- Décès de Simone Veil
Verra-t-on un jour un footballeur au Panthéon ?
Avec l’arrivée de Simone Veil et de son mari, le Panthéon comptera bientôt soixante-dix-sept âmes en son antre. Parmi elles, aucun sportif. Et si le Panthéon portugais a bien accueilli la légende Eusébio, il semble plus compliqué de voir le corps de Zidane côtoyer les dépouilles de Voltaire, Victor Hugo et compagnie dans le futur.
La foule viendra s’amasser sur la place du Panthéon. Comme un dernier adieu du peuple lancé à Simone Veil. Poussé par la pression populaire et une pétition qui a recueilli des dizaines de milliers de signatures, Emmanuel Macron a décidé de rendre hommage à cette grande dame de la politique en lui ouvrant les portes du Panthéon avec son mari. Une décision ne rencontre quasiment aucune contestation tant la carrière de Simone Veil est saluée par tous. Bref, l’ancienne ministre de la Santé a mérité la reconnaissance de la patrie. Elle sera en plus bien accompagnée. Mis à part son mari, la femme au chignon retrouvera dans la grande église de la Montagne Sainte-Geneviève des résistants, des hommes politiques, des écrivains, des scientifiques et même un évêque. Du beau monde certes, mais aucun footballeur, ni même aucun sportif, ne se trouve dans les caveaux. Mais peut-être que cela viendra.
Dépasser le football
Cela est déjà le cas au Panthéon portugais. La dépouille de la légende Eusébio y repose depuis juillet 2015, car la « panthère noire » était devenue une icône des « trois F » (fado, football et Fatima) du Portugal. En France, c’est sans doute Raymond Kopa qui a été le footballeur le plus légitime pour postuler une entrée au Panthéon. À sa mort, certains avaient appelé à ce que la légende du Real Madrid et du Stade de Reims intègre le prestigieux bâtiment. Finalement, ce n’est ni au Panthéon ni aux Invalides, mais bien au paisible cimetière de l’Est d’Angers que repose le « Napoléon du football » . « Dans notre optique nationale, le Panthéon est différent de ce qui existe dans certains pays. Il n’est pas seulement destiné à récompenser les gens excellents dans leur spécialité. Il faut qu’ils aient un engagement civique pour la société » , prévenait Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux. Olivier Le Naire, journaliste et auteur du livre Entrez au Panthéon !, va dans le même sens. « La question ce n’est pas de panthéoniser un footballeur. On ne panthéonisera jamais un footballeur parce qu’il a bien tapé dans un ballon. Ça, c’est son boulot. Derrière, il faut plus que ça. Il faut des valeurs humaines qui font que la vie de ce personnage est emblématique » , explique celui qui a aussi rédigé le texte de l’audioguide du Panthéon.
Mais rien d’impossible selon ce spécialiste. « Sur le principe, ça ne me paraît pas aberrant. Aujourd’hui, on veut de plus en plus avoir au Panthéon des gens qui parlent au public, dont les combats parlent aux nouvelles générations et qui ne soient pas nés il y a cinq cents ans. Par ailleurs, la France a changé, elle est plus multiculturelle, et ce multiculturalisme, il faudra bien le représenter, parce que le Panthéon n’aura de sens qu’à partir du moment où il représentera des exemples pour la société » , affirme le journaliste. « Il y aura aussi de plus en plus une pression du public. C’est cette pression qui a fait entrer Simone Veil au Panthéon » , ajoute-t-il. Et quand on voit la demande populaire qu’il y a eu pour l’ancienne ministre de la Santé, deuxième personnalité préférée des Français au dernier classement du JDD, on se dit que faire entrer au Panthéon Zinédine Zidane, premier du classement à six reprises, ne devrait pas être difficile. « Aujourd’hui, panthéoniser Zidane n’aurait pas de sens » , coupe Olivier Le Naire.
L’homme idéal
Faire entrer un footballeur au Panthéon serait donc un signe très fort. Mais le principal problème est de trouver un candidat qui tienne la route. Quel serait le portrait idéal donc ? « Un footballeur qui aurait eu une enfance complexe, mais qui par son talent, son honnêteté, son esprit d’équipe, aurait apporté quelque chose au pays, aurait été un exemple pour les générations futures et surtout que ce personnage, une fois sorti du circuit sportif, ait utilisé sa notoriété pour porter un combat particulièrement fort. Alors là oui, ça aurait du sens » , insiste Olivier Le Naire. Raymond Kopa ? Laissons-le tranquille à Angers. Zinédine Zidane ? Visiblement un doublé en finale de Coupe du monde ne suffit pas à s’attirer la reconnaissance de la patrie. Alors Lilian Thuram ? Le défenseur s’était déjà vu remettre la Légion d’honneur par François Hollande qui avait autant salué le talent du joueur que son engagement contre le racisme. « Lilian Thuram, c’est mieux. Il faudrait qu’il monte encore d’autres marches, mais il inculque de belles valeurs pour les gamins. En plus, il fait partie des champions de 98. Des Lilian Thuram, il y en a partout. Lui, sa différence, c’est que tout le monde le connaît. Il parle aux jeunes et il a une notoriété qui lui permet de faire des choses. Mais on n’y est pas encore » , relativise Le Naire.
Et puis une entrée au Panthéon ne se fait pas comme ça. Car un tel événement est éminemment politique. Si un président choisit de panthéoniser quelqu’un, c’est pour rendre hommage à cette personne, faire valoir son action et montrer les valeurs qu’il compte mettre en avant. « Il faut une opportunité qui fasse qu’un président ait intérêt à mettre en avant, au moment où il le choisit, un Lilian Thuram parce qu’il veut promouvoir l’anti-racisme ou le combat contre l’esclavagisme, parce qu’au moment où il voudra le faire il y aura ceci ou cela qui le justifiera » , prévient le journaliste. L’autre problème concerne les vices du football. Si la solidarité et l’esprit d’équipe sont de belles valeurs, la frontière avec le côté obscur, où règnent l’argent et les lobbies, n’est jamais très loin. Trouver un candidat plein de vertus sera donc de plus en plus compliqué. Mais Olivier Le Naire y croit toujours : « Il y aura forcément un sportif qui rentrera au Panthéon un jour. Il peut se passer plein de choses dans la vie des gens, c’est ça qui est extraordinaire. C’est pour ça que c’est génial l’histoire du Panthéon. Et ça fait rêver les jeunes, contrairement à ce qu’on croit. Ce n’est pas un truc de vieux cons. »
Par Robin Richardot
Propos d'Olivier Le Naire recueillis par RR