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Villas-Boas, le fils raté de Mourinho

Par Dave Appadoo
Villas-Boas, le fils raté de Mourinho

Limogé de Tottenham, un an et demi après avoir été dégagé de Chelsea, l’entraîneur portugais peine à marcher sur les traces de son glorieux aîné. Et si cette comparaison incessante avait creusé sa tombe ?

Le football est un peu comme la conduite, il possède ses codes et ses principes mécaniques. En ce sens, l’aventure d’André Villas-Boas figure un remarquable cas d’école. Pour ses codes, tout d’abord, avec ce communiqué de Tottenham : « Un accord a été trouvé avec André Villas-Boas pour mettre un terme à sa mission au club, une décision prise d’un commun accord et dans l’intérêt de toutes les parties. » Traduire : AVB a été viré lundi vite fait bien fait et sans qu’il n’ait évidemment eu son mot à dire puisque, la veille au soir, au sortir d’une branlée face à Liverpool (0-5), le Portugais déclarait : « J’assume mes responsabilités. Je peux seulement travailler pour améliorer les choses. Nous devons rebondir comme nous l’avons fait après la défaite contre City (0-6). » Pour le rebond, il faudra donc voir ça ailleurs. Mais c’est évidemment davantage sur ses principes mécaniques que la mésaventure du bonhomme est intéressante. Car elle renvoie à un marqueur de l’histoire du jeu. Un marqueur nommé José Mourinho.

Avant l’émergence de l’homme de Setúbal il y a une dizaine d’années maintenant, les entraîneurs allaient et venaient, laissaient éventuellement une empreinte, voire un style, mais jamais ils n’enfantaient d’héritiers. Au mieux des successeurs. À la différence des joueurs où, sitôt un géant parti à la retraite, le jeu a toujours consisté à trouver « le nouveau Untel » . Combien de nouveaux Pelé, Cruyff, Maradona ou Platini, après la fin de leurs carrières respectives ? Des dizaines et des dizaines. Pour quasiment autant de « morts » . Car les légendes sont souvent des tueurs d’enfants, montées en épingle pour une vague ressemblance avec l’idole disparue avant d’exploser en vol sous la pression. C’est une histoire quasiment vieille comme le ballon rond. Là où José Mourinho a révolutionné les mœurs, c’est que jamais auparavant on ne parlait d’un coach comme « le nouveau Machinchose » . Même après le passage d’entraîneur à la personnalité hors norme (Shankly par exemple) ou à la philosophie indélébile (Helenio Herrera, Rinus Michels, Sacchi ou Cruyff). D’ailleurs qui se souvient vraiment du coach du grand Real cinq fois champion d’Europe à la file dans les 50’s ? Personne. Et pour cause : il y en a eu quatre sur cette période. À l’époque et jusqu’à très récemment, la star d’une équipe, c’étaient les joueurs. Et puis vint Mourinho.

Pas assez sûr de sa force. Donc trop faible

Pour la première fois, un manager était plus médiatisé que n’importe quel crack de son équipe. Un type fascinant, au sens premier du terme, pour les médias. Qui, comme ils l’ont toujours fait pour les stars en crampons, a guetté l’émergence du « nouveau Mourinho » . Et Villas-Boas fut bien évidemment celui-là. Faut dire, il n’en fallait pas beaucoup plus : un Portugais, jeune, belle gueule, polyglotte, et auteur d’un triplé Coupe-championnat-C3 à la tête du FC Porto, tout comme José presque dix ans plus tôt dont il était… l’adjoint. La filiation quasi parfaite. Quasi… Car notez que l’on a bien précisé la nature du triplé commun : Coupe-championnat-… C3. Sauf que le maître avait confirmé l’année suivante avec un doublé, plus retentissant encore, championnat-Ligue des champions. Son vrai passeport dans la cour des très grands. Et le véritable sésame pour lui permettre, où qu’il passe, de dicter les choses : un recrutement aux oignons et les pleins pouvoirs au sein du club. Et c’est là qu’André Villas-Boas a montré qu’il n’était pas fait du même métal que son mentor. Flatté par l’intérêt de Chelsea au sortir de son incroyable année 2011, le natif de Porto s’est jeté sur l’occasion comme la misère sur le pauvre monde. Surtout comme le type trop pressé de faire fructifier ses fragiles succès avant que la roue ne tourne. Pas assez sûr de sa force. Donc trop faible.

Car à titre de comparaison, Mourinho, lui, avait su patienter au sortir de la fin de son expérience à Chelsea en septembre 2007 et attendre le bon projet pour rebondir à l’Inter, conscient que le football obéit aussi à deux règles essentielles : le timing et la loi du plus fort, l’un étant la condition sine qua non de l’autre. Or, a contrario, il flottait à chaque fois dans l’air le sentiment que le club était plus important pour Villas-Boas que l’inverse. C’est sans doute pour ça qu’AVB n’a pas su imposer ses desiderata, que ce soit à Chelsea, où le bougre avait dans l’idée d’imposer un style nouveau sans avoir pris soin de se débarrasser des anciens, une forme de suicide, ou à Tottenham, où la vente de Gareth Bale se fit sans son accord. Une hérésie pour un Mourinho qui, pour mémoire, claqua la porte des Blues en voyant que Roman Abramovitch lui imposait de plus en plus le casting. Résultat : c’est bel et bien l’oligarque russe qui est allé tapiner comme une vulgaire catin pour faire revenir « The Special One » à Stamford Bridge. Se faire désirer plus qu’afficher son désir, une recette qu’aura toujours su appliquer à merveille Mourinho, sans l’avoir transmise à son ancien poulain. Peut-être que le Maestro avait décelé la limite de son élève. Une limite qui lui aura été fatale car, désormais, Villas-Boas a toute une réputation à rebâtir et on sait que c’est celle-ci qui vous crée les opportunités. L’heure donc de se reconstruire et de réinventer. En arrêtant de chercher à être « The Special Two » . Mais juste André Villas-Boas. Son plus grand défi, in fine.

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