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Vincent Thill, le goût du Lux

Par Julien Emel
7 minutes
Vincent Thill, le goût du Lux

Si le Luxembourg n’était évidemment pas à L’Euro, sa sélection fiche certains progrès. Vraiment. Avec à sa tête Vincent Thill, un espoir que le Bayern ou Hoffenheim ont courtisé, mais qui a finalement opté pour le FC Metz. Sérieusement.

Le 6 septembre prochain, le Luxembourg affrontera la Bulgarie, à Sofia. Le début des qualifications à la Coupe du monde 2018 pour eux, dans un groupe composé de la Suède, des Pays-Bas, de la Biélorussie et de… la France. Jamais qualifié pour une phase finale de Coupe, le Luxembourg ne peut se vanter que d’une brève participation à l’Euro en 1964, avec une victoire de prestige en huitièmes face aux Pays-Bas, puis une défaite en quarts face au Danemark. Depuis, rien. Pourtant, il y a comme un vent de fraîcheur qui souffle sur cette petite enclave coincée entre France, Allemagne et Belgique… Avec Vincent Thill, un jeune espoir européen dans le rôle d’Êole, tête d’affiche d’une génération métissée et ambitieuse.

Un buteur précoce

« Il a sauté partout. On aurait dit qu’il venait de gagner la Coupe du monde. J’ai cru qu’il allait pleurer, il était très ému » , raconte Aurélien Joachim au journal local en revenant sur le premier but en sélection de son coéquipier. Chris Phillips en rajoute une couche : « On a rigolé ! Il venait de réduire le score, on perdait encore, mais c’était quelque chose de beau, il était vraiment heureux. Sa célébration ? C’était n’importe quoi, mais c’était de l’émotion. » Le but en question, c’est celui de Vincent Thill qui permet à la modeste sélection du Luxembourg de réduire le score à la dernière minute d’un match amical face au Nigeria, le 31 mai dernier.

Avant d’en prendre un troisième dans la foulée pour finalement s’incliner logiquement 3-1 face aux Super Eagles. Le but d’un gamin d’à peine 16 ans et 117 jours, marqué après 57 minutes de sélection accumulées sur deux rencontres. De quoi se retrouver d’une frappe sèche aux côtés de Balotelli, Daniel Bravo ou encore Mario Götze dans la catégorie des buteurs précoces. Un but qui intervient quelques jours après la signature d’un premier contrat pro au FC Metz, fermant ainsi la porte au forcing du Bayern. Un but qui symbolise l’ambition que se découvre un tout petit duché. Beaucoup pour un ado.

La sirène bavaroise

Finalement, Michael Becker aura fait le déplacement pour rien. Pour le moment du moins. L’agent proche des affaires du Bayern (il avait notamment permis l’arrivée de Ballack) a noué des contacts plus que concrets avec l’entourage du joueur, sur la demande express de ce bon vieux Uli Hoeness. On parle d’une rencontre à Berlin, la venue de Rummenigge en personne à Metz, de 6 millions d’euros, d’un gros chèque à la famille Thill le temps de patienter jusqu’à expiration du contrat jeune du poulain… Bref, de la danse habituelle du chat et de la souris avec son cortège d’infos et d’intox. Toujours est-il que le numéro 10 semblait promis aux bras allemands.

Et puis voilà, alors que les réseaux sociaux s’empressaient d’accabler un père jugé cupide et un président de club bradant ses talents, le revirement de situation tombe : Serge Thill et son fils sont dans les bureaux du siège grenat et signent pour 5 ans une proposition plus conforme à l’âge du joueur qu’à son potentiel. Le choix de la raison, de la progression maîtrisée, de la stabilité. L’occasion pour Bernard Serin d’affirmer son orientation : « Je ne suis pas intéressé par l’idée de transférer un adolescent. Quel que soit le prix, je ne suis pas demandeur. Aller dans un sens différent, ce serait mépriser tout le travail de formation qui est le socle concret de notre politique. Si l’offre avait été mirobolante, il aurait fallu se rendre à l’évidence, même si on l’aurait laissé partir à contrecœur. »

Le clan Thill, qui a fermé la porte aux classiques avances anglaises assez vite, a dû également trancher en écartant une offre bien plus surprenante : Hoffenheim ne proposerait pas moins qu’un entraîneur dédié et un plan de carrière sur 10 ans, à l’image du projet mené avec Firmino (désormais brillant à Liverpool). Point commun entre ces deux clubs : une capacité à cibler ses recrues comme ses futurs cracks. Il y aurait tout à parier que le Luxembourg tient là autre chose qu’un feu de paille. Denis Schaeffer, responsable de la formation grenat (qui a vu passer Pjanić, Sarr, Cornet, Adebayor, Koulibaly, Saha ou encore Cissé et Mané ces dernières années) avançait il y a 18 mois : « Il n’a que 14 ans et c’est déjà un joueur hors norme. C’est un numéro 10 exceptionnel qui joue des deux pieds, qui voit tout avant les autres. Un garçon comme il en existe peu. »

Le Lux en pleine bourre

Pas étonnant, dès lors, qu’avec un tel talent, le jeune homme se retrouve propulsé Espoir Number One des D’Roud Léiwen (les Lions rouges). Luc Holtz, sélectionneur du Grand Duché, se félicite donc du choix opéré : « Ce qui me dérange, c’est qu’il est prouvé que quand un jeune part trop loin de son environnement habituel, il a presque 100% de chances de voir l’aventure se terminer par un échec. C’est pour cette raison que je trouve que cette décision est sage. Beaucoup ont quitté Metz à l’âge de 16 ans pour aller à Porto ou ailleurs en Europe, et aujourd’hui, ils jouent en 5e division je ne sais où. » Mange ça, Thibaut Vion.

Et c’est peu dire qu’en matière d’espoirs, le Luxembourg n’a pas beaucoup de jokers à griller… Avec une petite dizaine de professionnels seulement, le pays voit pourtant pointer les promesses de jours meilleurs. L’idée de commencer à compter (un peu) sur la scène continentale, en plaçant de plus en plus de joueurs dans les championnats frontaliers. Et les résultats commencent à prendre corps : s’il demeure très illusoire de parler d’une qualification pour quoi que ce soit, les Lulus grapillent tout de même quelques points contre l’Irlande, perdent de justesse (1-2) contre le Portugal, et réussissent à accrocher un joli nul en terres italiennes ces derniers mois. Tout en développant une vision à moyen terme axée sur la formation.

Ne pas faire comme Pjanić

Partenaire privilégié, le FC Metz, frontalier et logique point d’ancrage. Outre le néo-pro Thill donc, le défenseur Philipps revient de prêt et Sacras, Pitt Simon, Clayton Duarte, Ryan Johansson, Barros ou encore Schaus sont autant de jeunes présents dans les catégories U quelque chose la saison passée. Un troisième joueur sous contrat devrait lui se joindre à la jolie bande de l’équipe fanion pour l’ouverture du championnat : Vahid Selimovic s’est vu proposer de continuer l’aventure chez les pros. Sur le point de le signer, il est nettement moins avancé quant au blason de l’équipe nationale qu’il abordera peut-être un jour. Doté d’un passeport serbe, fruit d’une famille ayant quitté les Balkans lors des conflits des années 90, le binational bote en touche pour l’instant. Toujours au Quotidien : « Je sais que la sélection s’intéresse à moi et cela me touche. Mais pour l’instant, ce qui me tient vraiment à cœur, c’est de parvenir à signer un contrat pro. Je me concentre exclusivement sur ça et sur le FC Metz. »

En attendant le Messin Thill, ou le Lyonnais Christopher Martins, le Luxembourg doit en effet gérer une question autrement plus épineuse que cette génération dorée, éclose sur ses terres à la « faveur » d’un exode, lui pose aujourd’hui. Refuser la sélection luxembourgeoise et espérer atteindre un niveau suffisant pour être appelé sous des couleurs plus clinquantes, ou endosser le maillot local au risque de reproduire un schéma à la George Weah, inexistant au niveau international avec son Liberia de naissance ? Emir Bijelic, lui, a d’ores et déjà opté pour la Bosnie de ses parents. Elvin et Belmin Muratovic sont dans la position du choix. Des joueurs que le Luxembourg doit absolument réussir à conserver au sein du projet national, ce qu’il n’avait pas réussi à faire avec un certain… Miralem Pjanić. Né en Bosnie, mais de nationalité luxembourgeoise, Miré a en effet porté la tunique U17 et U19 du pays de Junker avant de rejoindre lui aussi la Bosnie. Avec le succès que l’on connaît.

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