- C3
- Finale
- Villarreal-Manchester United (1-1, 11-10 tab)
Villarreal enterre la Super Ligue
En allant chercher son tout premier titre européen au terme d’une séance de tirs au but dantesque (11-10), Vila-real est devenue la plus petite ville de l’histoire de la Coupe d’Europe à soulever un trophée. Et même si le match n’a pas tenu toutes ses promesses, cette victoire est avant tout celle de l’émotion. Et l’émotion, ça n’a pas de prix.
« The Eyes, Chico. They never lie. » Sur les coups de minuit au Stadion Miejski de Gdańsk, les yeux ne mentaient effectivement pas. Dans les tribunes, toutes les mirettes étaient embuées de larmes. Du côté de Manchester United, des larmes de tristesse. En face, des larmes de joie, sincères et spontanées. De quoi rattraper 120 minutes mollassonnes au terme desquelles David a ouvert le score avant de se faire logiquement rattraper par Goliath et de passer à deux doigts d’imploser, tant la marche de cette finale de C3 semblait trop haute pour le Sous-Marin jaune. Mais non, le submersible a réussi à refaire surface. D’abord en allant arracher son ticket pour la loterie des tirs au but, puis en regardant United droit dans les yeux, comme pour dire : « J’ai autant le droit de rêver que toi. »
Toutes les finales ne se valent pas et le match nul (1-1) de la fin du temps réglementaire ne devrait pas tarder à tomber dans les oubliettes de l’histoire de la Coupe d’Europe. Mais la séance de duels qui a suivi, elle, est déjà historique. Déjà, parce que c’est la plus longue de l’histoire dans une compétition continentale. Ensuite, parce que les tentatives successives ont été tellement intenses qu’elles auraient provoqué une série de meurtres de sang-froid si elles avaient eu lieu devant un service de cardiologie. Et enfin, parce que le scénario était tout simplement parfait. Il fallait que ce soit les deux gardiens qui s’affrontent et il fallait que tout se joue à la dernière seconde de la dernière minute. Et parce qu’en France, on aime le Petit Poucet plus que n’importe quel conte au monde, il fallait que ce soit un type qui, après avoir terminé son prêt à Montpellier par une manita encaissée face au Stade rennais la saison dernière, devienne le héros du peuple jaune en écartant la tentative (certes un peu foirée), d’un portier international espagnol, champion d’Angleterre et déjà vainqueur de la C3.
Prix orange
Et voilà comment une petite ville de banlieue d’à peine 50 000 habitants a fait la nique à douze milliardaires en costard qui, il ne faut pas l’oublier malgré la culture de l’instant ambiante, voulaient tout simplement privatiser le football en le transformant en joujou pour richards capricieux et avides. Dire qu’en quelques semaines seulement, le Villarreal Club de Fútbol a réussi à rappeler que ce sport est magnifique justement parce que, de temps en temps, on a une belle surprise qui vient troubler la monotonie d’une compétition toujours plus aseptisée. Et que soulever des trophées n’est pas seulement réservé à un cercle fermé. Une bourgade dont les deux spécialités sont la production d’oranges et de céramique pour carrelage a tout autant le droit de se mesurer aux gros d’Europe pour aller décrocher le Graal.
Surtout si, comme l’a fait Villarreal, c’est pour redonner ses lettres de noblesse à la Ligue Europa, une compétition dont elle ressort invaincue (exactement comme le Bayern en C1 la saison dernière) sans, comme c’était le cas de son adversaire du soir, débarquer en cours de route après avoir failli à l’étage supérieur. La C3 n’est pas une compétition au rabais et voir des clubs comme celui-ci éclater en sanglots de bonheur ne peut laisser personne indifférent. Évidemment, Villarreal n’est tout de même pas comparable à un Calais finaliste de la Coupe de France. Le Sous-Marin jaune est entraîné par l’un des meilleurs tacticiens d’Europe et soutenu financièrement depuis de nombreuses années par un magnat des supermarchés espagnols. Pas de quoi fausser la donne, juste de bosser correctement sur le long terme jusqu’à récolter les fruits de son travail, à l’ancienne. On avait presque oublié que c’était encore possible. Villarreal nous a ouvert les yeux. Et pour cela, gracias.
Par Julien Duez