- C1
- Quarts
- Juventus-Ajax (1-2)
Vieille Dame, vieilles méthodes
Favorite d'une confrontation retour où elle avait de bonnes chances de se qualifier, la Vieille Dame s'est effondrée au terme d'une partie outrageusement dominée par un Ajax étincelant en seconde mi-temps. Une défaite qui vient aussi sanctionner le manque flagrant de créativité offensive d'une équipe au style décidément trop minimaliste. Et qui vient sûrement marquer le début de la fin de l'ère de Massimiliano Allegri à la Juventus sur une note amère.
Pour se rassurer, Massimiliano Allegri gardait sans doute ce pourcentage, 28, dans un petit coin de sa tête. 28%, comme la part des équipes, comme l’Ajax, qui se sont qualifiées après avoir fait match nul à domicile en C1, depuis 1970. Ce qui mettait théoriquement les Hollandais dans une position délicate dans l’optique du match retour. À Amsterdam, la Juve, bien que nettement dominée, avait fait le boulot cyniquement pour mettre l’Ajax échec et mat (1-1) et comptait essuyer proprement l’assiette à l’Allianz Stadium. Des ambitions illusoires. Complètement hors sujet en seconde période, lessivée physiquement et surtout stérile offensivement, la Vieille Dame n’avait finalement pas grand-chose dans le moteur ce mardi soir. Pour les Bianconeri comme pour Max Allegri, le constat est cruel, mais limpide : le football proposé par cette Juventus-là n’était tout simplement pas à la hauteur de ses objectifs continentaux.
Gros bide européen
L’échec est monumental pour les Juventini, qui ont fait péter leur compte en banque l’été dernier pour se payer les services de Cristiano Ronaldo. Le Portugais, pourtant, aura été globalement irréprochable cette année en phase finale de C1, réalisant un match qui a titillé la perfection face à l’Atlético en huitièmes de finale retour, puis en plantant lors des deux confrontations face à l’Ajax. Ce soir, la Juve tombe pourtant face à un club dont le budget tourne autour de 80 millions d’euros, soit plus de 4 fois moins que celui des Piémontais. De fait, la défaite des Bianconeri semble avant tout tactique, voire idéologique : on opposait la virtuosité technique, l’allant offensif des Ajacides, à la solidité défensive et au pragmatisme froid des Juventini, et c’est bien un style, autrement plus audacieux et entreprenant, qui triomphe à l’occasion de cette double confrontation. À l’exception d’une première demi-heure correcte, la Juve aura proposé une prestation technique qui a parfois frôlé l’inexistant.
Privé de Mandzukic, Douglas Costa, Chiellini et Cuadrado, Allegri devait bricoler un onze de départ de circonstance, avec Dybala installé dans un rôle de faux neuf, qui ne mettait pas l’Argentin dans des conditions optimales. Ronaldo ne tardait pas à dézoner son côté pour l’axe, ce qui obligeait souvent Matuidi à occuper une position de milieu excentré gauche, où son apport offensif fut minimal. De l’autre côté, Bernadeschi, par ailleurs auteur d’une faute de placement grossière qui permettait à Van de Beek d’égaliser, n’était pas beaucoup plus à son avantage. Surtout, la qualité de jeu de la Juventus a plongé en même temps que Miralem Pjanić, sa seule vraie caution technique dans l’entrejeu, en panne d’idée comme de ballons en seconde période.
L’absence de Giorgio Chiellini, déjà blessé lors de la rencontre aller, se faisait alors d’autant plus ressentir. Sur le plan défensif bien sûr, mais aussi dans la phase de construction, alors que les deux défenseurs centraux alignés par la Juve, Bonucci comme Rugani, sont tous les deux droitiers. En face, l’Ajax déroulait pour sa part le football qu’on lui connaît, sans peur ni complexe, et prenait logiquement l’avantage par De Ligt. Et puis ? Plus grand-chose. La Juve n’avait presque plus rien dans le ciboulot, pas davantage de jus non plus, elle qui avait pourtant fait reposer la quasi-intégralité de ses titulaires le week-end dernier en championnat, face à la SPAL. Comme si la Vieille Dame était victime de ce style, calculateur, parfois attentiste, qui est aussi celui que revendique Max Allegri.
Max Allaigri
Car l’échec de cette Juventus est aussi le sien. Parfois critiqué pour son manque d’ambitions offensives et le jeu trop minimaliste produit par les siens, Allegri n’aura finalement pas réussi à produire l’étincelle collective nécessaire aux Juventini pour retoucher du doigt un sacre européen qu’elle attend depuis 1996. Ce mardi, la Juve s’est d’ailleurs trop souvent contentée de dédoubler sur les ailes, pour essayer de trouver la caboche de Cristiano Ronaldo. Voilà qui est bien trop simpliste et stéréotypé, pour une formation qui veut remonter sur le toit de l’Europe. La marque d’une équipe au style probablement trop prudent et immobiliste, qui rappelle un certain football labellisé années 1990, que Max Allegri pensait remettre au goût du jour. Mais ce soir-là, à Turin, le jeu de la Juventus avait quelque chose de démodé. Et la Vieille Dame n’a peut-être jamais aussi cruellement bien porté son surnom.
Par Adrien Candau