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Victor Lobry : « Là où j’habite, je suis entouré de moutons »
Meneur de jeu du Pau FC, Victor Lobry compte bien participer à un maintien plus tranquille que celui de la saison passée. À 26 ans, celui qui n’a pas été conservé par le centre de formation du Stade de Reims entame sa deuxième saison en Ligue 2 et rêve de Ligue 1 ainsi que d’un monde meilleur.
On t’a déjà dit que tu ressemblais à David Guetta ?En fin de saison dernière, quand on avait joué contre Toulouse, je crois que le commentateur de beIN l’avait balancé à l’antenne… Il faudrait que je me coupe les cheveux parce que je crois qu’en ce moment, David Guetta a les cheveux courts (Rires).
Tu entames ta deuxième saison à Pau en Ligue 2. Après un parcours qui t’a vu passer par le centre de formation de Reims, avant de bourlinguer un peu à droite et à gauche pour arriver ici. À 26 ans, c’est une revanche pour toi ?Une petite revanche parce que je fais une saison pleine. Mais ma revanche sera vraiment prise lorsque je foulerai les pelouses de Ligue 1, si j’y parviens. Cela montrera aux gens qui n’ont pas cru en moi que par mes propres moyens, j’y suis arrivé. Jouer en Ligue 2, c’est déjà une petite fierté quand même et aussi un beau message d’espoir pour les jeunes qui ne sont pas gardés dans les centres de formation. Ce n’est pas parce que tu retournes en amateur que c’est fini.
Tu as pensé à un moment donné devoir faire une croix sur ce rêve de devenir pro ?Pas trop. C’est vrai que certains prennent un gros coup sur la tête lorsqu’ils ne sont pas gardés à la sortie du centre. Moi, au contraire, ça m’a mis un coup de boost. Être le coéquipier parfait, c’est très bien mais ça ne suffit pas pour accéder au monde professionnel. Je pense que j’ai gagné en caractère, et cela m’a aidé à signer ce premier contrat à Pau. Après, vouloir devenir pro, c’est arrivé vers 15-16 ans, pas avant. J’aimais bien le foot avec les copains, à l’école ou dans le jardin, mais à dix ans je ne me disais pas : « Il faut que je sois footballeur pro » .
Justement, tu es né à Soissons et tu as grandi et commencé le foot à Villeneuve-Saint-Germain, juste à côté. Qu’est-ce qu’on fait dans l’Aisne à dix ans ?Bah c’est simple : soit je jouais au foot, soit je restais chez moi. Depuis que je suis petit, je suis casanier. J’allais à l’école, je rentrais chez moi et si les copains étaient là, je jouais au foot avec eux. Ce n’est pas Paris ou les grandes villes que j’ai pu découvrir après, mais c’est un coin tranquille où on joue au ballon.
Avec le recul, as-tu l’impression d’avoir chopé lors de ces parties dans ton jardin des trucs qui te servent aujourd’hui dans ton jeu ?Mon père a été mon premier entraîneur et avant que je parte au centre de formation de Reims, je n’ai eu pratiquement que lui comme coach. Donc on ramène les entraînements à la maison, forcément. Il me poussait un peu plus, je travaillais mon pied droit…
Tu as forcément connu les débriefs salés dans la voiture.C’est sûr que pour ça, ce n’était pas le bon plan d’avoir un papa entraîneur… Je ne le souhaite à personne (Rires). Quand le week-end, ma maman rentrait des courses et trouvait le père et le fils de part et d’autre de la pièce, chacun de leur côté, elle se doutait bien qu’on n’avait pas gagné. Tu ramènes les problèmes du match à la maison. Après, ça aide à forger le caractère.
Il débriefe toujours tes matches aujourd’hui ?Toujours, mais pas avec la même intensité. Il est plus calme aujourd’hui. Après, il continue à me dire ce qui va ou ce qui ne va pas. Par exemple, il déteste quand je fais des erreurs techniques. Une transversale qui termine en touche, ça je peux t’assurer qu’il n’aime pas. Il me disait aussi souvent d’être plus égoïste à certains moments, car moi, j’adore faire la dernière passe ou des décalages plutôt que de frapper. Après, quand je fais une passe décisive, il apprécie aussi.
Tu as été formé comme relayeur, aujourd’hui tu joues davantage comme meneur de jeu. Tu as dû forcer ta nature pour t’habituer ?Il a fallu que j’apprenne à rester proche de la surface alors qu’à la base, j’ai un jeu où je cours un peu partout. Et forcément, il faut que je me montre plus décisif en marquant ou en donnant. Même si je pars du principe que l’avant dernière passe ou à l’initiative du décalage qui va amener le but ensuite, c’est tout aussi important. Je ne me mets pas trop de pression par rapport à ça.
Tu te disais fan de la Juve et de Zidane quand tu étais petit. Tu essayais de reproduire ses gestes sur le terrain ?Non car j’étais trop jeune et je ne regardais pas forcément ses matchs à la télé. Mais j’ai les souvenirs de 2006, son match contre le Brésil, c’est ce dont je me rappelle. Ce que j’aime bien dans le personnage, c’est qu’il ne se met pas en avant et son jeu lui ressemble : il veut avant tout jouer pour l’équipe. C’est ce côté-là que j’aime bien chez lui.
On ne te verra donc jamais mettre un coup de tête à un mec ?Non je ne pense pas ! On ne sait jamais mais il y a peu de chances que cela se produise.
Tu vis à Pau aujourd’hui, assez loin de ta Picardie natale. Qu’est-ce qui change le plus ?Outre le fait qu’il y ait un peu plus de soleil, il y a les montagnes à une heure de Pau, la mer à une heure et demie… C’est une terre de rugby mais avec les résultats récents du club en championnat ou en Coupe de France, il y a de plus en plus de gens qui s’intéressent au foot.
Pour un gars casanier, tu as l’air d’apprécier la nature.Là où j’habite, je suis entouré de moutons. On va dire que j’aime bien être dans mon jardin, être tranquille, je suis bien chez moi. Après, je ne suis pas non plus un sauvage qui reste dans sa petite cabane !
Tu es ambassadeur de Football Ecologie France. D’où vient la nature de cet engagement ? J’ai un ami footballeur (Grégoire Amiot) que j’ai connu à Reims qui a intégré l’association, il m’a proposé à mon tour de m’engager. J’ai beau être casanier, j’aime aussi m’engager et la nature, c’est un sujet qui me parle. En France, on a la chance d’avoir une diversité animale et de paysages très importante. Je ne suis ni Mbappé ni Neymar mais si je peux aider à mon échelle, si je peux véhiculer ce genre de message, c’est chouette. Par exemple, je suis le parrain de mon club d’enfance de Villeneuve-Saint-Germain et on essaye de proposer aux enfants des activités extra-sportives pour comprendre l’empreinte écologique du club, la différence entre commander des maillots en Asie et chez un producteur pas loin… Et puis des choses plus basiques : passer un peu moins de temps sous la douche, avoir une gourde au lieu de bouteilles en plastique. Tous les petits n’ont pas l’habitude d’entendre ce discours.
Il y a un rapport du GIEC qui est sorti il y a quelques jours assez alarmiste sur l’état de la planète. Que pourrait faire le foot pour tenter d’améliorer les choses à son échelle ?Dans le foot, c’est très compliqué car c’est devenu un énorme business. Les clubs ont besoin de faire de l’argent donc faire des aménagements dans le stade par exemple, ça engendre des coûts supplémentaires. Sans être un spécialiste, il y a quelques trucs basiques au niveau du recyclage de l’eau pour arroser les terrains, de la prévention au niveau des supporters lorsqu’ils viennent au stade, les éclairages… Les déplacements sont plus compliqués car il y a beaucoup d’avions. Si tu me dis demain qu’on doit aller à Dunkerque en bus pour jouer au lieu de prendre l’avion, je suis comme tout le monde je vais te dire que c’est chaud quand même !
Dans ton quotidien, tu as aussi changé certaines choses depuis que tu t’es engagé dans l’asso ?À Avranches, j’allais à l’entraînement à vélo car j’étais à cinq minutes. Mais aujourd’hui, j’habite à une vingtaine de kilomètres du centre donc si j’avais conservé cette habitude, je pense que le coach m’aurait rapidement demandé de prendre la voiture. J’essaye de faire attention au plastique, à boire davantage l’eau du robinet, à ma consommation de viande… J’essaye également de privilégier les commerces de proximité au lieu de commander sur Internet.
Tu parlais d’un jour vouloir jouer en Ligue 1. Ce serait quoi ton rêve aujourd’hui ?J’ai beaucoup de rêves mais forcément, jouer en Ligue 1 en est un. Il y a encore des étapes mais je ne m’interdis pas de rêver. Tout comme celui de jouer un jour une Coupe d’Europe… Je vais avancer tranquillement. Pour évoquer quelque chose de plus accessible dans l’immédiat, si je peux ramener mon père dans les tribunes du Vélodrome où nous sommes allés quelques fois ensemble lorsque j’étais petit, ce serait beau.
Propos recueillis par Andrea Chazy