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Verratti de trop en Italie ?
Avec l'arrivée sur le banc d'Antonio Conte, Marco Verratti était censé devenir le nouveau pilier du milieu de terrain de la Nazionale. Problème : pour pallier l'absence de De Rossi et le forfait de Bonaventura, le sélectionneur a préféré rappeler Andrea Pirlo. Mais qu'est-ce qui cloche avec Marco ?
Brillant avec le PSG et dernière roue du carrosse avec la Nazionale. Voilà une situation difficile à comprendre, et même dure à encaisser pour Marco Verratti. Au sortir du flop de la Nazionale lors du Mondial brésilien, on aurait en effet pu parier sur le fait que le Parisien deviendrait l’un des points forts de la sélection italienne. C’est ce qui se serait passé pratiquement partout ailleurs. Démarrer le nouveau cycle en se basant sur les éléments de perspective. Finalement, c’est l’inverse qui est en train de se passer puisque Verratti a même carrément reculé dans la hiérarchie des playmakers du nouveau sélectionneur, Antonio Conte. Pourtant, ce bon vieux Marco est l’un des seuls Italiens à avoir sorti la tête de l’eau au Brésil, et est même l’un des seuls joueurs transalpins à évoluer dans une équipe régulièrement en quarts de finale de C1. Alors, pourquoi cette décision à la limite du masochisme ?
Pirlo, De Rossi, Thiago Motta, Marchisio, Aquilani et Donati ?
Ce n’est un secret pour personne. Conte a un système de jeu qui a fait sa réputation, le 3-5-2, considéré inadapté à l’internationale par de nombreux observateurs. Mais ça, le coach triple champion d’Italie s’en tape, et continue sur son chemin sans se soucier des remarques extérieures. Il faut dire que cela lui a plutôt bien réussi, au vu des records atteints en Serie A, et que cela a tenu contre la plupart des top clubs européens affrontés. On peut donc, a priori, lui faire confiance. Dans son système, le poste de playmaker occupe un rôle clef, et Conte considère avoir trois solutions : « Il y en a un de trop entre Pirlo, De Rossi et Verratti » , assure-t-il. Le décor est planté. Il a d’abord compté sur De Rossi pour ses deux premiers matchs, joueur que l’on ne présente plus, et capable de descendre tranquillement entre les défenseurs en plus de faire parler sa patte et son sens de l’anticipation. Le Romain étant indisponible pour ces rencontres face à l’Azerbaïdjan et Malte, cap sur Verratti (légèrement touché soit, mais rien de grave) ? Bien sûr que non. Conte préfère passer un coup de fil à Pirlo pour le sortir de sa retraite internationale.
Le « Maestro » , âgé de 35 ans, est donc le sauveur que toute l’Italie attendait pour finir minimum troisième d’une poule de qualifs composée de Malte, Azerbaïdjan, Bulgarie, Norvège et Croatie. Aussi christique le beau Andrea soit-il, on peut légitiment avoir des doutes sur l’opportunité de ce choix. D’aucuns parlent de « transition progressive entre le Juventino et Verratti » , mais on retrouve là toute la frilosité typiquement italienne qui se traduit par l’incapacité de donner les clefs du jeu à un joueur de 22 ans, pourtant loué partout et par tous. Les dernières convocations de Conte en sont la preuve : outre Pirlo et De Rossi, on retrouve Thiago Motta, Marchisio et Aquilani, tous des joueurs qui évoluent régulièrement au poste de regista. Moyenne d’âge ? 31 ans, auxquels on peut ajouter deux ans (d’ici à l’Euro 2016). Verratti, lui, aura 24 ans en 2016. Et ne sera visiblement pas encore un élément indéboulonnable de la Nazionale.
En « demi-aile » ?
D’accord. Mais alors, si l’argument de Conte est de dire que c’est bouché devant la défense, pourquoi ne pas utiliser Verratti quelques mètres plus à droite ou à gauche, soit le fameux poste de « mezz’ala » ? Après tout, c’est ce qu’a fait Prandelli au dernier Mondial dans son laboratoire tactique sans queue ni tête ( « notre instabilité tactique déstabilisera nos adversaires » , tu parles). Verratti avait alors été aligné aux côtés de Pirlo, et cela avait plutôt bien fonctionné, mieux que prévu en tout cas. Idem en club. Cela fait des années que l’Abruzzese joue sur un côté, laissant à Thiago Motta les rênes du jeu.
Seuls deux arguments jouent en sa défaveur. Au PSG, il est chargé d’alimenter les attaquants (3 ou 4 selon la tactique de Blanc) et c’est principalement ce qu’on lui demande, en plus de défendre et d’éviter quelques cartons jaunes inutiles. Avec l’Italie, il devrait défendre mieux, construire moins et surtout marquer à la suite de projections offensives régulières. Un box-to-box. Problème, ce n’est pas le genre de la maison. On parle là d’un joueur qui, en tout, a planté 5 buts en 193 matchs chez les professionnels, contre la Sangiustese, Rimini, Cittadella, les Pays-Bas et le Barça. Or, Conte a clairement pour habitude d’aligner à ce poste des joueurs passant ou frôlant régulièrement la barre des 10 buts dans la saison (Vidal, Pogba et Marchisio).
On se retrouve donc là face à un problème de riches. Mais l’Italie peut-elle se le permettre ? Évidemment, non, surtout lorsque l’on reste sur un double flop retentissant en Coupe du monde (l’Euro 2012, un malentendu ?). Non toujours, au vu du réservoir de sélectionnables à son minimum historique. Le profil de Verratti ne peut décemment pas être rédhibitoire pour le schéma tactique de Conte et la solution doit venir des deux côtés. Le « hibou » doit compléter sa palette, car les milieux modernes sont censés savoir tout faire : défendre, construire et marquer, beaucoup. Parallèlement, Conte doit sortir de ses dogmes tactiques et aller à l’encontre du petit. Le sélectionneur insiste sur le terme de « méritocratie » depuis le début de son mandat. Verratti est justement le seul Italien titulaire dans un club du top 8 européen (en attendant Immobile) et mériterait peut-être un peu plus de considération. Au moins lorsqu’il s’agit d’affronter l’Azerbaïdjan et Malte.
Par Valentin Pauluzzi