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  • 20 ans de la catastrophe d’AZF

Vingt ans d’AZF à Toulouse : « J’ai senti le sol trembler sous mes pieds »

Par Raphaël Brosse
Vingt ans d’AZF à Toulouse : « J’ai senti le sol trembler sous mes pieds »

Toulouse commémore ce mardi l’explosion de l’usine AZF, survenue le 21 septembre 2001. La catastrophe, qui a causé la mort de 31 personnes et engendré d’importants dégâts matériels, avait aussi sacrément secoué les joueurs du TFC, touchés à des degrés divers par ce drame et privés de leur Stadium de longs mois durant. Vingt ans plus tard, trois Violets de l’époque rouvrent, avec émotion, la boîte à souvenirs.

Une détonation sourde, entendue à 80 kilomètres à la ronde. Un tremblement de terre, d’une magnitude estimée à 3,4 sur l’échelle de Richter. Vingt ans après, personne n’a oublié, à Toulouse et dans ses environs, ce qu’il s’est passé ce 21 septembre 2001. Ce jour-là, à 10h17, un stock de nitrate d’ammonium, déclassé et entreposé dans le bâtiment 221 de l’usine chimique AZF, a explosé. Bilan : 31 victimes, 2500 blessés, des dégâts matériels considérables – le site se trouvait dans la banlieue sud de la ville – et un feuilleton judiciaire à rallonge, seulement bouclé en décembre 2019. Reste un souvenir, indélébile. « Le simple fait d’en reparler me file la chair de poule », souffle William Prunier, qui portait le maillot toulousain à l’époque.

Film post-apocalyptique et chauffeur de taxi

« J’ai senti le sol trembler sous mes pieds. C’était la panique, le pays avait encore en tête les attentats du 11 septembre. En circulant sur la rocade, un peu plus tard, je me suis cru dans un film post-apocalyptique américain. C’était un truc de fou, vraiment », poursuit l’ancien défenseur, resté au TFC malgré la relégation administrative du club en National, quelques mois plus tôt. Cédric Fauré, qui n’était pas encore sous contrat avec les Violets, travaillait comme préparateur de commandes à Colomiers quand l’explosion a eu lieu. « J’étais au milieu des racks, qui se sont mis à vaciller, se remémore celui qui jouait encore à Balma, au niveau amateur. Ma petite sœur était au collège, des éclats de verre sont passés à quelques centimètres de sa tête. » La séance d’entraînement du jour a logiquement été annulée et la réception d’Angoulême, prévue le lendemain, reportée. « J’ai passé l’après-midi à tenir un rôle de chauffeur de taxi, pour amener des coéquipiers dont le logement avait été endommagé à l’hôtel ou chez d’autres joueurs capables de les héberger », rembobine Thibault Giresse, 20 ans au moment des faits.

Je me suis dit qu’on était maudits. Pendant une semaine, on n’a pas pu se voir et on se contentait d’échanger par téléphone. Quand on s’est retrouvés, il y avait un silence de plomb dans le vestiaire.

Le fils d’Alain était l’un des nombreux Pitchouns, ces gamins du centre de formation propulsés en équipe première à la suite du dépôt de bilan et la reprise du club par un jeune entrepreneur local, Olivier Sadran. Avec cet attelage, l’objectif d’une remontée immédiate en Ligue 2 paraissait déjà difficile à atteindre pour la troupe d’Erick Mombaerts. Et l’explosion d’AZF a, d’abord, semblé la plomber davantage. Certains joueurs ont été blessés dans leur chair, comme Cyril Dubroca, qui a eu droit à 18 points de suture au pied droit. D’autres ont été touchés mentalement, à l’image du regretté Christophe Revault, dont la maison avait été détruite et qui a été hébergé quelque temps par Stéphane Lièvre. « Je me suis dit qu’on était maudits, avoue Prunier, désormais adjoint de Cris au Mans. Pendant une semaine, on n’a pas pu se voir et on se contentait d’échanger par téléphone. Quand on s’est retrouvés, il y avait un silence de plomb dans le vestiaire. » Giresse, pour sa part, se rappelle un groupe « sous le choc ». « Il a fallu trouver les mots, et ce n’était franchement pas simple », se remémore-t-il.

Coloc avec les voisins du Stade toulousain

Il a aussi fallu s’expatrier. Délaisser le Stadium, sérieusement amoché par la déflagration. Aller s’entraîner à Castelmaurou, puis à la Ramée. Et squatter, pendant de longs mois, les Sept-Deniers, l’antre du Stade toulousain. « Au début, les vestiaires étaient bien rangés et les casiers cadenassés. À la fin de la saison, les joueurs du Stade laissaient leurs affaires traîner un peu partout. Ça prouve qu’ils avaient fini par avoir confiance en nous », sourit Thibault Giresse. De fait, les événements et cette colocation forcée ont créé des liens entre footeux et rugbymen. « J’étais pote avec Michalak, Pelous, Lamboley et d’autres gars de cette génération, raconte Fauré. On allait dîner ensemble au restaurant, il y avait une réelle complicité. Mais je crois que ça s’est perdu avec le temps. » Les joueurs du Tef’ ont aussi pu compter sur un soutien populaire un peu inattendu et forcément bienvenu. « Les gens ont vu qu’on partageait leur souffrance et leurs galères », enchaîne l’ex-attaquant, notamment passé par Le Havre et Reims ensuite. « Ce drame a uni toute une ville », résume Prunier.

Ça a été le moment fondateur de notre saison. On a su s’en servir pour en sortir encore plus forts.

Après le choc, les Hauts-Garonnais ont, tant bien que mal, repris le fil de leur saison. Jusqu’à arracher la montée en Ligue 2 lors de l’ultime journée, grâce à un but crucial de Cédric Fauré à Angers (0-1). Vingt ans plus tard, les acteurs de l’époque le reconnaissent volontiers : la catastrophe d’AZF a aussi eu pour effet de souder ce collectif, composé de gamins et encadré par trois anciens (Revault, Lièvre et Prunier). « Ça nous a donné une force supplémentaire », affirme le défenseur formé à Auxerre. « Ça a été le moment fondateur de notre saison, renchérit Giresse, actuellement entraîneur-adjoint à Guingamp. On a su s’en servir pour en sortir encore plus forts. » Vingt ans plus tard, les héros de l’épopée des Pitchouns ont tous raccroché les crampons. Mais une chose est sûre : eux non plus n’ont pas oublié ce funeste 21 septembre 2001.

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Par Raphaël Brosse

Tous propos recueillis par RB.

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