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Vincent Gesbert : « Le FC Lorient doit être un bouillon en effervescence »

Propos recueillis par Maxime Brigand
19 minutes

Dixième de Ligue 1 au bout d'une première saison encourageante avec Régis Le Bris, le FC Lorient est devenu depuis quelques années un modèle de formation, symbolisé cette saison par Bamo Meïté et Théo Le Bris. Mais comment l'expliquer ? Entretien avec Vincent Gesbert, responsable de la méthodologie de la boutique merlue.

Vincent Gesbert : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le FC Lorient doit être un bouillon en effervescence<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Comment avez-vous été piqué au foot ?

C’est une passion qui me vient de mon papa. J’ai joué très tôt, puis vers 13-14 ans, j’ai eu des soucis de santé qui m’ont empêché de jouer pendant une saison. Mon entraîneur de l’époque m’a proposé d’être en quelque sorte son adjoint, même si je n’avais absolument pas l’âge pour entraîner. Ça a été une première sensibilisation à l’analyse de joueurs en compétition, mais ça a suffi à me planter dans la tête une petite graine, et dès que j’ai eu mon bac, je me suis inscrit en Staps. Au fil de mon parcours universitaire, je me suis ensuite intéressé à des éléments d’ordre plus psychologique dont j’ai voulu pousser l’exploration. J’ai fait un master à Nantes, où il y avait les pontes de l’analyse de l’activité dans le contexte sportif, et je me suis dit qu’il y avait la possibilité de faire une thèse. Je commençais à lire des travaux sur l’intelligence collective, ça m’intriguait, et je trouvais que ce n’était pas suffisamment approfondi. Du moins, que ce n’était pas suffisamment approfondi du point de vue des joueurs. C’est là que j’ai fait la rencontre de Régis Le Bris.

Qu’est-ce que cette rencontre a changé ?

Beaucoup de choses. À l’époque, Régis est entraîneur des U19 du Stade rennais et accepte de m’accompagner dans mon projet de thèse, qui va consister à comprendre le comportement des joueurs de foot dans une phase de jeu spécifique : les transitions. Il y avait un grand intérêt car, à l’époque, les transitions défensives et offensives étaient peu étudiées, alors qu’il y avait un vrai enjeu d’optimisation pour la performance collective. Ma thèse s’est donc concentrée sur l’amélioration du jeu en situation de transition offensive.

Vous trouvez à l’époque qu’on n’écoutait pas assez les joueurs ou, du moins, qu’on ne prenait pas assez en compte leur point de vue ?

J’estimais en tout cas qu’on ne parlait pas assez de leur vécu. Je notais qu’il y avait de la communication, mais que bien souvent, certains comportements n’évoluaient pas. L’idée a été de se questionner : est-ce que ce qu’on exprime vers eux est suffisamment saillant pour eux et répond vraiment à leurs problèmes ? Moi-même, en tant que joueur, j’avais des problèmes sur le terrain, et parfois, mon entraîneur me disait des choses qui n’avaient rien à voir avec le problème que je rencontrais. Je me suis dit que si j’avais vécu ça, d’autres joueurs devaient aussi le vivre.

Si la transition offensive est une phase de jeu assez courte, elle peut te permettre de gagner des matchs.

Pourquoi la transition offensive spécifiquement ?

À l’époque, le Dortmund de Jürgen Klopp marche très fort, et on voit des tonnes de situations de transition offensive. Au même moment, en France, j’ai l’impression qu’on passe beaucoup de temps à réfléchir sur le « comment récupérer le ballon », mais qu’on néglige un petit peu le « comment piquer à la récupération ». Je voyais beaucoup d’opportunités d’attaquer qui n’étaient pas saisies ou mal exploitées. J’ai voulu comprendre pourquoi. Si la transition offensive est une phase de jeu assez courte, elle peut te permettre de gagner des matchs. Il me restait à trouver une équipe avec un niveau d’expertise suffisamment intéressant pour obtenir des données intéressantes.

Qu’est-ce que vous avez ressorti de ce travail de recherche ?

L’un des résultats a été de constater qu’il y avait une activité de coordination très forte sur le moment de la récupération, mais qu’au moment de jouer la transition offensive, on était plus sur un effet de hasard. Les joueurs s’ajustaient uniquement in fine, mais il n’y avait pas suffisamment de travail de coordination. Les coachs m’ont confirmé que c’était souvent une phase de jeu décontextualisée et non travaillée dans l’enchaînement, c’est-à-dire qu’on travaillait la récupération du ballon et l’attaque du but adverse sans mutualisation. Finalement, les repères des joueurs pour se situer en transition offensive étaient plutôt issus du fait qu’ils jouaient ensemble depuis deux ou trois saisons. On savait que tel joueur appelait généralement en profondeur, qu’un autre voulait beaucoup plus le ballon dans les pieds, qu’encore un autre allait plutôt assurer la conservation à la récupération… Ce sont les habitudes qui influençaient l’activité des joueurs en situation, mais il n’y avait rien de très approfondi.

Comment avez-vous articulé vos travaux ?

Avec son passé universitaire, je me suis dit que Régis serait sensible à un discours factuel et argumenté. Il fallait que je lui explique quel était l’intérêt pour lui et pour moi. On a fait une première phase de test où je débriefais des situations de match avec les joueurs et où je faisais ensuite un compte rendu de ce que j’avais pu collecter au cours des entretiens. Les joueurs savaient que tout ce que je récoltais était pour aider Régis à s’ajuster dans ses analyses et ses entraînements. Ça a matché, et on a projeté ce travail sur un an. On a essayé de modéliser tout ce qui se passait sur les situations de transition offensive et d’avoir, ensuite, des implications de pratique sur le terrain. À chaque fois qu’il y avait un match à domicile, je récupérais le film du match, j’extrayais des séquences, Régis validait, et on en choisissait deux à analyser le mardi, 48 heures après le match, avec les joueurs. C’est eux qui parlaient. Moi, je n’étais là que pour les amener à décrire ce qu’ils faisaient, pourquoi ils le faisaient, ce qu’ils ressentaient, les éléments sur lesquels ils étaient attentifs… À aucun moment je n’intervenais pour dire que sur telle situation, un joueur aurait dû faire ci ou ça. Il y avait deux objectifs : que les joueurs décrivent leur performance et les amener à prendre conscience de leur manière d’agir en situation.

 

Et de verbaliser leur activité, aussi.

À l’époque, ils le faisaient peu, voire pas du tout. D’un côté, l’entraîneur y accordait assez peu d’intérêt parce qu’il considérait qu’il savait et qu’il n’avait pas besoin du point de vue des joueurs. De l’autre, on leur donnait trop peu de place, ailleurs, pour le donner. Attention, ce n’est pas simple, mais progressivement, le joueur va de plus en plus questionner l’implicite et on peut donc aller de plus en plus loin dans le détail.

C’est-à-dire ?

Sur la phase de récupération, on a vite vu des repères partagés très forts. Régis l’expliquait par le fait que cette partie était travaillée depuis assez longtemps. Chacun n’est concentré que sur soi, tout en ayant un background collectif qui permettait de se dire : « Je sais que quoi qu’il arrive, mon partenaire va faire ça, ça… » Petit à petit, des routines ont aussi pu se créer, notamment sur les sorties de balle. Individuellement, il a également été intéressant de voir la propension de certains joueurs à initier les transitions offensives là où d’autres se disaient qu’ils ne pouvaient pas le faire. Certains se disaient : « Récupérer le ballon nous a pris tellement de temps et d’énergie, je ne veux pas être celui qui va le perdre… » Là, il a fallu un travail d’accompagnement pour qu’ils aient moins peur de prendre des initiatives. L’objectif premier de la thèse n’était pas que la verbalisation aide à mettre en lumière des blocages, mais ça en a été une conséquence.

Comment êtes-vous passé de cette phase-là à celle plus globale qui consiste à établir l’intégralité de la méthodologie d’un centre de formation – celui du FC Lorient ?

Théoriquement, je devais rester deux ans au département performance du Stade rennais – la première année devait être celle de la modélisation, la seconde celle de la conception et de l’évaluation des dispositifs d’entraînement –, mais Régis a quitté le club en 2012 pour signer à Lorient. Du coup, je n’ai fait ma thèse que sur la partie modélisation et je n’ai fait que des propositions qui n’ont pas été testées sur le terrain. Ça ne m’a pas empêché de soutenir ma thèse en 2014 et de partir, derrière, à l’université de Lausanne. J’y suis resté six ans, en continuant à explorer l’activité collective dans d’autres sports – la natation synchronisée et le curling –, en développant une activité sur le développement des talents et en gardant une activité de coaching. Avec Régis, on a continué à échanger. Il me faisait part de problématiques rencontrées dans ses activités à Lorient, on avait des questionnements qui se croisaient… Puis à un moment donné, mon contrat à Lausanne s’est terminé. J’ai eu le projet de monter ma boîte de conseils, et six mois après, Régis m’a proposé de venir avec lui pour occuper un poste qui reste en grande partie à construire : établir la méthodologie du centre de formation, qu’il a commencé à mettre en place en 2015 et qu’il fallait continuer à questionner, faire grandir, analyser…

Le curling est une activité collective très portée sur la communication verbale, ce qu’il n’y a pas forcément dans le football, où la communication est plus souvent non verbale.

Pourquoi la natation synchronisée et le curling ?

Le curling est une activité collective très portée sur la communication verbale, ce qu’il n’y a pas forcément dans le football, où la communication est plus souvent non verbale. Ça m’a permis de travailler sur un nouveau dispositif d’analyse, que je peux d’ailleurs réexploiter. Avec la natation synchronisée, j’ai pu explorer une autre dimension : la dimension esthétique. Donc, un autre dispositif d’analyse, d’entretiens… Tout ça m’a aidé à nourrir le schmilblick.

Quelle est votre définition du talent ?

On utilise souvent ce terme, mais le talent n’existe pas. On ne peut pas être talentueux par nature. On peut, en revanche, être talentueux en situation, et c’est toute la clé. Le talent, c’est être en capacité de résoudre des problèmes en situation ou d’en créer le maximum à l’adversaire. Finalement, on est talentueux à un instant T, mais l’ambition est de toujours l’être : les joueurs les plus performants sont les joueurs les plus talentueux. On partage cette approche de la performance avec Régis et avec les différents éducateurs ici, à Lorient.

Chaque joueur qui intègre la structure est considéré comme un joueur qui a des superpouvoirs, et notre rôle est de créer le parcours le plus adapté pour qu’il puisse exprimer de plus en plus ses superpouvoirs afin d’intégrer un jour l’équipe pro et de pouvoir y performer.

Quelle est la demande concrète de Régis Le Bris au départ ?

Le club repartait d’une page blanche, et il fallait, déjà, repenser le recrutement, donc toute la méthodologie d’identification et de sélection des joueurs amenés à intégrer le centre de formation. Il a fallu faire un gros travail avec Aziz Mady Mogne, qui est aujourd’hui le coordinateur sportif du club. Ça a été la première étape. La seconde a été de créer des parcours d’accompagnement et de développement individuels. Chaque joueur qui intègre la structure est considéré comme un joueur qui a des superpouvoirs, et notre rôle est de créer le parcours le plus adapté pour qu’il puisse exprimer de plus en plus ses superpouvoirs afin d’intégrer un jour l’équipe pro et de pouvoir y performer. Enfin, l’autre élément a été que les staffs ont souvent en priorité l’histoire collective en tête. C’est-à-dire : faire vivre leur groupe, avoir les meilleurs résultats possibles, et même s’ils ont l’idée du développement individuel, il peut parfois être occulté par l’histoire collective. Ma responsabilité est donc aussi de réussir à définir le moment où un joueur a suffisamment exprimé son potentiel dans un contexte pour le faire basculer dans un autre contexte – basculer des U17 vers les U19, par exemple. C’est une responsabilité qui demande d’avoir un regard un peu reculé de la compétition instantanée, et c’est important pour tenir notre objectif, qui reste d’accompagner le maximum de joueurs vers l’effectif pro. Si on peut gagner les championnats chez les jeunes, tant mieux, mais la priorité n’est pas là, donc si au bout de trois mois, il y a un joueur dont le niveau U17 n’est plus suffisant pour satisfaire sa progression, on se doit de le faire basculer en U19 ou en N2.

Est-ce que cette mission se prolonge au sein de l’effectif pro ?

Avec les pros, c’est plutôt des semaines d’immersion pour être garant de la méthodologie à l’échelle du club. Cette méthodologie touche les joueurs, mais aussi les staffs et leur organisation. Il m’arrive de venir à des séances du groupe pro pour, par exemple, observer les modalités de communication entre les joueurs. Quand je viens, je note ce que j’observe et je partage ensuite mes remarques à Régis, qui en fait ce qu’il veut.

Vous êtes dans l’exploration permanente d’autres disciplines. Est-ce quelque chose qui n’est pas assez fait globalement ?

C’est un temps qu’il faut prendre. Il y a peu, je suis allé à un séminaire de trois jours avec les équipes de France de rugby à Toulouse. Je pense que deux ou trois fois par an, il faut réussir à sortir de Kerlir (le centre d’entraînement de Lorient, NDLR) pour fouiller, et le rugby est riche pour de nombreux sujets. J’y prends beaucoup d’inspiration. L’année dernière, Didier Retière est venu nous voir. On a aussi vu Brandon Fajardo, l’ancien joueur de la Section paloise, Florent Bonnefoy, qui travaille au RC Vannes, et Vincent Krischer, qui est responsable de l’analyse performance à la FFR. Avec eux, on échange sur tout : la performance, l’accompagnement des joueurs, des staffs, l’identité, l’ancrage territorial… C’est quelque chose qui les anime, et dans le foot, on était peut-être un petit peu en retrait sur ces sujets. C’est donc des sources énormes, il faut se donner des temps pour sortir explorer et s’extraire de la lessiveuse. C’est une nécessité. Je ne sais pas comment les autres clubs travaillent, mais aujourd’hui, j’ai beaucoup plus d’échanges avec des personnes extérieures au monde du foot et j’y vois un intérêt énorme pour se confronter à d’autres façons de penser, d’autres organisations…

Est-ce qu’il vous arrive de sortir complètement du domaine du sport ?

Oui. On a notamment travaillé avec les fusiliers marins de la ville, car on a estimé que la dimension d’ancrage territoriale n’avait pas été assez fouillée. Régis a très vite eu cette volonté qu’un joueur formé au FC Lorient n’ait pas uniquement une formation sur le jeu, mais qu’il conserve également une empreinte du territoire. On a travaillé dessus à partir d’échanges qu’on a eus avec nos homologues de la Section paloise et on a sélectionné des acteurs autour de nous qui, dans leur domaine, sont performants. C’est allé des fusiliers marins aux marins pêcheurs, puis on a également utilisé l’histoire de la ville, qui est très riche. On n’a qu’à faire cinq kilomètres pour avoir des vestiges de la Guerre mondiale. On avait plein de sujets devant nous pour sensibiliser les joueurs et les enrichir dans leur parcours. L’année prochaine, on va intégrer l’activité maritime. On veut que les joueurs s’ouvrent au monde, qu’ils aient des sources d’inspiration, qu’ils s’éveillent. On ne dit pas que ça marche à tous les coups, mais on pense que plus on essaie de les ouvrir, plus ils développent une forme de maturité par rapport à leur projet, et on veut des joueurs responsables, sauf qu’il faut créer des contextes pour faire naître cette responsabilité.

On a qu’à faire cinq kilomètres pour avoir des vestiges de la Guerre mondiale. On veut que les joueurs s’ouvrent au monde, qu’ils aient des sources d’inspiration, qu’ils s’éveillent.

Il n’y a aucun moment où ils tiquent quand vous les emmenez voir des fusiliers marins ?

Ce stage de 24 heures, au départ, on l’a caché. On avait juste des autorisations signées pour qu’ils puissent partir sans aucun moyen de communiquer avec leur entourage. Puis on a pris des navettes, on a fait une douzaine de kilomètres, et c’est en face de la base que j’ai fait mon discours d’introduction. Je leur ai expliqué notre volonté d’enrichir leur parcours de formation, de les ouvrir… Ils aspirent à être l’élite du football français, ou du moins à devenir professionnel, ce qui n’est réservé qu’à une toute petite part de joueurs, et il y a une forme de logique de les confronter à l’élite de la marine nationale française. Ça a aussi été un moyen de tester des piliers – la coopération, l’intensité, l’adaptabilité – sur un autre terrain que celui sur lequel ils ont l’habitude de s’exprimer. On ne leur a pas dit grand-chose de plus, si ce n’est que la journée serait surprenante et qu’il fallait qu’ils se préparent à affronter des imprévus, des moments difficiles, dont il faudrait se sortir par la coopération collective. Puis ils ont enchaîné un certain nombre d’activités, dont ils ont gardé un souvenir fort. La clé a ensuite été de savoir comment porter ce souvenir tout au long de la saison.

Comment, du coup ?

Après le stage, les fusiliers marins nous ont expliqué que quand des personnes extérieures viennent faire un stage chez eux, les effets durent quelques semaines, mais que tout disparaît avec le temps. Nous, on voulait que ça s’ancre. Il y a la nécessité de créer un univers pour que les joueurs gardent toujours à l’esprit ce qu’ils ont construit ensemble. Durant l’été, je suis tombé sur un reportage diffusé sur Canal+ qui racontait l’opération HK35. Il relatait comment des personnes formées sur la base de Lanester, qui est à côté de notre centre d’entraînement, s’étaient retrouvées en Afghanistan avec une issue dramatique, puisqu’il y a eu un mort. On a passé ce reportage aux joueurs après le stage parce que ce qui est intéressant dans ce reportage, c’est qu’on y voit un ensemble de commandos qui travaillent en interaction pour neutraliser des talibans. On s’en est inspiré pour valoriser, à notre échelle, des comportements décisifs en condition et on a identifié cinq types de récompenses : la capacité d’un joueur à exprimer ses superpouvoirs sur le terrain pour faire basculer notre mission ; celle d’un joueur à assurer l’équilibre et la solidité de l’équipe ; celle d’un joueur à préparer une mission ; celle d’un joueur à entrer en cours de match pour faire basculer la mission ; et celle d’un joueur qui a fait la meilleure semaine d’entraînement pour se préparer à la mission. Chez nous, la mission est le match. Il arrive parfois que les cinq récompenses soient distribuées après une mission comme il est possible qu’il n’y ait aucune récompense décernée si la mission a échoué. Au bout, pour aller encore plus loin, on a également créé une cérémonie : le béret merlu.

Qui peut l’obtenir ?

Un joueur qui a réussi à obtenir toutes les récompenses au cours de la saison. Avec ce béret, il devient porteur des valeurs du FC Lorient. On installe également une plaque dans le vestiaire de l’équipe réserve avec le nom et le prénom du joueur récompensé. Ça devient un témoin important de la culture de la performance du centre de formation. Pour le moment, on récompense les joueurs du groupe de National 2, mais on réfléchit à l’étendre.

Est-ce qu’il existe des moments entre les joueurs des différentes catégories pour faire perdurer cette culture de performance ?

À chaque cérémonie de remise du béret merlu, toutes les équipes du club sont présentes dans l’auditorium, donc les joueurs de toutes les catégories sont déjà sensibles à ce qui est valorisé, mais il y a l’idée d’une transmission, oui. Maintenant, on est plutôt dans l’idée d’offrir différents environnements : cet univers des fusiliers marins reste donc pour le moment centré sur la N2 et on explore d’autres environnements, d’autres histoires, pour les autres groupes.

En parlant d’histoire, récemment, vous avez aussi fait venir un alpiniste pour échanger avec les jeunes du centre de formation…

Alasdair McKenzie est né à Lorient, et ce qui m’a fait halluciner la première fois où j’ai entendu parler de lui, c’est qu’il est parti à l’autre bout du monde à 17 ans, s’est organisé tout seul pour aller gravir les plus hauts sommets du monde… Pour nous qui accordons beaucoup de place à la responsabilité et à l’autonomie, son expérience ne peut être qu’inspirante. La question a été : qu’est-ce qui te pousse à faire ça ? C’est quelqu’un qui a beaucoup moins de visibilité que les footballeurs. Il a évoqué ses inspirations, ses heures d’entraînement, la structuration de ses journées… Nos jeunes, pour qui beaucoup de choses sont faites, se sont pris cette organisation en pleine face et ont aussi compris que pour toucher des sommets, tu te dois de prendre ton projet en main, sinon tu seras, à un moment donné, limité et limitant. Alastair a aussi montré des vidéos où tu vois clairement sa qualité énorme de présence en situation. Lui est dans un rapport extrême, car s’il tombe, ça peut être terminé. C’est forcément intéressant de savoir comment un autre sportif travaille et développe sa qualité de présence en situation de performance.

Est-ce que tout ce travail est aussi parti du constat fait par d’autres observateurs depuis quelques années qui veut que les footballeurs aient peu à peu perdu en créativité ?

Nous, notre constat de base a été de questionner la performance. On s’est ensuite demandé : comment nourrir cette capacité ? En développant la responsabilité du joueur, en lui donnant des outils pour qu’il soit en mesure de décider par lui-même et d’assumer les conséquences de ses actions. On débriefe ses actions avec lui, on verbalise, on lui apporte des échanges sur le jeu, on le nourrit en expériences diverses. Récemment, j’ai vu qu’en équipe de France de rugby à 7, les joueurs analysent l’adversaire et identifient les solutions stratégiques en fonction des problématiques posées par l’adversaire. Ça m’a fait sourire parce qu’au sein du groupe réserve et chez nos jeunes, il y a aussi cette liberté et cette responsabilité. On veut que le joueur soit acteur, donc parfois, les joueurs analysent, identifient les menaces, proposent des options tactiques… C’est un travail de collaboration, et on veut créer l’espace pour cette collaboration.

 

Est-ce que vous avez déjà réussi à mesurer ce que tout ça a pu apporter à des joueurs qui ont intégré le groupe pro ?

Quand on voit la saison de Bamo Meïté et Théo Le Bris, on voit à quel point leur progression a été à une vitesse folle. Ils sont tous les deux porteurs de la méthodologie du centre de formation, et Régis capitalise sur cette méthodologie. C’est aussi le cas d’un Pablo Pagis, qui a fait une très belle saison en prêt à Nîmes. Ils ont tous les trois un grand niveau de connaissance sur le jeu et d’adaptabilité, ils ont cette volonté d’être meilleurs chaque jour, ils interrogent en permanence leur performance, leurs forces et leurs défauts…

Des pros ont-ils été amenés à échanger avec les jeunes de la N2 cette saison ?

Il y a peu, Théo et Ibrahima Koné sont venus discuter avec les U17. On avait proposé au groupe de débriefer une action de leur match avec eux. On a donc, pour l’un, parlé des duels défensifs en un contre un, et pour l’autre, du jeu en appui. On avait des problèmes à régler dans le groupe U17 et dans le groupe pro sur ces aspects-là, et ces échanges d’expérience ont été bénéfiques. Ce n’est que les balbutiements, mais on aimerait que ces échanges soient encore plus nombreux. C’est un bouillon qui est toujours et doit toujours être en effervescence.

Est-ce qu’à terme, les stages avec les fusiliers marins ou avec d’autres corps de métier pourraient être mis en place avec les pros ?

Les pros ont déjà travaillé avec d’anciens fusiliers marins, mais on doit s’ajuster. Il faut y aller étape par étape. Pour des joueurs qui n’ont pas connu toute cette méthodologie, ça peut être brutal. Tu te dois de t’adapter aux parcours et aux histoires de tes joueurs, mais pour le moment, on n’a pas trop de limites. C’est la richesse de ce projet.

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