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Vers une suspension totale du championnat d’Italie ?
Un conseil d'urgence exceptionnel se tiendra ce mardi, mais il semblerait que l'on se dirige de plus en plus inéluctablement vers une suspension à durée indéterminée du championnat d'Italie. Auquel cas, et si aucune solution n'était trouvée pour récupérer plus tard les matchs, le Scudetto ne serait pas attribué.
Il y a encore quelques semaines, l’Italie regardait la menace coronavirus de loin. Pensant qu’elle n’arriverait jamais jusqu’à elle. Un virus venu de Chine ? Rien de très important par rapport à la lutte folle qui s’annonçait entre la Juventus, l’Inter et la Lazio pour le titre de champion d’Italie, se disait-on alors. Les tifosi se frottaient déjà les mains (sans gel hydroalcoolique) à l’idée d’assister à Lazio-Inter le 16 février, puis à Juventus-Inter le 1er mars. Si le Lazio-Inter s’est déroulé dans une normalité somme toute relative (des premiers cas de contagion arrivant déjà en Lombardie), le Juventus-Inter du 1er mars, repoussé, discuté, re-repoussé, débattu, a fini par avoir lieu ce dimanche 8 mars dans un climat surréel. Aucun supporter au stade et des gens confinés chez eux devant leur téléviseur, assistant peut-être au point final de la Serie A 2019-2020. De fait, la victoire de la Juventus face aux Interisti (2-0) n’a pas seulement partiellement brisé les rêves de Scudetto de la formation nerazzurra. Elle a peut-être, aussi, sonné le glas du championnat italien.
Balotelli monte au créneau
Ce mardi, la Fédération italienne de football se réunira. Depuis dimanche matin, le gouvernement italien a imposé la fermeture de la Lombardie et de certaines provinces d’Émilie-Romagne, du Veneto et du Piémont. En tout, ce sont près de 15 millions d’Italiens qui se retrouvent confinés dans leur village, leur ville, leur région, prônant sur les réseaux sociaux le hashtag #Iostoacasa ( « Moi, je reste à la maison » ). Dans la foulée, le député Vincenzo Spadafora a immédiatement demandé la suspension totale du championnat d’Italie (toutes divisions confondues). Demande soutenue par plusieurs cadres du football italien, à l’instar de Damiano Tommasi, président de l’Association des joueurs, et de Giovanni Malagò, président du CONI. « Arrêter le football est l’acte le plus responsable à l’heure actuelle » , a martelé Tommasi, quand Malagò a assuré : « Tout le monde doit aller dans la même direction, le football ne peut pas avoir des règles différentes des autres sports. »
Les clubs ont finalement décidé de maintenir quand même (à huis clos) tous les matchs prévus ce dimanche, même si Parme-SPAL, initialement prévu à 12h30, a débuté à 13h45, après que les déclarations de Spadafora ont jeté un vent d’incertitude sur la tenue ou non de la rencontre. Un dernier match (Sassuolo-Brescia) est prévu aujourd’hui à 18h30. Mario Balotelli, l’attaquant de Brescia, n’a d’ailleurs pas hésité à monter au créneau ce dimanche : « L’argent ne vaut pas notre santé, nous devons nous réveiller. Ne me dites pas des conneries comme :« Mais toi, tu es protégé ! Qu’est-ce que ça te change de jouer ou ne pas jouer ? Rien ne peut t’arriver dans un stade vide ! Ne retire pas la seule joie que les gens confinés dans les zones rouges peuvent avoir le week-end. » Je vous réponds :« J’AIME PLUS LE FOOTBALL QUE VOUS… » Mais jouer signifie voyager en bus, en train, en avion, dormir à l’hôtel, être en contact avec d’autres gens à l’extérieur de votre environnement.(…)Je ne veux pas prendre le risque de contaminer ma mère, qui n’a pas mon âge, et avec qui je mange tous les jours. »
Mettre les équipes en quarantaine ?
Sassuolo-Brescia à 18h30 ce lundi. OK. Et après, quoi ? Le conseil de mardi déterminera la suite. On comprend évidemment les intérêts économiques des clubs à aller de l’avant, en faisant la technique de l’autruche. Mais face à l’urgence sanitaire, le célèbre adage « The Show must go on » n’a ici que très peu de sens. On l’a bien vu sur la journée de dimanche. Pour les joueurs, jouer dans un tel environnement semble absurde. Pour les supporters devant leur télé, c’est aberrant aussi. C’est quasiment une autre compétition. Et puis, continuer jusqu’à quand ? Jusqu’à ce qu’un joueur soit à son tour contaminé ? Et à ce moment-là, on fera quoi ? On met toute l’équipe en quarantaine (comme vient de le faire la Reggiana, équipe de Serie C, après qu’un de ses joueurs a été testé positif), on reporte les matchs et on envoie la Primavera ? Allons… La raison doit primer. L’Italie fait face à une situation exceptionnelle, une situation d’urgence totale (peut-être ne s’en rend-on pas bien compte ici en France, mais là-bas, c’est vraiment, vraiment la merde). Et à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. C’est frustrant, c’est énervant, c’est triste, mais c’est inéluctable.
Geler le classement
Et en cas de suspension totale du championnat, il faudra trouver des solutions. Non pas des solutions qui contenteront tout le monde, car celles-ci n’existent pas, mais des solutions qui sembleront les plus justes pour tout le monde. La première idée serait de repousser l’Euro 2020 (à cet automne ? à l’été prochain ?) de façon à pouvoir terminer le championnat plus tard, en juin par exemple. Solution compliquée, voire inenvisageable…. La deuxième idée serait d’arranger le calendrier. Suspendre le championnat pendant une certaine durée, puis rattraper le temps perdu en casant des journées en semaine. Compliqué aussi, sachant que plusieurs clubs (Juventus, Napoli, Atalanta, Inter, Roma) sont encore en lice en Coupes d’Europe.
Enfin, la solution qui semble à l’heure actuelle la plus plausible, c’est de terminer de récupérer les quelques matchs en retard (notamment Inter-Sampdoria), de façon que toutes les équipes aient disputé le même nombre de matchs, et de glacer le classement. Le classement sera alors jugé « final » , notamment pour les places qualificatives pour les compétitions européennes de la saison 2020-2021, mais le Scudetto ne sera pas assigné. De quoi faire chialer les tifosi de la Lazio, qui étaient en train de croire dur comme fer à un sacre qui fuit leur club depuis vingt ans. Un tel scénario n’est plus arrivé depuis 1915, quand le championnat italien avait été interrompu à cause de la guerre. Et à l’époque, déjà, et malgré l’extrême gravité de la situation, les clubs de Serie A avaient exprimé leur désaccord envers la FIGC quant à une telle décision radicale. Peut-être parce qu’ils regardaient tous la menace de loin. Pensant qu’elle n’arriverait jamais jusqu’à eux.
Par Éric Maggiori