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Vincent Bessat : « J’espère sortir du monde du foot après ma carrière »

Propos recueillis par Victor Le Grand
10 minutes
Vincent Bessat : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;espère sortir du monde du foot après ma carrière<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Mardi soir, Nantes s'est qualifié pour les huitièmes de finale de Coupe de France face à Lyon, leader de la Ligue 1 (3-2). L'occasion de revenir sur cette qualification avec Vincent Bessat, Lyonnais de naissance, auteur du premier triplé de sa carrière et meilleur milieu gauche nantais depuis David Garcion, Olivier Monterrubio et Aurélien Capoue, peut-être. Une petite heure de bavardage autour des tatouages « chicanos », de fiches d'impôts et de sa prolongation de contrat - à six mois de son terme. Encore loin d'être actée.

Comment se réveille-t-on après avoir inscrit le premier triplé de sa carrière, de surcroît contre Lyon, la ville qui t’a vu naître ?

Je ne réalise pas forcément que j’ai mis un triplé. Ce que je sais, c’est qu’on s’est qualifiés contre, selon moi, la meilleure équipe qu’on ait affrontée cette saison. Ils ont une capacité à garder, à faire tourner le ballon qui est quand même impressionnante. Ils se projettent très vite vers l’avant, avec une qualité technique incroyable devant, grâce à Fekir et Lacazette. Le premier but qu’ils mettent est quand même magnifique, même si nous faisons une mauvaise relance.

Tu as dû recevoir beaucoup de textos de journalistes aujourd’hui. Justement, à Nantes, certains collègues disent que tu n’as jamais refusé une demande d’interview depuis que tu es au club. Pourtant, ce n’est pas un exercice où tu sembles très à l’aise…

Je ne suis pas du tout à l’aise, c’est vrai. Ça fait partie de mon métier, on va dire. Il faut faire avec. Mais si je peux m’en passer, je m’en passe. Tout ce qui est plateau TV, ce n’est pas mon truc, et c’est même un peu secondaire. Qu’est-ce qui me dérange ? Parler de moi, tout simplement. Je n’ai pas forcément envie d’être sur le devant de la scène. C’est aussi une question d’éducation.

C’est-à-dire ?

Je viens d’une famille où l’image du football, et du footballeur, n’est pas forcément appréciée. L’image que véhicule le football, à la télévision surtout, c’est strass, paillettes et argent. On diffuse des points négatifs qui ne sont pas le cas de beaucoup de joueurs. Les gens voient le côté pognon du foot : « Tu viens, tu joues, tu prends ton oseille et c’est terminé. » Alors qu’il y a des aspects cachés qui sont très durs dans ce milieu.

Comme quoi par exemple ?

Comme le fait de quitter ses parents très tôt pour rejoindre un centre de formation. Ça fiche, entre guillemets, ta jeunesse en l’air. Quand tu vois tes amis qui s’éclatent, font la fête, sont tout le temps ensemble… Et toi, tu es loin, ce n’est pas toujours très évident. Puis quand tu joues moins, quand tu es dans une période un peu plus délicate de ta carrière, c’est la même chose. Et c’est là qu’il est important d’être bien entouré. Sinon, tu peux vite partir en couilles. Personnellement, ça a mis du temps à venir, mais je suis plus que blindé aujourd’hui, surtout avec ce qui m’arrive cette année : le fait de moins jouer. Puis l’arrivée de ma fille qui m’a fait mûrir. Je peux le dire : mon entourage est plus qu’exceptionnel.

Pour revenir à tes origines, tu es né à Lyon. L’OL est donc ton club de cœur, non ?

Tu en as beaucoup pour qui c’est Paris ou Marseille, moi c’est Lyon. J’allais de temps en temps les voir jouer, mais, comme je t’ai dit, je suis issu d’une famille qui n’est pas très football. J’adorais cette équipe. C’était l’époque de Sonny Anderson, Vikash Dhorasoo, Christian Bassila. Je me souviens de ma rencontre avec Jean-Christophe Devaux et Joseph-Désiré Job à l’époque. J’étais petit, lors de l’inauguration d’une boutique, mais j’avais pu discuter avec eux quelques minutes. C’était exceptionnel.

Quand tu étais petit, que faisaient tes parents ?

Mon père travaillait dans l’athlétisme, avant de mettre ça un peu de côté aujourd’hui. Mon père n’apprécie pas trop les vices cachés du foot. Quand, par exemple, un mec fait douze roulades parce qu’on l’a poussé un petit peu, il ne peut pas le sentir. Ça le met hors de lui. Mais j’ai eu une enfance heureuse. Mes parents ont toujours tout fait pour que je ne manque de rien. Je ne les remercierai jamais assez.

Justement, tu bossais bien à l’école ?

Écoute, je n’étais pas bon, mais j’ai fait mes classes tranquillement. Toujours avec la moyenne. J’ai eu un bac ES. C’était une convention avec mes parents : il fallait que j’aie mon bac, puis après ils me laissaient tranquille. Mes parents y tenaient vraiment, c’était convenu comme ça. Je me souviens très bien du jour où je l’ai eu, c’était exceptionnel. J’étais avec ma mère, j’avais envie de lui faire croire que je ne l’avais pas eu, mais j’étais trop content, je n’ai pas tenu dix secondes…
Vincent Bessat, ce n’est pas un génie. Et quand tu n’es pas un génie, tu fermes ta gueule et tu travailles

Tu parles de tes parents qui ne seraient très football, mais même toi, on a l’impression que tu es embêté avec ce milieu du foot…

C’est un monde d’argent. Tu as des gens qui n’ont pas de figure dans ce milieu. Comme pour mon triplé de mardi par exemple, j’ai reçu des messages de gens que je n’avais pas vus depuis deux ou trois ans. C’est le monde du foot qui est comme ça. Je ne me prétends pas au-dessus, loin de là, mais ce sont des valeurs que je ne veux pas enseigner à ma famille par exemple. Puis il y a des choses qui ne sont pas très faciles à vivre. Quand tu veux dire quelque chose, il faut toujours prendre des gants. Il faut savoir faire le dos rond, alors que je suis plus quelqu’un à dire les choses en face, et après seulement, je calcule. Dans ce milieu, c’est très difficile à faire. Par moments, si tu dis ce que tu penses, t’es mort.

Ce n’est pas forcément une obligation : tu as des joueurs qui ont réussi de très belles carrières en étant « grande gueule » , se fichant des éventuelles conséquences. Ça en devient même charmant…

Ouais, mais les mecs comme ça, tu en as beaucoup plus qui n’ont pas réussi que l’inverse. Cantona était une grande gueule, mais c’était un génie. Il faut être lucide : Messi, c’est un génie ; Ronaldo, c’est un génie. Vincent Bessat, ce n’est pas un génie. Et quand tu n’es pas un génie, tu fermes ta gueule et tu travailles.

Après ta carrière, envisages-tu de rester dans le monde du football ?

Non. C’est toujours compliqué de s’avancer, mais là, si tu me poses la question, j’espère que je sortirai du monde du football.

Quel est ton rapport à l’oseille en fait ?Je vis très bien, il ne faut pas se voiler la face. J’ai un gros péché mignon qui sont les voitures, mais pour tout le reste, je ne peux pas jouer sur tous les tableaux. J’ai une autre chance, c’est que mon père connaît pas mal de choses en matière de placements financiers et d’investissements. Puis j’ai le nez dans tout ce que je fais. Tout ce que je fais, tout ce que j’ai, je sais pourquoi je le fais et je sais comment je le fais.
Tu sais donc combien tu paies d’impôts par an ?Je remplis mes fiches d’impôts. Mon père les fait, mais je suis là. Je ne lui envoie pas mes feuilles et il se démerde. À la fin de ma carrière, je sais comment je pourrai faire mes impôts. Sans aucun problème.
Tu disais que ton péché mignon, c’était les voitures. Tu en as combien ?Non, ça je ne peux pas le dire. Ça inciterait au cambriolage après (rires). Mais j’ai un ami qui a un très gros garage à Cannes et qui me permet de faire un roulement et des coups énormes sur les voitures. Puisque le but est de ne pas perdre d’argent ou le moins possible.
Tu es plus voiture italienne ou allemande ?Les deux. Tout ce que je peux te dire, c’est que l’Audi R8 V10 est une très, très bonne bagnole.

Dans les quatre ou cinq ans, tu vas voir, Nantes va rejouer l’Europe. J’en suis certain

En parlant de passion, tu en as une autre : le tatouage.Ouais, j’adore ça. Tout au début, c’était juste l’envie d’en faire, peut-être par effet de mode. Ça me trottait depuis un moment dans la tête. Depuis, c’est vraiment devenu une passion. Mais il y a toujours un sens derrière chacun de mes tatouages : ça peut être religieux, sur ma famille, mes proches, le football. Je suis plus branché dans le style « chicanos » pour faire simple, bien dessiné, avec des écritures bien travaillées, où, justement, j’arrive à trouver un sens derrière tout ça. Là, je suis en train d’en faire un sur le dos et ça fait très mal. Dans le creux du bras, c’est douloureux. Sur le coude et tout ce qui touche à l’os, ça te fait vibrer un peu le corps. Un peu sur la colonne aussi. Mais c’est bien, ça permet de se durcir un petit peu la tête.
La souffrance ne fait-elle pas finalement partie du plaisir de se faire tatouer ?Ce que j’aime, c’est bien entendu le résultat, encore faut-il que ça soit bien fait. Il y a peut-être aussi, ouais, le fait de tenir contre la douleur. C’est le plaisir de trouver un dessin, d’une certaine correspondance avec un évènement de sa vie. C’est un tout.
Parlons rapidement des supporters nantais. Ne crois-tu pas qu’ils sont en train de tuer le game des tribunes en France ?
Je pense qu’on a la meilleure ambiance de France. C’est extraordinaire ce qu’ils nous donnent. C’est pour ça que la moindre des choses, c’est de s’arracher le cul sur le terrain. Ce qui m’impressionne le plus, c’est que sur le terrain, tu n’entends pas de sifflets. Que ta prestation soit bonne ou pas. Ça, c’est fou. Je sais que tu as beaucoup de joueurs dans les équipes adverses qui nous envient pour cette atmosphère.
Comment expliques-tu cette ferveur nouvelle, qui n’existait pas vraiment, d’ailleurs, quand Nantes était encore un grand de notre championnat ?Ces années Ligue 2 ont tellement été difficiles que de s’en sortir et de proposer autre chose – des mecs qui se battent les uns pour les autres -, ça permet aux gens de s’identifier. Puis il y a eu un renouvellement de génération, de supporters plus jeunes qui n’ont pas connu tout ce qui s’est passé avant. Dans un sens, tant mieux. Si on devait nous rabâcher tous les jours le « jeu à la nantaise » , ça ne nous aiderait pas à avancer. Mais ça va revenir. Dans les quatre ou cinq ans, tu vas voir, ça va rejouer l’Europe. J’en suis certain. Après, tout est une question de gestion.
Justement, mardi soir, après la qualification, tu es passé sur le plateau d’Eurosport avec le président Waldemar Kita. On a eu l’impression que l’ambiance était un peu tendue. Tu avais la tête baissée, comme si tu n’étais pas heureux d’avoir gagné.Mais non, tout va bien (sourire).

C’était peut-être le fait d’avoir été mis devant les caméras tout juste après le match, fatigué, pas encore douché…Ouais, on va dire ça… Après si tu veux parler de ma prolongation de contrat, je peux te dire que j’ai envie de rester à Nantes. J’ai ma maison ici. Ma fille est née ici. Je me suis inscrit dans un projet avec la remontée, puis en pérennisant le club en Ligue 1. Maintenant, j’aimerais participer à la reconstruction de ce club au très haut niveau. Mais si on ne veut pas de moi, je ne forcerai pas les choses.
Tu penses réellement qu’on ne veut pas forcément de toi ?Je ne sais pas. Peut-être que la direction estime que je ne suis pas utile sur le long terme. Mais moi, j’ai 29 ans, j’ai une famille. Quand je suis venu ici, j’ai accepté de faire des efforts financiers pour venir. Quatre ans plus tard, et après deux renégociations de contrat, je suis à l’heure actuelle toujours sur les mêmes bases salariales.
Le club te propose un an de contrat alors que tu en souhaiterais deux ou trois, c’est ça ?Ouais, et avec une revalorisation salariale. Après, je ne demande pas 100 000 euros non plus. Il ne faut pas me faire passer pour ce que je ne suis pas, puisque j’ai lu tout et n’importe quoi dans la presse. Mais à l’heure actuelle, je refuse. Je n’accepte pas ces conditions. Il n’y avait pas de discussion à avoir : c’était j’accepte ou non. Bah, je n’ai pas accepté. De leur côté, ils n’ont pas l’air de vouloir bouger non plus. On attend, et on verra.

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Propos recueillis par Victor Le Grand

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