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Victoire de l’Australie à la CAN : maintenant, on fait quoi ?
Pour la première fois de sa courte histoire, l'Australie a remporté la Coupe d'Asie des nations à domicile face à la Corée du Sud. Si ça a l'air d'emmerder copieusement certains concurrents, les kangourous ne boudent pas leur plaisir, eux qui apprennent doucement mais sûrement à apprécier le ballon rond, et qui ne vont pas s'arrêter en si bon chemin.
C’est quand même un sacré bordel, la Coupe d’Asie des nations : non contente d’arborer le même acronyme que son homologue africain, l’édition 2015 du tournoi s’est donc achevée avec la victoire de… l’Australie. L’Australie, oui. Sur son sol, de surcroît. Ce pays-continent que tu pointais du doigt en cours de géographie quand on te demandait où se trouvait l’Océanie. Sans vouloir tomber dans une vile géopolitique de comptoir, c’est comme si personne ne trouvait à redire sur la victoire du Kazakhstan à l’Euro. Forcément, ça fait grincer des dents. Notamment celles de certaines fédérations du Golfe. Récemment interrogé dans les colonnes du quotidien émirati Al-Ittihad, le président de la confédération asiatique de football Sheikh Salman Bin Ibrahim Al-Khalifa passait à confesse. « Oui, c’est vrai. Il y a des indicateurs prouvant qu’un vrai désir existait chez certaines fédérations d’Asie de l’Ouest d’évincer l’Australie. Je sais également que les Arabes ne sont pas les seuls à ne pas être convaincus de l’importance de la présence de l’Australie dans la grande famille du football asiatique » , concluait-il.
AFC : que choisir ?
L’Australie ne serait-elle donc que tolérée chez son voisin oriental ? Certains mécontents fustigeraient une attitude quelque peu désinvolte de la Fédération de football australienne, plus prompte à venir s’inviter chez les autres qu’à organiser des grosses soirées dans sa baraque sur pilotis au bord du Pacifique. Un argument qui tombe légèrement à l’eau pour deux raisons : d’abord, la dernière CAN a été organisée sur le sol australien et ensuite, le championnat australien fait partie des pays les plus porteurs du continent en matière de droits télé avec sa nouvelle Hyundai A-League. Ces deux raisons impliquant des rentrées d’argent relativement conséquentes pour l’AFC. La vérité, c’est que le football asiatique, c’est un peu la cour de récré. Le petit nouveau a le droit de venir taper la balle, mais faut pas qu’il soit trop fort. Sinon, les places en Coupe du monde, déjà peu nombreuses et trustées généralement par les mastodontes Corée du Sud et Japon, se réduisent comme peau de chagrin. D’autant que la Chine et l’Inde, déjà puissances financières et futurs puissances footballistiques, vont bien finir par réussir à monter des équipes nationales dignes de ce nom d’ici quelques années.
Contrat (bien) rempli pour l’Australie
En attendant, l’Australie profite. À domicile, les Socceroos viennent de remporter leur première CAN, un trophée qui leur échappait depuis leur entrée à l’AFC en 2007, battus à chaque fois par le Japon (dont une finale 2011). Surtout, ils viennent de faire un nom et une place au football dans leur pays, ce sport que l’on appelle vulgairement soccer dans le bush. Malgré trois qualifications d’affilée et des prestations plus que correctes en Coupe du monde, ainsi qu’un nombre de licenciés à la croissance exponentielle (435 000 contre 87 000 pour le rugby à quinze, par exemple), le football a pâti jusqu’ici d’un déficit d’image. Au pays de l’australian rules, du rugby et du cricket, regarder des retraités européens courir après un ballon qui fait des rebonds sans surprise manquait un peu d’intérêt. Tout du moins, c’était le cas jusqu’à cette CAN 2015. Avec une moyenne d’affluence de 20 000 personnes par match et une finale au Stadium Australia de Sidney qui émarge à 76 000 personnes, le tout dans un tournoi qui se déroulait en même temps que l’Open d’Australie, la Fédé australienne a réussi son pari. Évidemment, cette victoire va également apporter son lot de nouveaux licenciés pour, qui sait, peut-être dépasser l’australian rules, premier sport en termes de participants et ses 650 000 licenciés. Surtout, qui dit succès dit rentrées d’argent. Il se murmure que la Fédération australienne négocierait un nouveau contrat de sponsoring pour l’équipe nationale à hauteur de 12 millions de dollars. Une Fédération dirigée depuis 2003 par Frank Lowy, milliardaire et fondateur du Carrefour aussie, Westfield, un temps élu personne la plus riche d’Australie. L’homme sait faire des affaires. Et les retombées de cette victoire profiteront allègrement à la Hyundai A-League dont la compétitivité épousera sans doute les contours de la MLS plutôt que ceux du championnat qatarien, dans les années à venir.
Un Ange qui veille sur la jeune garde socceroo
Mais la route est encore longue, comme a prévenu Craig Foster, ancien joueur de Portsmouth et de Crystal Palace, désormais consultant pour la chaîne SBS : « Gagner une Coupe d’Asie, ça n’est pas gagner la Coupe du monde. Avec tout le respect que je leur dois, on ne parle pas de rugby à quinze ou de cricket, mais du sport le plus populaire et le plus compétitif au monde. C’est la raison pour laquelle le jeu en vaut la chandelle, pour briser la dernière grande barrière sportive en Australie. » Pour essayer d’atteindre les huitièmes de finale de la Coupe du monde russe en 2018 – objectif fixé par la FAF – l’Australie pourra s’en remettre à son effectif jeune et prometteur. Premier sélectionneur australien à reprendre les rênes des Socceroos depuis Frank Farina en 2005, Ange Postecoglou a réussi l’entreprise difficile de remplacer ses cadres vieillissants, progressivement, au sein de l’équipe nationale. Meilleur exemple de cette révolution en douceur : samedi dernier, tandis qu’il n’y en avait que pour la retraite de Tim Cahill, Massimo Luongo était élu meilleur joueur du tournoi après sa chiche contre la Corée du Sud. 22 ans, 11 sélections, milieu à Swindon Town, pensionnaire de… League One. Et qui n’y restera sans doute pas longtemps. De l’autre côté du terrain, Mathew Ryan, le gardien du Club Brugge, forcément logé à bonne enseigne sous les ordres de Michel Preud’homme, a remporté le titre de meilleur gardien de la compétition. Et si Postecoglou a gardé l’éternel Mark Bresciano pour entourer sa jeune garde, l’équipe titulaire affichait une moyenne d’âge de 24 ans… qui descend à 23 sans Tim Cahill. Parce qu’il va définitivement devoir faire sans Tim Cahill à l’avenir pour continuer à mettre le bordel à la Coupe d’Asie des nations.
Par Matthieu Rostac