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Victor Duré : « J’ai vu Falcao pleurer »
Pasteur de l'Iglesia El Rey Jesus, une église évangéliste située au 4656 de la rue Cabrera à Buenos Aires, Victor Duré parle d'une voix douce et en utilisant beaucoup trop de « Que Dieu te bénisse ». Surtout, il se rappelle des premiers pas de Radamel Falcao, débarqué dans la capitale argentine à 14 ans sans sa famille et qui avait fait de ce centre religieux sa seconde maison. Un endroit où le culte commence par un concert de rock chrétien et où des vieilles entrent en transe les mains dressées vers le ciel. Entretien christique avec le pasteur de Falcao.
Falcao est connu pour être une personne très croyante. Quand est-il venu pour la première fois dans votre Église? Falcao est arrivé très petit en Argentine, à 14 ou 15 ans. Il était à la pension de River. C’est là qu’il a rencontré Jorge Ramos, quelqu’un de notre église qui travaillait pour nous à River Plate et qui est mort aujourd’hui. Il l’invitait chez lui, le soutenait, car ses parents étaient loin. Il était tout seul, n’avait pas de revenus et passait des moments compliqués à la pension. Falcao a commencé à venir à l’église comme tout le monde, pour le culte. Pendant près de deux ans, il est venu chaque dimanche. Et après, on a organisé un groupe spécial pour les footballeurs, qu’on appelait les « groupes du lundi » .
Cela consistait en quoi ces « groupes du lundi » ? Les groupes du lundi ont commencé quand Falcao a débuté en première division avec River. De nombreux joueurs venaient et beaucoup se sont fait baptiser ici. Il y avait des footballeurs de tous les clubs mais surtout de River parce que Falcao emmenait à chaque fois des gens avec lui. Il était une inspiration pour tous les autres gamins qui venaient et qui luttaient en bas comme lui l’avait fait. Les joueurs avaient une autorisation spéciale car normalement tu ne peux pas revenir après 9h du soir à la pension de River. Au fond, on a une parrilla. On faisait des asados. On achetait des pizzas pour tout le monde. Tout le monde mangeait à l’église. On a passé de très bons moments ici. Mais tout s’est arrêté quand Falcao est parti en Europe.
Falcao s’est fait baptiser ici, à l’Iglesia el Rey Jesus ? Oui, quand il avait 16 ou 17 ans. La conversation, c’est une décision personnelle, qui est une marque de maturité. Le baptême signifie mourir et renaître : Falcao a été immergé totalement dans l’eau. Tu meurs quand tu rentres et quand tu ressors, tu renais avec la certitude que tu as la grâce et l’aide de Dieu pour lutter face aux obstacles de la vie.
Vous voyiez également Falcao seul à seul ou seulement pendant ces réunions ? On parlait beaucoup ensemble aussi, je le recevais dans mon bureau. On parlait de tout. On écoutait ses lamentations. Les premiers temps, il a beaucoup souffert. Imagine quand un joueur arrive, joue trois ou quatre matchs et se blesse, c’est difficile, ça l’affecte. On a du l’accompagner. Il a aussi du résoudre des situations familiales très difficiles. Ses parents ont traversé une crise très importante. On a aussi assisté le père à un moment puis la maman quand elle est venue vivre ici en Argentine.
« Falcao est une bonne personne, qui connaît Dieu et qui inspire les autres. »
Falcao est aujourd’hui marié avec Lorelei, qu’il a également rencontrée dans votre église. Vous avez assisté à leur mariage ?Bien sûr, on était tous invités à son mariage. C’était dans la maison d’un ancien président argentin, à San Isidro [un quartier riche du nord de Buenos Aires, ndlr.] Une demeure incroyable, une fête folle. Jorge Folta, le pasteur principal à l’époque, les a mariés et a baptisé Falcao. Le jour du mariage, Daniel Passarella lui a dit « je voudrais être comme toi » . A cette époque, Passarella avait perdu son fils et il y avait eu cette affaire avec un bateau [Passarella avait été alors condamné à 27 mois de travaux d’intérêt général pour l’importation illégale d’un yacht, NDLR]. Falcao lui a alors parlé du christ, de cette foi qui nous libère des angoisses et des préoccupations, et d’un Dieu qui console. Ça lui a fait du bien à Passarella, et à un moment il a lui aussi pris cette décision pour le Christ.
Dans le football, et notamment en Amérique du Sud, il y a de plus en plus de joueurs évangélistes. Comment expliquez-vous cela ? Mais moi aussi je me suis converti en jouant au football ! Derrière, on a un petit terrain de foot, de 4 contre 4. Je venais jouer là, et je ne voulais rien savoir de Dieu. Et puis un bon jour je suis entré dans l’église. Dieu m’avait touché l’épaule. Et Falcao a été un cadeau de Dieu. On a joué ensemble au foot. Mais on faisait attention à lui. Fallait pas qu’il se blesse. Je crois que la foi permet de dépasser les épreuves. Quand il était blessé, ce qui lui est arrivé beaucoup à ses débuts à River, on lui consacrait du temps et on s’occupait de lui. Parfois, pendant ce qu’on appelle la ‘transportation’, quand Dieu commence à faire une oraison à l’intérieur de toi, il y a des personnes qui craquent et qui pleurent. J’ai vu Falcao pleurer comme ça de nombreuses fois.
Falcao donne-t-il de l’argent à votre église ? C’est un homme généreux. A la fin de l’année, on faisait toujours une réunion spéciale. « El Hachita » Ludueña et lui mettaient de l’argent pour l’asado et achetaient des maillots et des crampons pour les donner aux jeunes de la réserve qui venaient.
Vous êtes toujours en contact avec lui aujourd’hui? Oui, complètement. La dernière fois, il a appelé il y a deux mois. Ni l’argent, ni la gloire, ni rien ne peut changer sa vision et sa qualité personnelle. Il maintient ce lien affectif avec nous. Falcao est une bonne personne, qui connaît Dieu et qui inspire les autres. C’est beau de l’écouter parler. Falcao dit cela : « les gens disent que je fais les choses bien. Mais j’agis ainsi parce que Dieu agit en moi » . C’est très fort. Dieu fait de nous des personnes différentes et compétentes. On peut se casser la tête à étudier ou à s’entraîner mais si Dieu ne nous bénit pas, il n’y a pas de prospérité.
Par Pierre Boisson, à Buenos Aires