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Vie et mort de la marque Airness

Par Gino Delmas et Guillaume Medina
Vie et mort de la marque Airness

Airness, c’est l’histoire d’une success-story des années 2000. Dont le protagoniste est un jeune Malien ayant émigré en France, en Seine-Saint-Denis. Qui commence avec cinq sweats dans un sac plastique pour finir par monter un équipementier qui fournira jusqu’à dix clubs pros avec des ambassadeurs comme Djibril Cissé ou Didier Drogba. Retour sur un ovni du marketing sportif français.

Article paru initialement dans le numéro 133 de SO FOOT.

Une panthère noire lorgne sur un ballon en grognant. Sylvain Wiltord se campe face à elle. Ils se toisent, et se jettent sur la balle. L’attaquant français l’atteint en premier et humilie son adversaire à coups de sombreros et de passements de jambes. La 3D est douteuse, mais le message de cette pub télé est on ne peut plus clair : en 2006, le boss de l’attaque lyonnaise, le sauveur de l’équipe de France en finale de l’Euro 2000 n’est habillé ni par Adidas ni par Nike, mais par un félin né en France quelques années auparavant, Airness. Cette année-là, la panthère trône fièrement sur le maillot de Rennes, Nantes, Lille ou Valenciennes en L1, mais aussi Fulham en Premier League, Boavista en Liga Sagres, Genk en Pro League belge, Nancy en Pro A de basket, ou encore Bourgoin-Jallieu en Top 14 de rugby. Un peu plus au sud, Airness équipe les sélections du Mali, du Gabon, du Congo, du Cap-Vert, du Burkina Faso et de la République démocratique du Congo (RDC). Dans le cas de la RDC, le partenariat se noue sur un coup de téléphone, un jour de juillet 2004. Celui de Claude Le Roy à Malamine Koné, créateur d’Airness, alors que la sélection, entraînée par le Français depuis quelques mois, débarque à Paris pour un match amical. Sauf que la Fédération n’a pas prévu que les conditions climatiques sont alors loin d’être estivales en France. « À ce moment-là, la sélection était un peu au bord du gouffre et on arrive à Paris sans blousons, se souvient Claude Le Roy.Donc j’appelle Malamine, dont j’ai eu le numéro par mon capitaine Shabani Nonda, et je lui demande s’il ne peut pas nous filer un coup de main. Je me souviens encore de les voir arriver à Roissy dans deux voitures aux coffres bourrés de doudounes. » « Rien que de repenser à cette histoire, j’ai la chair de poule » , souffle Koné. Le Roy le convainc alors d’équiper la RDC sur le terrain. « Je lui ai dit qu’on allait se qualifier pour la CAN, alors que ce n’était pas évident. Il m’a fait confiance, c’était assez génial de sa part. D’ailleurs, on s’est qualifiés et on a été jusqu’en quarts à la surprise générale. » L’anecdote résume à elle seule le parcours d’Airness dans le monde du football. Une histoire truffée de coups de pouce, de coups de cœur et de coups d’éclat, avec pour personnage principal Malamine Koné. Un « self-made-man berger boxeur malien à l’esprit créatif et à la capacité de travail énorme » , comme le résume Claude Le Roy.

JO d’Atlanta et Deug de droit

« Airness, c’est Malamine, et Malamine, c’est Airness. » La phrase revient régulièrement dans la bouche de ceux qui ont croisé la route de la panthère. D’ailleurs, avant de devenir le logo de sa marque, la panthère était le surnom de Malamine Koné, glané sur les rings de boxe dans les années 1990. Le boss reçoit dans ses bureaux avenue Marceau, à deux pas de la Seine. Confortablement installé dans un fauteuil noir et blanc, des photos de joueurs habillés en Airness plein les murs, il raconte dans un sourire : « Je suis arrivé du Mali à 10 ans, en 1981, et la vérité, c’est que j’ai commencé par le foot. Mais j’étais trop dynamique, je prenais tout le temps des cartons… Un jour, un entraîneur dit à mon père :« Votre fils, on n’en veut plus, même si vous payez le double de la licence, mettez-le au karaté ou à la boxe, il n’est pas fait pour le foot. » Mon père était boxeur, alors il ne s’est pas fait prier. Ça m’a passionné, j’ai fait une carrière amateur, où j’arrive quand même deux fois au niveau national. » En 1995, un an avant Atlanta, le jeune Malien entrevoit même l’opportunité de se qualifier pour les Jeux olympiques. Jusqu’à ce qu’un grave accident de la route, pas loin de chez lui, à Saint-Denis, vienne contrecarrer ses plans de carrière.« Le genou gauche a pris, rupture du tendu rotulien, j’ai été opéré deux fois dans deux cliniques différentes, mais par des mecs mauvais visiblement, puisqu’ils m’ont flingué le genou. Après ça, les médecins ont évoqué l’amputation, et je n’ai pas pu marcher pendant presque cinq ans. Plus de sport pour moi » , soupire Koné. Sauf que le véritable agenda, en dehors de la boxe, était d’enchaîner après son DEUG de droit, pour devenir inspecteur de police. « Quand on m’a dit que ça devenait impossible, j’étais au fond. »

Sur son lit d’hôpital, le désormais ex-boxeur prend le succès de France 1998 en pleine face. Alors que le pays célèbre sa sélection « black-blanc-beur » , il sent que les mentalités s’ouvrent sur la diversité, et suit de près l’éclosion de marques comme M. Dia, Bullrot ou Com8, dans le sillage du rap. L’idée d’une marque de fringues de sport fait tranquillement son chemin. Son entourage est pour le moins frileux, mais « Malamine a toujours eu un tempérament très accrocheur » , vante Franck Kalfon, un de ses partenaires en affaires. Une qualité obligatoire tant, à l’époque, les obstacles sont nombreux. Avec ses sept frères, ses deux sœurs, un père mécanicien, une mère femme au foyer, une adresse dans le 9-3, Koné ne campe pas vraiment le candidat idéal aux prêts bancaires. Histoire de contourner l’investissement initial, il se met en tête de convaincre d’autres de fabriquer ses produits. Il harcèle les fabricants du coin et finit par tomber sur un jeune qui accepte de lui confectionner ses quelques prototypes. Ses sweats sous le bras, son bagout en bandoulière, il part à la chasse aux acheteurs.

« Qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ? »

« J’étais mort de faim, je démarchais par téléphone les Sport 2000, les Intersport, et je leur disais que je lançais en France une nouvelle marque de sport qui cartonnait aux États-Unis, qu’ils avaient été choisis pour une distribution sélective. » Appâtés par le bobard, les responsables l’envoient tous balader quand ils voient débarquer ce presque trentenaire sapé en Nike et Adidas avec ses sweats dans un sac en plastique. Mais Koné a bien l’intention de provoquer la chance. Alors quand Lionel, qui dirige le Sport 2000 d’Aulnay-sous-Bois le convoque une dizaine de fois sans le recevoir, il revient, inlassablement. « Un jour, il me fait entrer : « Qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ? » Il y avait cinq sweat-shirts avec la grosse panthère, et il me demande : « Tu veux que je te les paies ? » Je lui réponds : « Non, je veux que vous mettiez un modèle en vitrine. » Il l’a fait, puis m’a dit :« Une semaine et on en reparle. » Je me souviendrai toujours, je n’arrivais plus à respirer, j’ai même pris une photo de la devanture avec mon meilleur pote Hamidou. » Quelques heures plus tard, tous les sweats sont vendus, et Lionel passe officiellement la première commande de l’histoire d’Airness. « Les gamins s’en foutaient de la marque, ils avaient juste aimé le style » , se marre encore Koné, fier de son coup.

Franck Kalfon côtoie en fait le loustic depuis plus de quinze ans, d’abord en tant que revendeur de ses produits, puis en tant que fabricant et distributeur de toute la partie textile : « Il était persuadé de la force de sa panthère, et on sentait qu’il avait une vision assez lointaine. » L’envie de réussir et d’installer sa marque pousse le jeune entrepreneur à essayer de se rapprocher du sport roi, le foot. Son sésame ? Un pote de sport-études, entre-temps devenu pro du côté de l’AJ Auxerre. Quand l’ado Malamine s’épuisait à rouer de coups les sacs de frappe du gymnase René-Rousseau, son pote Steve Marlet nettoyait les lucarnes du centre de formation du Red Star, et les deux compères se retrouvaient le matin pour roupiller sur les bancs des salles de classe du collège de Geyter. Ni une ni deux, Malamine part pour l’Yonne, le sac à dos rempli de fringues.

Ogbeche, Benachour et… Kaba Diawara

La première accolade lève le doute, Steve ne l’a pas oublié. Après lui avoir exposé ses nouvelles velléités entrepreneuriales, il convainc son ancien camarade de porter sa panthère en dehors des terrains, et surtout de l’aider à trouver d’autres ambassadeurs sur le pré. Marlet lui présente Olivier Kapo. Mais Koné fonctionne à l’instinct, et alors qu’il observe l’entraînement de l’AJ Auxerre, c’est un autre joueur qui lui tape dans l’œil : « Il a les cheveux jaunes, il va plus vite que les autres, et il gueule sur tout le monde, c’est Djib… » Il tient sa panthère. Un inconnu de 18 ans, couvé par Guy Roux, à peine quelques minutes de Ligue 1 dans les pattes en cette saison 1999-2000. Même le principal intéressé ne comprend pas la démarche, et conseille à Koné de miser sur ses coéquipiers plus aguerris. Mais ce dernier fait confiance à son flair. Djibril Cissé sera la première égérie d’Airness. La pépite que Malamine Koné cherche pour se faire un nom dans le foot. D’ailleurs, quand on regarde dans le rétro d’Airness, Koné tape rarement à côté. En passionné, il sillonne la France en voiture pour assister aux entraînements de clubs pros. Un vrai boulot de recruteur, pour qui, en plus du talent, le caractère compte double. Jeunesse, fougue et détermination : Koné cherche à incarner les valeurs qu’il chérit en s’appuyant sur des cadors en devenir. C’est ainsi qu’il repère, alors qu’il joue encore au Mans, en D2, Didier Drogba. Koné fait le pari de la proximité, tissant des liens forts avec ses poulains. Laurent Robert, parmi les premiers à s’associer à la marque quand il évolue pour le PSG, se remémore : « Son discours et son franc-parler m’ont plu, je pense que ça a fonctionné à la confiance avec beaucoup de joueurs. Il a créé une bande de potes qui l’ont soutenu ensuite. »

Malamine se demandait tout le temps : « Qu’est-ce que ça nous apporte ? » Dès qu’il ne trouvait plus la réponse, il arrêtait.

Si ses caisses ne permettent pas d’attribuer à son écurie des contrats mirobolants, Koné découvre en épluchant les contrats de sponsoring une faille béante du système pro : si les joueurs sont habillés pour les matchs et les entraînements par l’équipementier du club, les mieux lotis ayant en plus un contrat personnel pour les chaussures, en revanche, rien n’est prévu pour l’extrasportif, à savoir ce que le joueur porte après le match et dans sa vie de tous les jours. Le Malien arpente dès lors les parkings des centres d’entraînement armé de ses fringues et d’un contrat clés en main, environ « 8 000 euros par mois » . Chamakh, Nonda, Ogbeche, Van Buyten, Édouard Cissé, Bernard Mendy, Frank Lebœuf et Selim Benachour, entre autres, signent avec Malamine. Kaba Diawara aussi : « Je me souviens, il jouait au PSG. Chaque fois qu’il marquait, il levait son maillot pour montrer à tout le monde qu’il était avec Airness. Il a joué le jeu. » Cette liste, longue comme le CV du Guinéen, fait rapidement tiquer les grands pontes de l’équipement sportif, qui n’apprécient que modérément l’astuce et incluent petit à petit l’extrasportif dans leurs contrats. « Les gars m’ont tous remercié de leur avoir permis d’ajouter un 0 à leurs émoluments » , se targue Koné.

« Le plus beau maillot du championnat »

On est en 2002. Airness a frappé un grand coup, mais le plan initial de Malamine a du plomb dans l’aile. Heureusement, l’entrepreneur malien a eu la bonne idée de ne pas placer tous ses œufs dans le même panier. Cette année-là, à côté du foot, il a déjà un partenariat de longue date avec les frères Acariès, parmi les promoteurs français de boxe les plus en vue au début des années 2000. Et bientôt, il se maque avec Hamelin, le leader des licences papeterie et bagagerie en France, vient toquer à sa porte à la rentrée 2003 pour lui proposer des agendas et des cartables griffés Airness. Un carton immédiat. « Dès la première année, les ventes ont atteint un niveau que nous n’avions jamais vu et qu’on n’a jamais vu depuis. On parle de croissance à deux chiffres pendant quatre-cinq ans » , atteste Christophe Girard, directeur marketing chez Hamelin depuis 2000, en charge de ce partenariat. Grâce à ces succès et aux recettes qu’ils engendrent, Koné gagne en indépendance et en marge de manœuvre. Après avoir essayé de s’inviter en D1 par la petite porte, il fourbit donc ses armes pour y revenir par la grande, sur les maillots. Et Malamine y va encore de son coup de poker. Le petit patron approche le très grand patron François Pinault et finit par rencontrer, en 2004, le président du Stade rennais, Emmanuel Cueff. Il lui propose de récupérer le contrat d’équipementier : « Demain, quand vous allez signer avec les autres marques, ils piocheront dans leur catalogue, et changeront éventuellement les couleurs. Moi, je vous propose du sur-mesure, parce que le maillot d’une équipe doit avoir une identité, raconter une histoire. Ce maillot, on va le faire à quatre, la direction du club, le président des supporters, le gérant de la boutique du club et moi. On peut mettre en place le plus beau maillot du championnat. » Pierre Dréossi, manager de l’équipe pro à l’époque, se souvient : « À partir du moment où Malamine nous propose des produits à la carte et où on sent son extraordinaire envie, on décide de tenter l’aventure. » Reste un léger hic : Airness n’a jamais fabriqué d’équipements sportifs à proprement parler. Comme d’habitude, une solution est rapidement trouvée : un accord avec Uhlsport, qui fabrique les produits « performance » pour le compte de la panthère. Leur nouvelle liquette sur le dos, l’équipe bretonne entraînée par László Bölöni crée la surprise en cette saison 2004-2005 et termine aux portes de la Ligue des champions. La boutique enregistre des ventes record : les maillots floqués Frei, Monterrubio et Källström s’arrachent comme des galettes-saucisses un jour de derby. Les retombées pour Airness sont quasi immédiates : les dirigeants de clubs français et étrangers se bousculent pour rencontrer Koné, et pas moins de sept clubs de Ligue 1 décident de confier leurs tuniques à la nouvelle coqueluche du foot français.

Chaussure rigide et occasion ratée

Sponsor officiel le plus représenté en L1, la panthère est partout. Évidemment, tout n’est pas parfait, les premiers bémols commencent à poindre côté terrain. Si Cédric Barbosa, joueur du Stade rennais de 2003 à 2006, a apprécié porter un maillot aux détails originaux et de bonne facture générale, faire des transversales avec les ballons Airness ne restera pas son meilleur souvenir. « Il n’y avait pas encore de ballon unique pour le championnat à cette époque, on s’entraînait et on jouait à domicile avec le ballon Airness et honnêtement, les sensations n’étaient pas top… » Le virage de la confection d’une chaussure a lui aussi été délicat, comme en témoigne Laurent Robert, alors joueur de Newcastle, et cobaye d’un soir d’hiver 2004 lors d’une rencontre de Coupe de l’UEFA contre Sochaux. « La chaussure que je portais ce soir-là était bien dessinée, mais elle manquait de souplesse, il y avait pas mal de trucs à revoir. » Mais la bonne étoile de Malamine Koné n’est jamais bien loin. « C’était le lancement de la godasse, et ça m’a souri puisque j’ai marqué ce soir-là ! » , sourit le gaucher virevoltant. Côté maillot, alors que les éloges pleuvent sur l’originalité des pièces, les professionnels mesurent leurs propos quand la question du « service » d’Airness arrive sur le tapis. « Ils étaient bons dans la création, mais la qualité générale d’un équipementier englobe aussi la qualité des produits, et surtout un système logistique assez lourd, et sur ce point particulièrement, ils avaient quelques lacunes, comme toute entreprise qui débute » , analyse Pierre Dréossi. Quand on compare les promesses que Malamine a posées sur la table des négociations et la taille de la structure à cette époque, il n’est pas surprenant que les délais de livraison soient rarement tenus.

La première fois qu’une boutique a mis un de mes modèles en vitrine, je n’arrivais plus à respirer, j’ai même pris une photo de la devanture avec mon pote Hamidou.

Les effectifs de la marque ont toujours été minuscules. Ils oscillent entre dix et quinze âmes à peine depuis que la panthère s’est fait connaître du grand public en 2004. Aux organigrammes à rallonge de ses concurrents, l’autodidacte, bourreau de travail, préfère une équipe resserrée, soudée, organisée autour de lui et de sa garde rapprochée. Il y a Hamidou, le pote d’enfance devenu fidèle bras droit, et une assistante couteau suisse, prénommée Armelle durant les grandes années foot d’Airness. « Si la marque n’a jamais su s’exporter, c’est en partie à cause de cette difficulté à lâcher un peu de lest, ça nécessitait de recruter des profils plus expérimentés, regrette un ancien employé. (…)La marque a un peu raté une occasion avec Fulham notamment, parce que c’est finalement un succès franco-français, alors que ça aurait pu prendre une autre ampleur au niveau européen. » Quant à la qualité des équipements, elle est soumise à variation à la suite du divorce prématuré avec Uhlsport. Le choc des cultures entre l’hyperactif Koné et la très sage marque allemande est flagrant. Du côté d’Uhlsport, on confie que « les méthodes étaient trop éloignées entre le monde de la mode dont était issu Airness et les nôtres, plus protocolaires » . Dès la fin de la saison 2004-2005, Airness se tourne donc vers son licencié textile, Franck Kalfon, pour devenir le fabricant des produits destinés… au monde pro. L’apprentissage se fera comme d’habitude donc, en flux tendu, pour des qualités finalement, aux dires des acteurs interrogés, dans la norme des équipementiers de milieu de gamme.

Au clash avec Kita

De son côté, Airness ne s’y retrouve pas forcément non plus. Si, entre 2005 et 2008, sa visibilité à tous crins alimente le développement du business des licences (papeterie, bagagerie, chaussures), les retombées en matière d’image sont assez inégales. Chaque contrat d’équipementier signifie plusieurs centaines de milliers d’euros par an versés par Airness au club. Quand ce dernier fait une saison pourrie, l’image de l’équipementier n’en sort pas forcément grandie. Un ancien employé présent à cette époque charnière raconte que « Malamine se demandait tout le temps : « Qu’est-ce que ça nous apporte ? » Dès qu’il ne trouvait plus la réponse, il arrêtait. » « Chaque fois qu’on a signé avec une équipe, l’exigence s’est élevée,pose Koné. Certains avaient peut-être l’impression qu’on avait plus besoin d’eux qu’eux de nous. Les volumes de ventes restaient faibles, voire inexistants.(…)Sans retour sur investissement, ça devient difficile. Une multinationale présente dans tous les sports et dans tous les pays peut compenser, nous non. » Presque aussi vite qu’il avait décroché tous ces contrats, Koné va en perdre quelques-uns, se délester d’autres, et réduire considérablement la voilure à partir de 2008. Rennes, Boavista et Fulham sont les premiers clubs à figurer sur la liste des ex, puis Lille ou encore Genk leur emboîtent le pas. Nantes aussi, mais pour le coup, c’est pour une tout autre raison, prénommée Waldemar et nommée Kita. Qui reprend les rênes du club en août 2007 et souhaite rajouter une hermine au maillot déjà prêt. « Je dis : « Ok, je relance une production, mais vous allez devoir la payer. » Il a refusé, donc j’ai bloqué le dossier » , raconte Koné. Rendez-vous est pris dans les bureaux d’Airness. « Kita était venu avec son fils et il a commencé à monter sur ses grands chevaux, à dire que le maillot ne lui plaisait pas, que les produits étaient défectueux, un grand classique quand tu veux changer d’équipementier » , continue le boss d’Airness. Un ancien employé présent ce jour-là se souvient : « Malamine est resté calme, mais les a fermement congédiés en mettant fin au contrat, Kita est reparti furieux. »

Les contrats de sponsoring se terminent un à un. Si bien qu’aujourd’hui, si le chiffre d’affaires d’Airness se compte toujours en millions, la marque n’habille plus que quelques sélections africaines – « presque du mécénat » , confie son patron – et l’AJ Auxerre. Le club bourguignon a toujours occupé une place à part dans le cœur de Koné. C’est là que l’histoire a commencé dans le foot en 2000. C’est toujours là-bas qu’elle s’écrit en sourdine depuis. Sur et en dehors des terrains, puisque Koné et Guy Roux partent parfois en vacances ensemble. La première rencontre avec l’homme au bonnet est pourtant houleuse, le coach prend Koné pour un empêcheur de s’entraîner en rond. Il dépoussière les souvenirs : « Je l’ai d’abord engueulé parce qu’il voulait utiliser le temps de Djibril, et pour moi, tout leur temps devait être tourné vers l’entraînement et le repos. Il m’a répondu d’une telle manière qu’on voyait que ce n’était pas un farfelu. » Cinq ans plus tard, il fait même de l’homme au bonnet une égérie, lors d’un shooting photo commun avec Sylvain Wiltord et une panthère noire. Peut-être bien le début de la fin pour une marque ciblant une clientèle jeune et urbaine, entre 12 et 25 ans. Même si, il faut bien le dire, l’entraîneur auxerrois porte le jogging avec une certaine aisance…

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