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Vers la fin d’une Premier League ?
38ème et dernière journée de Premier League ce dimanche, avec pour seul enjeu la quatrième et dernière place qualificative en C1 que se disputent Arsenal et Tottenham. Ce soir se termine une saison qui aura vu partir Paul Scholes, Sir Alex Ferguson, Jamie Carragher et beaucoup d’intensité. Les temps changent et il n’y a pas de raison que l’Angleterre soit épargnée.
Il a compris. Il a pleuré. Il a serré une dernière main, celle de Tripy Makonda puis il est parti. Samedi soir, David Beckham a mis un terme à sa carrière et beaucoup ont préféré rire des larmes de la patte droite la plus soyeuse de la décennie plutôt que de comprendre. Car la signification de la retraite du Spice Boy est ailleurs. A quelques centaines de kilomètres au Nord. Lob, Wimbledon, corners, Bayern Munich, Roy Keane, Cantona, Scholes, mèches blondes. Becks, c’est un type qui, avant de faire vendre des caleçons, a connu une certaine idée de la Premier League. Un championnat de bonhomme. Celui de la paire Yorke – Cole, celui qui faisait trembler l’Europe, celui qui n’est plus vraiment aujourd’hui.
Fracture Nord-Sud
C’est un bilan catastrophique que dresse le Courrier International sorti en kiosque la semaine passée. La triste ville de Blackpool est prise en exemple, mais c’est plus généralement le Nord de l’Angleterre – et/ou tout ce qui ne touche pas de près à Londres – qui souffre de la cure d’austérité. Dans cette région de l’Angleterre, les clubs de football – grands et petits – sont aussi empilés que les innombrables bazars qui font face à la plage de Blackpool. Là haut, au royaume de Manchester United et de Liverpool, les historiques, ce n’est pas seulement la fin de la prospérité. C’est aussi la fin d’un football. Beckham est parti et si cela fait un peu plus d’une décennie qu’il n’a plus foulé une pelouse en Premier League, le fait qu’il mette un terme à sa carrière vient sans aucun doute mettre un peu plus de mousse dans la pinte de nostalgie dans laquelle les amoureux du football se noient dans cette région de l’Angleterre. La retraite de Beckham la même année où Paul Scholes raccroche définitivement les crampons, c’est la fin des années 90. Alors quand les derniers des Mohicans que sont Sir Alex Ferguson mais aussi Jamie Carragher disent également stop, on n’est qu’à un Steven Gerrard et un Ryan Giggs de perdre tous ses repères. Comme après chaque rupture, on essaye de s’y faire, de dire que de toute façon, ça va passer, mais imaginer la Premier League sans les cheveux roux de Scholes, sans l’Anglais incompréhensible du Red de toujours Carragher et sans la face rosée de Sir Alex, c’est difficile. Surtout que dans le même temps, encore un peu plus au Nord, à Newcastle, on fait n’importe quoi. On dit que « c’est français » comme pour draguer une californienne frivole, mais ça marche aussi bien qu’une campagne de communication de François Hollande. A Birmingham aussi, on a eu chaud. Les Villans ne sont passé qu’à un Christian Benteke d’une relégation à l’étage inférieur. A Londres, on peut rigoler. Mais pas trop.
Valse des coachs et chaos technique
D’abord parce que les années passent et n’épargnent pas la capitale. Scholes, Beckham et Fergie hier. Lampard, Terry et Wenger demain. Ensuite parce qu’en terme de n’importe quoi, Londres a son Newcastle : les Queens Park Rangers. Au fond, là où les Londoniens peuvent se féliciter, c’est qu’à une époque où beaucoup se demandent ce qu’ils foutent dans l’UE, le seul rayon de soleil européen du Royaume vient de chez eux. Une Europa League ramassée par Chelsea, juste un an après la Ligue des Champions. Solide. La C1, justement. Une compétition où les Anglais n’ont placé aucun représentant en quarts de finale. Une première depuis 1995/1996, une époque où Ryan Giggs n’avait disputé que 200 matchs en Premier League. Plus globalement, sur les huit dernières finales de C1, sept comptaient un représentant anglais. De là à en tirer des enseignements, le pas est un peu grand à faire, mais c’est un fait : le football est cyclique. Il y a eu la grande Serie A, celle qui faisait trembler l’Europe. Aujourd’hui, grâce à la Juventus, quelques années après l’Inter du Mou, la Botte retrouve des couleurs. Il y a donc eu la grande Premier League. Celle des années 2000. S’il ne fait aucun doute que Manchester United fait un très beau champion cette saison – avec potentiellement un titre à plus de 90 points – il suffit d’avoir regardé quelques matchs anglais cette année pour se poser quelques questions. L’Angleterre est une terre de chocs permanents. En effet, grâce au nombre de « gros clubs » , rares sont les journées sans grandes affiches à se mettre sous la dent. Cette année, la plupart de ces parties ont été décevantes. Quelques buts certes, la sempiternelle « intensité anglaise » , mais aussi un grand flou tactique et, en somme, un football très brouillon, avec des fulgurances mais aussi des carences. A la fin de cette saison, Everton, Manchester United, Manchester City et Chelsea changeront de coach. Pas rien dans un Royaume où King Alex a fait régner la stabilité. Intéressant quand on sait que les successeurs de Moyes, Fergie, Mancini et Benitez auront la tache de relancer la machine Premier League. Une machine qui a perdu des cadres, des repères et de sa superbe. Mais David peut sécher ses larmes. Au pays du football, le ballon rond ne mourra jamais.
Par Swann Borsellino