais aux jeux vidéo, t’étais nul en sport. Alors quand j’ai évoqué l’idée de faire une vidéo IRL, un mec m’a dit : « Mais t’es malade ? » Il pensait que j’allais me ridiculiser. Et en fait en me voyant jouer, il s’est rendu compte que je touchais un peu. Et au bout de trois, quatre ans d’existence, j’ai développé le truc.
Tu es un peu le premier à avoir pris la passerelle, à l’inverse de Bruce Grannec, par exemple.Les Anglais faisaient beaucoup ça, et ça m’a beaucoup inspiré. Ça a lancé une tendance sur Youtube, puisque j’étais un des premiers à faire des vidéos de foot divertissement en France, et d’autres Youtubers FIFA ont voulu le faire. Mais ils n’ont pas perduré comme moi en effectuant le passage total.
Ton succès repose aussi sur ton niveau de jeu, qui n’est pas dingue. T’es pas Sean Garnier. Tu foires une passe pour Ronaldo dans son jardin, quoi.(Il réfléchit.) C’est vrai que les gens s’identifient pas mal. De toute façon, c’est la clé de la réussite du Youtuber : il faut presque devenir un ami aux yeux des gens, ou en tout cas quelqu’un de familier. Il faut que l’on soit identifiés à une valeur : lui il est drôle, lui il est relou… Et quand le lien est créé, les gens vivent par procuration les choses incroyables que je peux faire, comme aller dans le jardin de Ronaldo.
C’est le Youtube de maintenant : McFly et Carlito qui présentent leurs femmes et qui jouent sur la proximité avec leurs fans, même si elle est parfois virtuelle. C’est aussi le problème avec Internet : si on fait le choix de raconter quelque chose, il n’y aura pas de marche arrière. Quand on donne une main aux gens, ils veulent un bras, ou plus. Du coup, je fais attention à ce que je montre de ma vie privée.
Tu as rencontré les types qu’on a cités, les joueurs de l’équipe de France à Clairefontaine, les journalistes du CFC, qui d’autre aurais-tu aimé défier ?Pauleta, sans hésitation. Je ne ressens rien de ce que je ressentais pour lui avec les joueurs actuels. Je l’ai déjà rencontré, et il avait déjà entendu parler de la vidéo avec Ronaldo, je suppose parce qu’il est portugais. Ça m’avait vachement touché. Mais le défi, ce serait probablement un crossbar challenge, puisque je me suis fait connaître avec ça. Et on verra s’il se débrouille aussi bien qu’à l’époque avec le Paris Saint-Germain.
Tu n’as pas un peu l’impression d’être un homme sandwich parfois ? Non, et heureusement, parce que je pense que je déprimerai. (Rires.) Il faut trouver un bon équilibre parce que si on arrête de s’amuser où qu’il n’y a plus la passion, fatalement ça ne marchera plus. En même temps, pour en vivre, il faut engendrer des revenus, donc faire des opérations avec des marques.
Dans un Sept à Huitde novembre dernier, DJ Snake disait qu’il était impossible de rester sain en encaissant autant de pression, autant d’amour et autant de haine. Son paravent à lui, c’est ses lunettes. Quand il les enlève, il déconnecte du personnage et redevient William Grigahcine. Et toi, quand est-ce que tu redeviens Vincent Maduro ? Quand je suis avec mes parents, ma copine, mes amis proches. Si tu te rappelles bien de l’interview, DJ Snake dit aussi que sa chance, c’est d’avoir percé tard. Et je me suis beaucoup reconnu là-dedans. C’est relatif, mais moi aussi, j’ai « percé tard » , quand d’autres Youtubers deviennent des stars à 15 ans. Garder la tête sur les épaules à cet âge-là, c’est très compliqué. Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’aime beaucoup travailler. Mais travailler, c’est être Vinsky. Alors du coup quand est-ce que je suis Vincent ? J’ai appris petit à petit à avoir un équilibre, mais des gens autour de moi m’obligent à me reposer. De base, prendre des vacances, c’est pas trop mon truc, à part quand c’est la fin de l’année.
Tu as pas mal fait pour promouvoir le foot féminin sur la plateforme. Quel milieu est le plus masculin : Youtube ou le foot français ?(Il réfléchit.) Franchement, les deux se valent. Je sais comment les petits qui me regardent pensent, et j’estime avoir cassé quelques clichés. Ils croient que les filles sont nulles, pas techniques. Donc avec Eugénie Le Sommer, on a fait des défis techniques. Et c’est très triste, mais Youtube est misogyne aussi, c’est un peu désolant. On reproduit les clichés de la société. Dans l’humour, il y a très peu de filles, par exemple, pareil dans le gaming. La plupart sont dans le make-up ou dans le bien-être.
Tu seras ambassadeur de la nouvelle saison du KFC FC, où So Foot va aller aider des groupuscules de supporters de clubs amateurs à rivaliser, le temps d’un match de Coupe de France, avec les kops de clubs professionnels. Alors, heureux ?Le concept est super cool, d’autant que c’est déjà la deuxième année. Moi, j’arrive dans un concept qui marche bien pour essayer de faire le lien entre So Foot et les supporters, bien leur faire comprendre ce qu’est le KFC FC. Puis j’aime aller au contact des gens qui aiment le foot, leur poser des questions, j’ai le contact facile. La preuve, il n’y a pas si longtemps, je voulais être journaliste. Et puis, on aura la pression du match qui arrive ! Il faudra créer l’histoire autour d’un match, et j’aimerais vraiment vraiment – j’espère qu’on aura la chance de le vivre – qu’un petit club batte un gros ! On vivrait un truc de fou.
Crédit Photo : Pierrick Crassous
Propos recueillis par Théo Denmat