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Vincent Nogueira : « En MLS, il n’y a aucune pression »
Au milieu de sa carrière, Vincent Nogueira avait décidé de partir en MLS. Un choix atypique à son âge. Revenu en France, le milieu du RC Strasbourg revient sur son expérience à Philadelphie.
Pourquoi avoir décidé de partir pour la MLS au milieu de la saison 2013-2014, celle de la descente en Ligue 2 du FC Sochaux ?Mon contrat se terminait à la fin de la saison. J’étais déjà en contact avec la MLS depuis quelques mois. Mais aux États-Unis, la pré-saison commence en janvier. C’est pour ça que les clubs ne voulaient pas me recruter au mois de juin précédent. On avait un accord avec Sochaux pour un bon de sortie en janvier 2014 pour aller en MLS. Là-bas, ils ont des scouts qui recrutent pour toute la MLS. Avec la masse salariale très encadrée, c’était impossible pour moi d’y aller pendant le mercato d’été.
Est-ce que vous avez choisi la MLS parce que vous n’aviez pas d’offres intéressantes en France ?
Si c’était pour rester en France, j’aurais prolongé à Sochaux. J’y étais très bien, c’était mon club formateur. J’aurais tenté de signer un nouveau contrat, et ils m’avaient dit qu’ils auraient été d’accord. Mais ce n’est pas ce que je voulais. Après énormément d’années à jouer le maintien, c’était assez difficile. Je voulais vraiment connaître quelque chose d’autre, quelque chose d’un peu atypique et connaître une aventure extra-sportive intéressante. Et c’est vers la MLS que je me suis tourné.
Vous dites que c’est difficile à vivre, de jouer le maintien. Comment vous le ressentiez ?On a toujours la pression du résultat, quoi qu’il arrive. Mais quand on est toujours dans le dur, au quotidien, ce n’était pas si facile à vivre. J’ai vu énormément de joueurs passer, mais rares ceux qui sont restés plus de deux ou trois saisons à jouer le maintien. Parce que psychologiquement, c’est assez compliqué. On a évidemment la pression des supporters, c’est normal. Mais c’est aussi vis-à-vis du club… On sait que si on descend, économiquement, c’est très compliqué. On sait qu’il y a des licenciements, on sait que c’est dur de remonter. Surtout en connaissant la relation PSA-Sochaux et la situation économique compliquée de Peugeot en dehors du football. Au quotidien, tout ce poids-là n’est pas forcément facile. En tout cas, moi je le vivais de cette manière, car c’était mon club formateur, le club de ma région. Peut-être que d’autres joueurs se disent : « Si on descend, je partirai. »
Est-ce qu’il y a aussi une pression supplémentaire par rapport à ce que représente Sochaux dans la région ?C’est un monde très ouvrier. À Montbéliard, il y a énormément de familles qui travaillent chez PSA. C’est sûr que Sochaux, c’est un peu la solution pour s’évader le week-end. Il y en a beaucoup qui vivent à travers le club. On emmène son fils, ses petits-enfants. Le FC Sochaux, c’est un peu le rayon de soleil. Et c’est aussi un peu comme ça que ça a été créé. Les premiers joueurs pros, c’étaient des employés de chez Peugeot. Et forcément, la région vit au rythme du FC Sochaux.
Revenons sur la MLS. Quelle image en aviez-vous avant de partir ?
J’avais l’image d’un championnat qui grandissait, et qui mettait les moyens pour essayer de recruter les joueurs. Mais aussi d’une ligue qui était encore à la traîne par rapport aux championnats européens. C’est ce qui m’attirait aussi finalement. Je savais que j’allais apporter quelque chose d’autre là-bas.
La qualité de vie a-t-elle joué dans votre décision ?Évidemment, l’extrasportif a compté. La plupart des clubs sont dans des villes très attractives. C’était exceptionnel, énorme à vivre. Au niveau des sports, je suis tout allé voir ! Que ce soit à Philadelphie, à New-York… C’est très bien fait, car les stades sont en centre-ville. On peut voir un jour le hockey, le lendemain du basket. J’ai adoré ces épisodes-là. C’est ce qu’on aime en tant que sportif. En 2014, je suis allé voir les Flyers de Philadelphie en hockey au Madison Square Garden, contre les Rangers. Une ambiance exceptionnelle. C’était le meilleur moment de sport que j’ai vécu aux États-Unis.
Vous aviez cet attrait pour les sports US depuis longtemps ?Ce ne sont pas forcément les sports US. C’est l’ambiance qu’il y a dans un stade et les supporters qui m’attirent. S’il y avait eu un match de frisbee avec 80 000 personnes, je serais allé le voir ! Je ne connaissais pas grand-chose au hockey ou au foot US. Mais même quand on ne connaît pas, on pouvait s’imprégner de l’ambiance, et supporter l’équipe locale. Là-bas, tout le monde porte le maillot.
Justement, en quoi la conception du sport change entre les deux continents ?Le sport, c’est beaucoup plus familial qu’en France.
Chez nous, on a une majorité d’hommes : des pères avec leurs enfants ou des jeunes. Là-bas, on va au stade en famille. Et ça commence avant le match avec des barbecues. Personne ne prévoit de mettre des sandwichs au frais comme en France. Au stade, il y en a pour tout le monde, avec par exemple, les grosses parts de pizza. C’est une réunion, une fête. Ils sont toujours derrière l’équipe, il n’y a pas de sifflets. C’est plus un spectacle que du sport, car il n’y a pas de descente. Même si les résultats ne sont pas bons, ils savent que les années vont passer, qu’ils auront une meilleure équipe plus tard et qu’ils resteront au plus haut niveau.
Justement, le fait qu’il n’y ait pas de descente, ça change quoi dans votre quotidien ?Ça a été un gros choc, car il n’y a aucune pression. Cela ne veut pas dire qu’on s’en fiche de bien faire. Mais ils s’enlèvent la pression. Vous jouez pour gagner. Mais si vous ne gagnez pas, vous ne perdez pas non plus. Vous jouez pour aller en play-offs. Si on n’y est pas, et bien on réessayera l’an prochain. Il n’y a vraiment aucune pression si ce n’est celle de gagner le match. Il n’y a pas les sanctions après. Moi, j’ai grandi au FC Sochaux, c’est la mentalité du haut niveau, on ne supporte pas de perdre. Les Américains ont, eux, un peu moins la pression que les Sud-Américains ou Européens qui viennent jouer chez eux.
Vous passez également de Montbéliard à Philadelphie…Oui, disons que Montbéliard, ce n’est pas la plus grande ou la plus attractive des villes. Là, j’arrive dans une ville d’1,6 million, où il y a un centre- ville à perte de vue. J’habitais en plein centre-ville. Je n’étais pas parti aux États-Unis pour vivre à la campagne. C’est une ville qui vit. Et il y a tout le côté société de consommation. Les bars et les restaurants sont pleins jusqu’à 23h-minuit. C’est ce que je recherchais aussi.
Vous avez vadrouillé un peu aux États-Unis ?J’ai fait énormément de visites dans les villes autour de Philadelphie. J’ai découvert les traditions américaines comme les courses de chevaux. Je me suis imprégné de cette culture en dehors du foot, avec par exemple les brunchs le week-end. C’est ce qui attire. Sans ça, je n’aurais pas quitté la France.
Nous, on va penser à Rocky ou Iverson quand on parle de Philadelphie. Ouais, Rocky, il a sa statue à lui tout seul.
Et concernant Allen Iverson, ils ont retiré son maillot quand j’y étais. Ils ont une connaissance du sport vraiment énorme. Ce n’est pas une ville spécialement touristique et il y a énormément de locaux, alors qu’à New-York, il y a des gens qui viennent du monde entier. À Philadelphie, ils ont grandi là-bas et ils restent là-bas. Donc les gars qui ont 65-70 ans et qui viennent au stade, ils vont se faire applaudir. Tout le monde les connaît. C’est la culture là-bas. Ils connaissent tous les joueurs, ils les vénèrent un peu. C’est absolument exceptionnel.
Quels sont les rapports entre les joueurs, les coachs ?Ce sont des rapports plus proches de ce que j’avais pu connaître à Sochaux. Les Américains ont un état d’esprit parfait. Par rapport à nos coéquipiers, c’est un vestiaire qui vit très très bien. Il y a forcément un rapport différent avec les coachs, mais ça reste plus proche qu’en France globalement.
Sur le plan sportif, votre équipe termine deux fois finaliste de la coupe. Comment avez-vous vécu ces défaites ?Philadelphie, c’est un jeune club. La franchise existe depuis peu et ça aurait été notre premier trophée. C’est ce qu’on a visé pendant deux ans. Du coup, ça a mis énormément d’engouement autour de la coupe. Alors qu’à la base, c’est moins important que le championnat. La déception était énorme, surtout après la deuxième finale, où on se dit qu’on n’y arrivera jamais. J’ai joué les deux et on a à chaque fois mené au score. On en perd une en prolongation. Et une autre aux tirs au but.
Pourquoi avoir décidé de revenir en France et de partir au milieu de la saison de MLS ?Quand je suis parti, je n’avais aucun plan, c’est ça qui était bien et m’attirait. J’allais me retrouver avec le même problème, mais dans l’autre sens : j’allais être libre au mois de décembre, mais c’est beaucoup plus difficile de trouver un club en janvier. Les clubs recrutent un peu dans l’urgence. J’ai essayé d’anticiper. Et puis, j’avais aussi envie de rentrer. J’ai fait ce que j’avais à faire et au bout d’un moment, je tournais un peu en rond. La famille me manquait et voilà, j’ai trouvé Strasbourg et j’ai foncé.
C’était important de revenir dans une région proche du Doubs ?C’était important de revenir en France. Parce que lorsque vous êtes de l’autre côté de la planète… Si vous êtes en France, vous êtes déjà proche de la famille. L’important, c’était de trouver un club digne de ce nom, un club qui représente quelque chose et une ville qui soit attractive. Parce que là-bas, au niveau extrasportif, c’était génial. Je ne me voyais pas revenir dans une petite ville où je me serais ennuyé en dehors du foot. Là, avec Strasbourg, j’ai trouvé l’équilibre parfait.
Vous avez connu la Ligue 1, l’équipe de France espoirs. Et finalement, à vingt-huit ans, vous êtes en Ligue 2 et passé par la MLS. Est-ce que vos blessures ont freiné votre progression ?Les blessures, ça freine toujours.
Et moi, ça freinait toujours au mauvais moment, à chaque fois où j’étais bien. En 2009, j’avais été appelé en équipe de France espoirs, ça se passait très bien et je me blesse pour un petit bout de temps. Ce sont des moments-clés comme ça… Les blessures n’arrivent pas toutes seules. Peut-être que j’ai manqué de prévention. Puis je me suis mal soigné. Enfin, peu importe, les choses n’arrivent pas par hasard. Mais je n’ai vraiment aucun regret, en fait. Je suis encore sur un terrain de foot, je vis de ce que j’aime.
Propos recueillis par Guillaume Vénétitay