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Vincent Labrune tente le tout pour le tout
Cible de toutes les critiques, le président de l'OM tente un coup de poker en se désolidarisant de son entraîneur, mais aussi de son actionnaire principal. Et il peut tout à fait s'en sortir.
Les plus ardents détracteurs de Vincent Labrune n’ont pu s’empêcher de dire le soir même qu’il avait une nouvelle fois bien manigancé son coup. Le dernier match de l’OM, la défaite chaotique à domicile contre Rennes (2-5 avec 0-3 au bout de 14 minutes pour rappel) s’est jouée juste avant une trêve internationale. 15 jours, c’est plus qu’il n’en faut à l’homme qui s’est fait connaître il y a une dizaine d’années auprès des supporters marseillais comme un spécialiste de la communication pour endormir les foules, voire organiser une riposte en redirigeant habilement la bronca qui lui est à la base destinée. Il faudra attendre le prochain match au Vélodrome et la réception de Bordeaux, le 10 avril prochain, pour mesurer l’effet de son action, alors que de nombreux supporters marseillais appellent à carrément boycotter l’enceinte du boulevard Michelet, las de voir la Ligue systématiquement comptabiliser les abonnements pour l’affluence du stade, masquant ainsi en grande partie la désertion actuelle. Mais une chose est sûre, le créneau de deux semaines jusqu’au déplacement à Bastia, samedi prochain, Labrune et sa garde rapprochée sont en train de pleinement l’exploiter, effectivement.
« Les aventures de Vincent » en quotidienne
Pas un jour ne passe sans que la position présidentielle ne soit expliquée dans les médias. Un jour, Vincent Labrune ne cache pas à Franck Passi sa stupéfaction quand il apprend que Michel a octroyé quatre jours de repos à ses troupes. Un autre, il attend désespérément une réponse à un mail adressé à Margarita Louis-Dreyfus où il demande la tête du technicien espagnol. Comme il faut entretenir le feuilleton, il y a aussi le jour où il rêve d’attirer Jorge Sampaoli, le disciple de Marcelo Bielsa, au club, alors qu’il est bien spécifié que l’ancien sélectionneur du Chili est toujours en contact avec son maître. Vu qu’il y a moins d’une chance sur un milliard pour que « San Marcelo » explique publiquement les raisons de son départ, cela permet d’insinuer que ce n’est peut-être pas du fait de Labrune, qui avait alors de bonnes raisons l’été dernier d’être « abasourdi » , comme il l’avait répété à qui veut l’entendre. D’ailleurs, un homme a refait surface dans le paysage phocéen ces derniers jours : le mystérieux Igor Levin, l’avocat russe de Margarita Louis-Dreyfus basé à New York, celui qui avait fait capoter la réunion décisive avec Bielsa trois jours avant son départ. Il serait aujourd’hui très souvent à la Commanderie et, malgré une connaissance du football très limitée, ne pourrait s’empêcher de donner son avis sur tout, comme lorsqu’il propose une coupe dans le budget sur l’entretien des pelouses du centre d’entraînement du club.
Le simple messager a pris du galon
Forcément, vu comme ça, certains amoureux du club commencent à se dire qu’il vaut mieux avoir Labrune en président que le nouveau bras droit de MLD. Et le tour est joué ? Pas si vite. Car une autre partie du public marseillais n’oublie pas que Labrune était il y a quelques années exactement dans le même rôle que Levin quand il faisait la chasse à Pape Diouf, bien à l’abri des lumières dans l’organigramme du club. Quelques années plus tard, il accède enfin à la présidence. Mais il assure alors qu’il n’est pas là par plaisir, et que sa nomination tient à sa capacité de rendre plus fluide les relations entre l’actionnaire et le sportif puisqu’il en est les yeux, les oreilles et les mains. Pour sa première saison, il essaie le plus possible de se montrer en public aux côtés de sa patronne, imitant à la perfection le sketch des Guignols de l’info avec Leonardo et le prince du Qatar. Mais ensuite, comme à peu près toutes les personnes nommées à ce poste, Vincent Labrune s’est découvert des ailes pour voler près du soleil : il y a donc eu le tristement célèbre « projet Dortmund » , puis « la révolution structurelle et culturelle » avec Marcelo Bielsa, pour enfin la nomination de Michel, qu’il expliquait ainsi en septembre dernier : « Un agent, Mariano Aguilar, me propose Michel. En tant que dingue de foot, ce nom me fait réagir. Je suis de la génération 1980. Mes idoles s’appellent Platini, Maradona, Falcão… et Michel, ex-grande star du Real Madrid. Je viens de prendre une bombe atomique sur la tête, alors, parler foot avec Michel, ça me plaît, pardonnez ce petit plaisir égoïste… » Autant le dire tout net, la fonction du simple messager est désormais bien loin.
Sans réponse du clan MLD…
Si Margarita Louis-Dreyfus est trop occupée pour s’en rendre compte, certains proches sont là pour l’alerter. Comme Mehdi El Glaoui, ancien président du conseil de surveillance du club, qui a eu la bonne surprise en 2008 de voir… Vincent Labrune prendre sa place. Peut-être pour ça que le président a parlé d’un poste « qu’il ne souhaite pas à son meilleur ennemi » pour clôturer son analyse de la situation après la défaite contre Rennes et qu’il fait tout depuis pour se désolidariser de Margarita Louis-Dreyfus. Mais attention, parler, ou plutôt communiquer, en premier ne fait pas tout. Contrairement à Bielsa, l’actionnaire peut tout à fait décider de prendre la parole et donner sa version des faits, alors qu’elle était par exemple allée trouver Marcelo Bielsa en avril 2015, après la défaite contre le PSG, pour lui dire qu’elle souhaitait qu’il prolonge l’aventure au club. La stratégie de tout mettre sur le dos de l’actionnaire, résumée en une formule : « Il n’y a pas d’argent » , pourrait alors se retourner contre VL. Mais s’il n’y a pas de réponse…
Par Romain Canuti