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Vincent à l’heure
Vincent Thill, friandise luxembourgeoise du FC Metz, est devenu hier le premier joueur né dans les années 2000 à fouler une pelouse de Ligue 1. Et à découvrir l’un des cinq grands championnats européens tout court.
Parce qu’on ne peut résumer un département ni à ses faits divers glauques ni à ses tueurs en série un peu charismatiques, la Moselle aussi a droit à son quota de belles histoires. De toute façon, elle n’a pas le choix. Celle de Vincent Thill est sous ses yeux depuis quelques mois et a pris un peu plus de consistance hier soir. Il était 20h38 heure lorraine quand Mevlüt Erdinç, titubant de fatigue, a tapé dans la main du prodige luxembourgeois. Le score était scellé, et les Bordelais avaient déjà croqué-avalé-digéré les Messins (0-3). Voilà pourquoi Philippe Hinschberger a jugé l’instant idéal – car dénué de pression – pour valider le troisième baptême en Ligue 1 de la soirée, après avoir lancé dans le grand bain les briscards Gauthier Hein (vingt ans) et Moussa Seydi (vingt ans).
Sa première victime s’appelle Pallois
Difficile de ne rien avoir retenu des premiers pas de l’international luxembourgeois (trois sélections, un but) à ce niveau. Propulsé sur la pelouse du stade Saint-Symphorien à la 82e minute, l’attaquant a pris le temps de faire deux grosses fautes, envoyant Jaroslav Plašil au tapis (84e) et essuyant sa semelle sur Youssouf Sabaly (88e). La preuve qu’on peut jouer dur tout en pesant 55 kilos. Ces deux actions ont toutefois rappelé qu’avant de devenir le joueur qu’il est programmé pour être, Thill est encore ce chien fou capable de tacler n’importe qui n’importe quand et de décrocher suffisamment hors zone pour se faire remettre à sa place par ses coéquipiers, au sens figuré comme au sens hygiénique. Mais s’il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’à seize ans, on a tous les droits, à quelques exceptions près, comme acheter de l’alcool ou regarder des films à caractère pornographique. Pour finir sa destruction des armées girondines, le n°29 messin a dégainé une frappe du gauche qui n’a pas manqué de puissance et a sans doute ôté quelques secondes d’espérance de vie à Nicolas Pallois, légèrement assommé (90e+1).
Le Bayern avait visé juste
Après avoir mis à jour la plupart des records de précocité au Luxembourg, Vincent Thill est donc en train de s’attaquer à l’Europe, un territoire qui lui semble moins inenvisageable depuis ce printemps dernier où le Bayern Munich l’a copieusement dragué. Le géant bavarois, qui a estimé depuis belle lurette que Thill était le joueur européen le plus talentueux de la cuvée 2000, n’a finalement pas réussi à le déloger de son club formateur et de sa proximité avec le domicile familial de Rodange, commune située au sud-ouest du Grand-Duché. Mais force est de constater que le Bayern avait visé juste. En Bavière, Thill n’aurait certainement pas eu l’opportunité d’être ce pionnier de la génération 2000. Mais puisque parallèlement à cela, l’attaquant lyonnais Amine Gouiri s’est résolu à attendre sagement le feu vert de Bruno Génésio et que le crack anglais Ryan Sessegnon ne sert les intérêts que de Fulham (Championship), le premier adolescent à avoir marché sur la Lune restera à jamais ce Luxembourgeois aux cheveux blond platine, une déviance capillaire qui relève plus de l’hommage à Leo Messi qu’à Laurent Paganelli. La vérité, c’est que cette teinture a à peine été relevé par un public de Saint-Symphorien trop occupé à essayer de détecter un avenir de Ballon d’or ou de consultant pour Canal+ chez sa nouvelle perle.
Au coup de sifflet final, la vraie vie a enfin pu reprendre son cours. Vincent s’est dirigé vers sa famille, a reçu une chaude bise sur le front de la part de Serge, son père, puis est parti prendre sa douche avec quelques trentenaires. Et les gens nés en 2000 ont enfin eu le droit d’être considérés comme des adultes.
Par Matthieu Pécot