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Verratti, le point d’équilibre
S’il n’a disputé que deux matchs depuis le mois de mai, Marco Verratti a cruellement manqué au PSG, mardi à Liverpool. Au moins autant que le numéro six que le club parisien n’a pas su recruter cet été, et que Thomas Tuchel peine à faire émerger au sein de son effectif. Et si la solution venait du milieu italien ?
« Je ne vais pas répondre à ça. Tu dois demander à Antero. » La décision de Thomas Tuchel de faire jouer trois garçons contre-nature (Rabiot le gaucher en relayeur droit, Marquinhos le défenseur en six et Di María l’ailier en relayeur gauche) dans l’entrejeu à Liverpool était pourtant discutable. Mais elle l’était moins, dans l’esprit de Thiago Silva, que le recrutement estival du Paris Saint-Germain. En orientant les micros vers son directeur sportif Antero Henrique plutôt que de commenter le choix du coach allemand d’aligner ce trio expérimental, le capitaine brésilien du PSG n’a fait que rappeler une évidence.
Un seul être leur manque
Une évidence dont on ne mesurait toutefois pas encore l’ampleur des conséquences sur la grande scène européenne : il manque à ce Paris-là un véritable six. Un type solide, capable d’aller au turbin, de gratter des ballons, de régner dans les airs, mais aussi de dicter le jeu. Ce portrait-robot, c’est celui de Thiago Motta, dont le départ n’a pas été compensé numériquement cet été. C’est également celui de l’Allemand Julian Weigl par exemple, dont Thomas Tuchel a rêvé tout l’été, mais que la cellule de recrutement parisienne n’a pas su – ou voulu – aller chercher. Et si, en y enlevant le gabarit, c’était peu ou prou le profil de Marco Verratti ?
Entre une opération des adducteurs début mai et une fin de saison à l’infirmerie, une Coupe du monde à la maison et une nouvelle blessure aux adducteurs début août, on avait fini par se faire à son absence. Mais mardi, à Anfield, dans un match de bonshommes où Paris a parfois manqué de caractère et où le milieu parisien s’est longtemps fait étouffer par celui des Reds, elle a soudain sauté à la tronche des observateurs et téléspectateurs – du moins de ceux qui ont pu mater le match. Face au pressing anglais, la capacité de l’Italien à tenir le ballon et à le ressortir proprement aurait sans doute fait grand bien au PSG. Autant que son agressivité, son sens du combat ou ses interceptions à la perte de balle.
Plus registaque trequartista
Bien sûr, le natif de Pescara n’a pas la présence physique ou la rigueur tactique de Motta. Mais puisqu’il faudra du temps à Marquinhos pour s’accommoder de son repositionnement, qu’Adrien Rabiot n’est pas chaud pour s’installer durablement devant la défense et que Lassana Diarra ne bénéficie que d’une confiance très limitée de la part de Tuchel, le numéro 6 parisien apparaît aujourd’hui comme une solution naturelle à court terme pour tenir le rôle de pointe la plus basse du milieu parisien. Éloigner Marco, ses beaux yeux et sa qualité de passe de la surface adverse, un sacrilège ? Pas forcément si l’on scrute ses stats depuis 2012, année où il a franchi les Alpes : 39 passes décisives, avec un record personnel à neuf lors de la saison 2015-2016.
Honorable. Mais trop peu pour le rêver encore en trequartista, ce qu’il était à ses débuts à Pescara en Serie B en 2010 et qu’il n’est plus depuis 2011. Depuis qu’il a croisé la route d’un certain Zdeněk Zeman, en fait. Adepte du 4-3-3, c’est dans un rôle de meneur reculé à la Pirlo que l’entraîneur tchèque l’a essentiellement utilisé lors de leur saison commune, conclue sur une ascension en Serie A et un départ vers la capitale. C’est d’ailleurs dans ce rôle que Zeman l’imagine toujours, comme il le rappelait en 2016 dans L’Équipe : « Il apporterait plus comme regista, en étant placé, seul, dans l’axe, devant la défense. Il doit avoir l’équipe en main, parce qu’il réussit à dicter les temps de jeu, à organiser. »
Un compromis avec Rabiot, la clé ?
« C’est une position que j’apprécie, même si je dois sûrement améliorer beaucoup de choses. Ce sont les choix de l’entraîneur et nous essayons d’être bons dans plusieurs rôles différents, car c’est un avantage. J’essaierai toujours de faire de mon mieux, que cela soit plus bas ou plus haut. » Si l’on se fie à ses propos en zone mixte après le match amical contre l’Atlético de Madrid le 31 juillet, où il avait été utilisé dans ce rôle, Verratti ne voit pas d’inconvénient à un tel replacement. Une bonne chose pour un PSG qui a plutôt intérêt à ne pas trop froisser Rabiot en lui imposant de jouer à un poste qu’il goûte peu s’il veut conserver une chance de le prolonger. Ceci dit, avant de revenir mardi – avec le succès qu’on connaît – au 4-3-3 des dernières saisons, Tuchel a privilégié deux systèmes depuis sa prise de fonction : le 4-2-3-1 et le 3-4-1-2.
Avec, à chaque fois, Neymar dans une position axiale. Sans sentinelle, donc. Ce pourrait être la solution à l’absence de spécialiste au poste : ne pas en aligner, placer Verratti et Rabiot côte à côte devant la défense et n’accorder à la paire qu’un seul « bon de sortie » à la fois en phase offensive. Trop risqué en C1 ? Ce n’est pas ce que pense Bruno Génésio. Et c’est peut-être aussi l’intérêt de jouer à trois défenseurs centraux, ce qu’affectionne Tuchel. C’est cette organisation qu’avait choisie le technicien allemand lors du Trophée des champions contre Monaco – une équipe qui dispute la Champions, justement – pour un succès 4-0. Reste désormais à prouver la solidité d’une telle association dans un système à quatre défenseurs. Pour cela, l’ancien coach du Borussia Dortmund dispose d’un laboratoire sans pareil : la Ligue 1 Conforama.
Par Simon Butel