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Vicenza, club au glorieux passé, sauvé par des Français ?

Par Adrien Verrecchia
Vicenza, club au glorieux passé, sauvé par des Français ?

À l’image de nombreux clubs italiens, le Vicenza Calcio a été déclaré en faillite il y a dix jours. Le pensionnaire de Serie C voit ses 116 ans d’histoire menacés à la suite de la mauvaise gestion de ses dirigeants successifs. Mais la lumière pourrait enfin venir d’investisseurs français qui rêvent de racheter cette institution populaire.

Qu’il est loin le temps du Real Vicenza. Cette équipe, dont le surnom remonte à sa fantastique saison 1977-1978, avait conquis le cœur des Italiens en terminant dauphin de Serie A après un début de championnat poussif. Sans les cinq premières journées, le Vicenza de Paolo Rossi totalise plus de points que la Juventus de Zoff, Gentile, Scirea et Bettega. Gianni Brera, légende du journalisme sportif en Italie, confiera à l’entraîneur Giovan Battista Fabbri dans les vestiaires : « Je n’aurais jamais cru qu’une équipe de province puisse jouer comme l’a fait Vicenza. » À cette époque, le club s’appelle Lanerossi Vicenza, du nom de son propriétaire : une entreprise de textile de la région. De nombreux supporters l’appellent encore le « Lane » avec un brin de nostalgie. Les Biancorossi connaissent pourtant une incroyable double relégation en Serie B puis Serie C vingt-quatre mois seulement après cet exploit. Le point d’orgue de cette période noire sera le maintien acquis en barrage contre Prato sur terrain neutre en 1990, évitant ainsi de justesse la quatrième division. Cette année-là, Lanerossi se désengage et laisse place au Vicenza Calcio.

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Le club n’a cependant pas fini de surprendre. Il retrouve l’élite dès la saison 1995-1996 grâce à un certain Francesco Guidolin, avec à la clef une honorable neuvième place. L’entraîneur vénitien amène son équipe l’année d’après à son unique titre majeur : la Coupe d’Italie 1997. Le tout en ayant éliminé entres autres Genoa, Milan, Bologne et en battant Naples en finale aller-retour (0-1 puis 3-0). Un triomphe synonyme de qualification pour la Coupe des coupes. Dans le même temps ENIC, un fonds d’investissement anglais, fait du Vicenza Calcio le premier club italien à être détenu par des capitaux étrangers. Et c’est justement face à une équipe anglaise que le parcours européen des Biancorossi s’arrêtera. Les hommes de Guidolin sont à nouveau auteurs d’une véritable épopée en s’offrant le Legia Varsovie en seizièmes, le Shakhtar Donetsk, les Néerlandais de Roda avant d’affronter Chelsea en demi-finale. Ils sont proches d’une finale historique à la suite de leur victoire 1-0 à l’aller, mais s’inclineront 3-1 à Londres avec un but refusé sur un hors-jeu contesté.

Des investisseurs français intéressés par Vicenza

Cette fois, les années dorées sont terminées pour de bon. Vicenza oscille entre Serie A et Serie B au début des années 2000, puis finit par s’enliser en deuxième division. Les actionnaires britanniques mettent les voiles en 2004. Le club est même repêché par deux fois, profitant des déboires financiers de Lecce en 2012 et de Sienne en 2014. La Serie C n’est que partie remise. Quelques mois avant le coup d’envoi de la saison 2016-2017, Alfredo Pastorelli prend la présidence du Vicenza Calcio que sa société Vi.Fin vient d’acquérir. Il hérite ainsi d’une situation déjà délicate, à l’image du football italien en général où les clubs sont mal gérés et accumulent les dettes. Les supporters, lassés des fausses promesses et des mauvais résultats depuis des années, réclament de suite le départ de Vi.Fin. Alors que les Biancorossi jouent une nouvelle fois le maintien, Pastorelli songe déjà à revendre le club. Il entame des négociations avec de potentiels repreneurs début 2017.

Parmi eux se trouvent des Français. La presse italienne ne découvrira cette piste qu’à l’automne dernier. Les discussions se tiennent dans le plus grand secret au contraire d’autres potentiels investisseurs plus ou moins crédibles. Il s’agit du groupe Football ItalFrance Global Investments coordonné par Brice Desjardins, ancien gardien et fondateur d’un centre de formation à New York. Ce dernier n’est pas totalement inconnu en Italie. Il avait déjà formulé une offre non retenue lors de la vente aux enchères de la Triestina (Serie D), à 200 kilomètres de là en 2016. Des avocats locaux le recontactent donc pour l’aviser que le club de Vicenza est à vendre et que le potentiel est bien autre. Toutefois, Pastorelli joue la montre, espérant ainsi faire grimper les enchères en fin de saison. Le président est persuadé que le club va se sauver en fin de championnat, il invite Brice Desjardins à cette occasion pour négocier.

« Ils avaient transféré la propriété du club la veille de notre venue en Italie »

Hélas, il n’en sera pas ainsi. Cette fois, Vicenza n’échappe pas à la Serie C. Pastorelli démissionne de son poste de président dans la foulée, mais reste propriétaire. Pas de quoi décourager les ardeurs des investisseurs pour autant. En plus d’ItalFrance, deux autres repreneurs potentiels, ceux-là connus de la presse, se sont manifestés : Boreas Capital SARL, une société du marché sanitaire basée au Luxembourg appartenant à la holding I.G.S. opérant à Dubaï, et Fabio Sanfilippo, un homme politique proche de Silvio Berlusconi. Le club officialisera en conférence de presse un accord de rachat du Vicenza Calcio par Boreas Capital le 14 novembre dernier. « J’avais l’avocat vendeur qui me disait au téléphone :« N’écoute pas la presse, ce n’est pas vendu. » On parle de conférence de presse de vente ! » hallucine encore Brice Desjardins. En effet, Boreas n’achètera pas le club. Le 11 décembre, personne ne se présente au rendez-vous chez le notaire. Son représentant, fondateur d’un centre hospitalier, a décidé de se retirer à la suite du bilan comptable 2016-2017 manquant et à la découverte de dettes non déclarées (un million d’euros) par Vi.Fin. Autre rebondissement la semaine d’après, Fabio Sanfilippo devient le nouvel actionnaire principal.

La situation est urgente. Les joueurs sont impayés depuis plusieurs mois et le passif s’élève à 13 millions d’euros. Un gouffre pour une équipe de ce niveau. Le politicien qui avait à l’origine annoncé un budget à 30 millions d’euros n’empêchera pas la faillite du 18 janvier. « Un jour, c’est l’hôpital, le lendemain, c’est l’homme politique, regrette le Français. Nous nous sommes trouvés à Vicenza avec des lettres de garantie signées des banques pour justement mettre en place une possibilité de signature. Il s’est avéré qu’ils avaient transféré la propriété du club la veille de notre venue en Italie. Donc nous avions en face de nous Fabio Sanfilippo que nous ne connaissons pas, avec qui nous n’avons jamais parlé. Et on n’a pas pu faire ce qu’on voulait faire : acquérir avant la faillite. » « Du jour au lendemain, il ne fallait plus seulement amener des garanties et de l’argent (2 millions en cash, ndlr), il fallait aussi payer cette personne. Puis répondre à des conditions de cash, aujourd’hui pour demain, c’est compliqué. Et les garanties, d’aller à la banque et de présenter un apport de l’étranger, n’étaient pas suffisantes » , explique-t-il alors que sa tentative représentait le dernier espoir des supporters avant la faillite du 18 janvier. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que les Français financés par des étrangers sont toujours sur le coup. Brice Desjardins tente même de conclure l’affaire avant la vente aux enchères prévue dans les prochaines semaines.

Un projet à 50 millions d’euros

Contrairement à Modène, club également en faillite de Serie C, Vicenza poursuit sa saison avec des jeunes et des joueurs qui n’ont pas trouvé de point de chute ailleurs. Ces faillites à répétition en Italie ne l’effraient pas : « Ça ne nous refroidit pas parce que les garanties que nous apportons à nos investisseurs n’ont rien à voir avec le football. Ce qui va sauver Vicenza sera son stade et son patrimoine présent et futur. Si Vicenza, en tout cas avec le projet qu’on a, réussit à faire un nouveau stade et en avoir la pleine propriété. Pour résumer, c’est plus un dossier immobilier qu’un dossier investissement football. Tout tient sur le projet du stade qui sera l’ossature principale. C’est un projet à 50 millions d’euros. » Parmi les projets de reprise, Brice Desjardins est le seul à avoir déjà dressé un organigramme. L’ancien agent Christian Payan, fin connaisseur de l’Italie, prendrait la direction technique. « Brice a un plan bien préparé par rapport à d’autres, confirme Payan.J’y crois. Si l’administrateur est intelligent, s’il ne fait pas d’erreur pour déterminer un repreneur… Je discutais avec Vigorelli(agent de joueurs de Serie A, ndlr). Je l’ai eu au téléphone. Il m’a dit : « Christian, si demain tu es à Vicenza, tous les plus grands agents on va te téléphoner ! » »

En attendant une éventuelle reprise, Vicenza tente de finir la saison avec les moyens du bord. 11 500 tifosi se sont massés au Romeo Menti presque plein pour le derby perdu face à Padova (0-1) samedi. Malgré une équipe de troisième division en ruines. Cette ferveur et cet attachement populaire démontrent la grandeur du club. L’administrateur judiciaire Nerio De Bortoli était lui aussi un temps en tribune et un temps dans le virage au milieu des ultras. Il a même payé les deux billets pour donner l’exemple. L’avenir du Vicenza Calcio est désormais entre ses mains. Avant de le céder, peut-être, à des Français.

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Par Adrien Verrecchia

Propos de Brice Desjardins et Christian Payan recueillis par AV

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