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Vers un retour de la Superligue européenne ?
Ça n’est peut-être pas le bon moment, vu le contexte international, mais selon différentes sources concordantes, le projet de Superligue européenne va revenir dans les prochains jours. Un retour avec un nouveau format, une nouvelle communication et une nouvelle direction. Alors, à quoi cela devrait ressembler et à quoi doit-on s’attendre ?
Selon la presse britannique, dès jeudi, le président de la Juventus, Andrea Agnelli, devrait annoncer, lors d’un colloque sur le football international, le retour de la Superligue européenne, son grand cheval de bataille. Après avoir été à la tête de la fronde, en avril dernier, accompagné du Real Madrid et du FC Barcelone, et avoir subi un cuisant échec populaire et politique, Agnelli revient à la charge.
Pour les frondeurs, l’ennemi c’est l’UEFA
Dans un document, que nous avons réussi à nous procurer, les partisans de la Superligue, rangés derrière Agnelli, pondèrent leurs propos et remettent totalement en cause l’idée initiale de ce qu’avait été le projet originel dévoilé quelques mois plus tôt. Le principe d’un championnat fermé, indépendant des ligues nationales, avec des membres permanents, est abandonné. Au contraire, on devrait se diriger vers un système ouvert, « sans aucune adhésion permanente » et avec un objectif de reconnaissance de la FIFA voire de l’UEFA, le grand rival. D’ailleurs, les mots ne sont pas tendres à l’encontre de l’instance européenne, décrite comme « le régulateur monopolistique autodéclaré ». Cette dernière est jugée seule responsable de la baisse de la compétitivité du football continental, d’avoir dépensé sans réflexion et d’avoir transformé le sport en « un spectacle obsolète et ennuyeux ». Selon les frondeurs, le modèle de gouvernance doit changer. Cela serait même l’unique but de la Superligue. Pas de faire une compétition privée et fermée, mais de remettre en cause, tout simplement, le pouvoir de l’UEFA. C’est une fronde politique qui s’annonce, pas sportive ou organisationnelle. Ce que veulent les clubs dissidents, c’est uniquement prendre le pouvoir à Aleksander Čeferin.
L’UEFA est victime de tous les maux. En plus d’être cette Fédération sans légitimité « au pouvoir autodéclaré », elle gèrerait en majorité des clubs de l’Union européenne alors « qu’il s’agit d’une association privée suisse régie par le droit suisse et soumis au Tribunal arbitral du sport ». À cela s’ajoute le fait qu’elle soit « l’opérateur commercial exclusif » sans que les clubs n’aient un quelconque pouvoir de négociation ou de marchandisation sur leurs propres droits commerciaux et marketing, « sans aucun vote et aucune représentation dans le développement et la mise en œuvre des statuts ». On pourrait, à ce sujet, rétorquer que les choses commencent à changer, puisque récemment, l’ECA, le syndicat européen des clubs, par l’intermédiaire de son président Nasser al-Khelaïfi, a annoncé « l’obtention d’un pouvoir décisionnaire au sein des grandes décisions de l’UEFA ». Autrement dit, les clubs auront la main. Réponse des frondeurs ? « L’UEFA entretient des liens étroits avec certains propriétaires de clubs d’États non-membres de l’espace européen » ( « UEFA has close ties to certain club owners from non-member states » , en VO). Cela a le mérite d’être clair.
Des critiques, des critiques et encore des critiques
Ensuite, l’UEFA est attaquée pour n’avoir pas soutenu suffisamment le football et son niveau, pour avoir été incapable de trouver des solutions visant à soutenir la compétitivité et l’attractivité « des compétitions pan-européennes », pour avoir construit « des contrôles financiers inadéquats et mal appliqués créant instabilité pour les clubs et déséquilibres compétitifs », pour avoir fait preuve d’un manque évident de « transparence » au sujet « des dépenses de solidarité, ce qui rend difficile le suivi de l’impact que les différentes initiatives ont sur le développement du jeu au niveau local et sur la création d’un impact social positif ». Enfin, le prochain modèle de la Ligue des champions, dit « modèle suisse », avec 36 participants et quatre matchs supplémentaires minimum par participant, est profondément vilipendé et descendu. « Une organisation qui conduira à une augmentation des rencontres de groupe, précisément celles qui intéressent le moins les fans. » Le papier ajoute que, ironiquement, c’est la pire des options qui a été choisie après des mois de délibérations avec l’ensemble des acteurs. Les clubs n’auraient donc pas été entendus.
En définitif, à la lecture de ces informations, on se rend compte que les clubs dissidents ne veulent pas créer une compétition privée et fermée, une Superligue à l’américaine, mais seulement prendre la main sur l’UEFA, récupérer l’entière et pleine gestion du football européen. Ils n’ont pas de mots assez durs contre l’instance continentale et veulent mettre fin à son hégémonie, à son monopole, à sa toute-puissance. « Nous sommes fermement convaincus que les clubs devraient avoir le droit de déterminer leur propre avenir commercial et de proposer de nouvelles alternatives pour le football. Ces alternatives offriront des compétitions plus attrayantes pour les consommateurs en répondant à leur demande de matchs passionnants, assureront de meilleurs contrôles financiers qui soutiendront la compétitivité et seront correctement appliqués pour assurer la stabilité globale. » Attendons de voir comment ça va se passer, mais ça a l’air de ressembler de plus en plus à Game of Thrones.
Par Pierre Rondeau