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  • Journée mondiale de la radio

Video killed (not) the radio star

Par Matthieu Rostac
Video killed (not) the radio star

On fête aujourd'hui la journée mondiale de la radio. Un média qui rime en France avec Eugène Saccomano et Luc Varenne. Avec anachronisme aussi. C'est indéniable : même à l'époque de beIN et de GoalsArena, les ondes ont toujours des arguments à faire valoir.

En janvier 1927, la BBC retransmettait pour la toute première fois un match de football par ondes radiophoniques entre Arsenal et Sheffield United. 1927, c’est aussi l’année où ce sale troll d’Ernest Chamond annonça que le football serait le plus grand spectacle à la télévision, expérience qui se produira pour la première fois dix ans plus tard, toujours avec la BBC, toujours avec Arsenal. Voilà pour les annales. L’histoire du football à la radio, c’est un peu celle du grand frère qui se bat avec ses propres moyens pour parvenir à de grandes choses, mais à qui l’on colle toujours dans les pattes ce petit frère qui a toujours eu beaucoup plus de facilités. C’est aussi l’histoire d’un grand frère qui a dû se conformer, à un certain moment, au succès public de son petit frère. En quelque sorte, le football à la radio, c’est le Erwin de Ronald Koeman. À l’heure où le sport roi et son tout-à-l’écran commencent à ressembler méchamment à un épisode de la saison 0 de Black Mirror, comment fait-il pour s’en sortir tout en cultivant sa différence ?

« Il y a cette émotion, cette folie à la radio que l’on ne retrouve pas à la télé. »

D’abord, en continuant à faire ce qu’il sait faire de mieux : émouvoir les gens. Jacques Vendroux, figure historique de la radio publique française et actuel directeur des sports de Radio France, fêtera ses 67 ans le mois prochain, dont 49 de radio. Forcément, quand il parle du média de sa vie, il est avant tout question d’amour : « Pour commenter un match, il faut se faire aimer des gens. Il faut créer du suspense, de la joie. Il faut qu’ils restent avec nous, qu’on leur dise qu’on les aime et qu’on travaille pour eux. Il faut qu’il y ait une connivence qui se produise. » En somme, la radio doit trouver les mots, ceux-là même dont la télévision peut parfois se passer pour laisser le jeu livrer son cours. Les mots ou le rythme, d’ailleurs. Avi Assouly en sait quelque chose, lui qui s’est attiré les sympathies du Phocéen pour ses sautes de texte et sa diction roller coaster pendant ses dix-neuf ans à France Bleu Provence. « À la radio, quand il y a but, le commentateur reste dessus et ça continue, ça continue… 30, 40, 50 secondes peut-être. Donc il y a cette émotion, cette folie à la radio que l’on ne retrouve pas à la télé parce qu’on est obligé de garder son sang-froid, explique l’homme de 64 ans, désormais député de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône. Certains auditeurs me disaient qu’ils mettaient la télé, baissaient le son et m’écoutaient à la radio parce que j’avais un style. »

Le succès RMC

Le style, RMC a créé le sien pour se faire une place dans le paysage radiophonique français, entre le cercle d’initiés et le café du commerce. Si d’aucuns critiquent ce populisme du ballon rond par les ondes, le fait est que coach Courbis et capitaine Larqué ont encore de beaux jours devant eux. « Ils ont créé des débats. Mais ils n’ont rien inventé : en Italie, les débats autour du foot, ça a toujours existé. Sauf qu’en France, avant eux, ça ne se faisait pas, analyse Alain Bauderon et ses vingt ans à encadrer les Girondins de Bordeaux pour Wit FM, puis pour Gold FM. Surtout, ils ont pris des gens connus. S’ils font ça uniquement avec leurs journalistes, je ne suis pas sûr que ça marche autant. Ils ont créé des shows autour de personnalités : Moscato, Larqué, Courbis. Ils font ce que les supporters attendent. Ils refont le match comme quand tu es devant la machine à café avec les pour, les contre, les Riolo, les Courbis. On se rentre dedans, on n’est pas d’accord avec chacun sa part de mauvaise foi. C’est un jeu. C’est comme ça que ça marche. » Théorie à laquelle adhère Avi Assouly, tout en ajoutant que la radio « Info, Talk, Sport » possède « une force : l’auditeur peut avoir la réponse à ses questions. Il appelle, il est derrière et voilà qu’il se dit : « Mince, j’ai posé une question, et mon joueur préféré est en train d’y répondre ! » C’est participatif. Le supporter se sent acteur, proche du joueur. Et puis parler à Fernandez ou Courbis en direct, ça doit leur faire plaisir. »

Jacques Vendroux, lui, considère le football comme « une porte de sortie pour les gens : certains vont le voir au stade, d’autres l’écoutent à la radio ou le regardent à la télévision. Le match en direct est indispensable, donc vous le commentez très sérieusement, mais il faut être le plus complet possible et en même temps un peu espiègle parce que ça n’est que du football. Donc on fait des débats avant et après. Chose que l’on ne faisait pas auparavant. Il faut des invités qui expliquent, puis qui l’analysent. Avant, on prenait l’antenne et on la rendait. Maintenant, c’est un show » , détaille celui qui invite fréquemment des pointures tels que Claude Puel, Claude Le Roy ou encore Dominique Bathenay dans le Multiplex de France Info et qui s’enorgueillit de talonner RMC dans les audiences.

« La radio rythme nos vies »

Si le football existe avant et après le match, c’est aussi parce que la télévision a amené une reconstruction de la temporalité du football. Ou plutôt, une déconstruction. Où l’offre et la demande ne sont jamais loin. Pour voir plus de foot, il faut en mettre plus à disposition. Donc on éparpille le sport sur plusieurs jours plutôt que sur une après-midi, encore plus si les diffuseurs sont prêts à payer des sommes astronomiques pour le diffuser. Entre, il y avant et l’après-football. Le commentaire. Non plus situationnel, mais analytique ou spéculatif. Un « saucissonage du football » selon Bauderon, renforcé par l’arrivée des highlights de matchs disponibles un peu partout sur Internet – dont les durées varient entre une et quinze minutes – et qui prouvent qu’il n’est plus forcément nécessaire de regarder un match pour ne plus en manquer les moments importants. En réalité, la télévision a conditionné le football à sa plus pure essence de divertissement, lorsque la radio maintient que l’intérêt de ce dernier se situe bien sur le long cours, avant, après mais surtout pendant le match. « On constate, que ce soit par Internet ou à la radio directement, qu’il y a des pics d’audience les soirs de matchs. Donc les gens continuent de suivre les matchs par ce biais-là, ils n’ont pas les yeux rivés sur la télé obligatoirement » d’après Bauderon.

Encore une fois, à côté des machines de guerre que peuvent être les chaînes de sport 24h/24 comme beIN ou Sky Sports, la radio joue la carte de la proximité. Parce que « la radio fait partie des choses de la vie » dixit Jacques Vendroux. « Dans votre bagnole, vous écoutez la radio, quand vous vous levez, c’est avec la radio, vous montez dans un taxi, le mec écoute la radio. La radio rythme nos vies. La radio est indispensable aux Français. » Pour maintenir ce rapport si particulier avec le public, Alain Bauderon évoque l’interactivité. Avec ses moyens et à son niveau. « On utilise Facebook, on crée des chats en même temps que l’on commente des matchs. Ceux qui suivaient les matchs sur Gold FM ont ensuite créé une page Facebook qui s’appelle maintenant Groupe des tchateurs de Gold FM, et à chaque match, ils discutent entre eux du match. Des fois, ils interagissent par rapport à ce qui se dit. Si un joueur a marqué un but, mais qu’on ne se rappelle pas exactement quand était la dernière fois qu’il avait marqué, un internaute le mentionne. Et moi, je le rappelle en direct » raconte-t-il.

Chauvinisme et militaires en Afghanistan

Mais qui est cet auditeur qui continue à écouter la radio ? « C’est celui qui a peur de sa femme et qui vient nous écouter tous les quarts d’heure parce qu’il ne peut pas regarder les matchs » s’amuse Jacques Vendroux, qui reprend de plus belle : « Ce sont les routiers. Et puis ceux qui écoutent tranquillement chez eux parce qu’ils n’aiment pas les commentateurs de la télévision. Mais définir l’auditeur lambda, ça reste très aléatoire. » Vrai, puisque Alain Bauderon avance un autre cœur de cible, même si, il est vrai, Gold FM s’adresse à beaucoup moins d’auditeurs, car tournée vers un club en particulier. C’est d’ailleurs là son argument principal, sa « niche » . « Grâce à des outils Internet, on peut savoir d’où viennent les auditeurs, et beaucoup viennent de l’étranger. On en a en Allemagne, en Chine, au Québec… Des fois, on a des militaires en Afghanistan qui écoutent le match !, explique le journaliste bordelais. Quelque part, dans notre commentaire, on est plus tournés vers le club que lorsqu’on écoute un média parisien. Si le match est mauvais, on va le dire, on ne trompe pas sur la marchandise. Mais peut-être que le supporter bordelais sentira moins ce côté « bordelais » de la part d’un journaliste neutre. »

Et lorsque l’on ne peut pas jouer la carte « locale » , on quadrille tout l’Hexagone, comme s’en félicite Jacques Vendroux : « On retransmet tous les matchs en direct et France Info a cette attitude extraordinaire d’avoir la place de pouvoir retransmettre tous les matchs de Ligue 1 et de Ligue 2. » France Info propose et l’auditeur dispose. Gratuitement, évidemment. Puisque la radio ne paye pas de droits de diffusion des matchs, l’accès à son contenu est par conséquent gratuit. Mais audible « seulement » . Alors quel est le mieux ? Voir ou écouter ? Payer ou profiter d’un service désintéressé ? Une chose est sûre : la radio n’a jamais vu la télévision comme un concurrent véritable. D’une part, parce que Bauderon « ne se pose même pas la question de lutter contre la télé » . Ensuite, parce que malgré toutes les tentatives de monopole de la télévision sur le sport roi, les Canal+, les beIN, Vendroux n’a « jamais eu le sentiment que les gens abandonnaient la radio » . Et ça, Ernest Chamond ne l’avait pas prédit en 1927.

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