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Villarreal, l’inlassable surprise
Présent dans le panorama européen depuis une dizaine d'années, le sous-marin jaune n'en demeure pas moins une surprise permanente. Toujours aussi performant, il poursuit son développement, entre silence, deux centres de formation et supermarché.
Elda, Puertollano et Motril. Ces trois villes d’Espagne restent, pour la plupart des Français, inconnues au bataillon. En soi, rien de plus normal. Toutefois, ces trois communes n’en demeurent pas moins plus grandes et plus peuplées que Villarreal. Connu par tous les amateurs du ballon rond, le Submarino Amarillo se trouve ainsi dans la cent quarante-deuxième ville du pays. Autant dire que sa présence et sa longévité parmi l’élite relèvent de l’exploit perpétuel. Un épiphénomène qui doit beaucoup à la ferveur qui entoure le Madrigal. Le club détient même le record honorifique du plus grand nombre d’abonnés en proportion du nombre d’habitants que compte la ville. En chiffres, plus de 19 000 socios répondent aux 50 000 résidents. La recette du succès ? « On travaille beaucoup et bien. Nous sommes heureux que l’on reconnaisse notre travail, mais l’on préfère travailler dans le silence » , avoue, presque gêné, Fernando Roig Negueroles, fils du président et conseiller délégué du club au Mundo. Préférant l’ombre à la lumière, il n’empêche que le modèle de Villarreal reste un must du genre, capable de rivaliser sur les terres domestiques comme continentales.
« Je possède les actions, mais Villarreal ne m’appartient pas »
La réussite de Villarreal lors des deux dernières décennies étonne, d’autant plus qu’à l’aube du nouveau millénaire, le club végète dans les catégories anonymes du football espagnol. Fondé en 1923, il ne connaît les joies de la Primera Division qu’à partir de 1998. Une montée dans l’élite qui correspond à la reprise en main du club un an plus tôt par Fernando Roig Alfonso, entrepreneur à succès dans les domaines de la céramique et de la grande distribution. Avec ce nouveau propriétaire, Villarreal se découvre des ambitions et, après un yo-yo de deux ans entre Liga BBVA et Liga Adelante, s’installe durablement entre les inamovibles de l’élite. « Mon style de travail est de déléguer, délivre en 2006 ce señor Roig au Periodico Mediterraneo. Cela me permet de me dédier à beaucoup de choses si je m’entoure des bonnes personnes. J’ai mené le projet, j’ai eu l’idée, mais l’exécution de ce plan est le fruit de beaucoup de gens. » La stabilité de l’organigramme du sous-marin jaune offre des conditions de travail idoines pour joueurs et entraîneurs. À tel point qu’après six petites saisons en Liga, il atteint les demi-finales de la Ligue des champions.
Les investissements de Fernando Roig ne sont pas les seuls facteurs explicatifs. Loin de faire de Villarreal un club artificiel, il s’appuie sur une solide base sociale : « Le football est formé de sentiments. Je crois qu’on ne peut pas faire de business avec les sentiments. Je possède les actions, mais Villarreal n’est pas à moi. Dans le football, comme dans n’importe quelle autre institution sentimentale, le patrimoine ne renvoie pas à une personne. Je dirige Villarreal, mais Villarreal appartient aux 20 ou 25 000 abonnés. » Une vision plus que louable qui s’accompagne d’un équilibre financier et d’une connaissance accrue du marché sud-américain. Dès 2005, le club ne reçoit ainsi plus aucun euro de la poche de Fernando Roig et se permet d’attirer des joueurs de la trempe de Forlán, Riquelme ou encore Godín. Même la descente d’un échelon en 2012 ne devient pas un accident industriel, ce que confirme le fils du dueño : « La relégation nous a peut-être permis de changer de mentalité et de retrouver les pieds sur terre. Une descente n’est jamais bonne, mais nous en avons tiré le meilleur. »
Un club pour deux centres de formation
Sitôt la remontée acquise, le club s’efforce de gommer les défauts qui lui ont coûté sa place en Liga. L’accent est alors mis sur la jeunesse et la formation : déjà propriétaire d’une Cantera de luxe, le club s’apprête à inaugurer un second écrin qui profitera à tous les jeunes de la région. Si bien qu’aujourd’hui, Real Madrid, FC Barcelone, Atlético de Madrid ou Valence CF ne sont pas les clubs les plus représentés dans les sélections de jeunes de la Roja. À l’instar de la direction sevillista, les scouts du sous-marin scrutent Europe et Amérique du Sud en quête de nouvelles pépites. Fernando Roig Negueroles, toujours : « Notre travail est de former. Pour avoir de bons joueurs, nous pouvons recruter, mais il devient alors plus difficile de leur apprendre de nouveaux concepts. En les formant nous-mêmes, nous pouvons leur inculquer la même culture de jeu. » Et ça marche. Car sous la houlette de Marcelino, la jeune garde, entourée par le padre Bruno, détonne. Aujourd’hui à la lutte dans la course à la Ligue des champions, elle entrevoit même l’espoir d’un titre en Ligue Europa. Une ambition pas forcément démesurée, mais qui formerait une incroyable surprise.
Par Robin Delorme, en Espagne