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- Le joueur de la 9e journée
Veretout, l’enfant du coin
Encore très performant ce week-end sur la pelouse de Guingamp, Jordan Veretout confirme qu'il est le grand espoir de la maison nantaise. De quoi rendre fiers les habitants de Belligné, sa commune d'origine, qu'il représente sur et en dehors du terrain.
À dix kilomètres de la gare la plus proche, celle de Varades, et à une vingtaine du réseau autoroutier. C’est peu dire que Belligné, où seule la départementale 10 ose s’aventurer, est ce qu’on appelle un « endroit isolé » . On parle même d’une commune qui a connu un déclin démographique post-Trente Glorieuses. Aujourd’hui, la population augmente à nouveau et, parmi les 1 759 âmes recensées en 2011 dans ce coin du 44, on compte une famille en or. L’été dernier, Étienne Foucher, alors maire de la commune, ne cache pas son émotion au moment de recevoir un gamin sur le perron de la maison commune. « Quand on se dit qu’à Belligné, on a un champion du monde… » balance fièrement le boss de Belligné. Le roi du monde ou l’enfant du pays, c’est selon, a 21 ans, porte la chemise blanche et la cravate pénible. Il s’appelle Jordan Veretout, est champion du monde U20 avec l’équipe de France, et ce petit coin de France, c’est chez lui. Précoce, celui qui a porté les couleurs de Belligné jusqu’en benjamin ne s’est jamais menti à lui-même : dans un monde de rats des villes, il est un rat des champs. Fier de ses racines et heureux de faire plaisir à ceux qui l’ont vu grandir, Jordan n’a jamais caché qu’il avait un autre chez lui, à quelques kilomètres de là. Comme beaucoup de gamins de la région, le fils Veretout vibre pour les Canaris. Comme quelques chanceux, il se souvient de 2001. Ce 12 mai, le FC Nantes reçoit l’AS Saint-Étienne. Le reste appartient à Marama Vahirua et à l’histoire. « J’aurais bien aimé descendre au milieu de la foule, mais mon père ne voulait pas, il y avait trop de monde pour un gamin. » Jordan a huit ans et il ne le sait pas encore, mais il va finir par la fouler, cette pelouse.
Toulalan jusqu’au caleçon
La croissance démographique a repris son cours à Belligné, mais à 9 ans, Jordan, tout en contre-pied, opte pour l’exode rural. C’est à la Jonelière qu’il poursuit ses rêves d’envahissement de terrain. Un endroit qu’il ne quittera pas. Pas plus que ses habitudes. Si l’étiquette de « futur Toulalan » lui colle vite à la peau, ce n’est pas uniquement pour une histoire de poste ou une aptitude à gratter des ballons. Comme Jérémy Toulalan, Jordan Veretout n’a pas peur de venir sapé comme un sac au centre d’entraînement. Et ça, les jeunes qu’il fréquente au centre de formation ne sont pas près de l’oublier. « Jordan, c’est le jogging du club avant tout » , rigole aujourd’hui Vincent Sasso, défenseur central de Braga. « On aurait dit qu’il avait match tous les jours ! Au mieux, c’était un jean, mais avec un sweat à capuche étrange. La vérité, c’est juste que Jordan, c’était le gars de la campagne. » Mais tout n’est pas qu’une histoire de mauvais goût. Comme Antoine Griezmann et son caleçon Bob l’Éponge, Jordan fait dans le sous-vêtement porte-bonheur. « Il disait qu’il en avait plusieurs pareils pour se justifier ! Et dès qu’il en avait un nouveau, il faisait exprès de rester en caleçon dans le vestiaire pour le montrer ! » se rappelle Sasso. S’il n’est pas pudique dans le vestiaire, Jordan Veretout n’en demeure pas moins un grand timide. Du genre discret en nombre, mais de bonne composition en petit comité. Du genre mauvais perdant également, si l’on en croit son ancien coéquipier, qui se souvient de « parties de FIFA et de tennis ballon ayant tourné à la débandade » . La vérité, c’est que si Jordan n’excellait ni manette en main, ni en tennis ballon, ni même en classe, c’est aussi et surtout parce qu’il ne pouvait pas exploser tout le monde partout.
El Guerrouj, tramway et moulin
Si Belligné n’est pas suffisamment isolé pour que Jordan aille à l’école comme un Kenyan, à grandes enjambées, force est de constater que c’est au moment d’effectuer les tests physiques de début de saison que le joueur de 21 ans est le plus à l’aise. Oui, Veretout, c’est avant tout une « grosse caisse » . Impressionné par le El Guerrouj de la Jonelière à l’époque où il y était, Vincent Sasso se rappelle également « d’une vision du jeu et d’une qualité de transversales au-dessus de la moyenne » . C’est pour cela qu’il est lancé dans le grand bain à peine majeur face à Sedan, avant de disputer 35 matchs pour sa première saison chez les professionnels en 2011-2012. Précoce, Veretout a disputé 112 matchs chez les professionnels avec le FC Nantes, à seulement 21 ans. Impressionnant quand on sait qu’en parallèle, il fréquente les sélections de jeunes depuis les U18. La trajectoire semble rectiligne, mais soucieux du détail, le droitier n’a pas oublié d’y dessiner quelques dents de scie. C’est un fait : Jordan Veretout aime la vie, qui lui rend plutôt bien, sauf ce soir de mars 2013. Titularisé face à Monaco, concurrent direct pour la montée (1-1), Jordan profite de la soirée pour voir ses amis et se retrouve sur le flanc pour trois semaines. La rumeur, jamais démentie, veut qu’il soit tombé en enjambant la barrière d’un tramway. Jordan plaidera la « connerie » lorsqu’il s’excuse devant le groupe après avoir déraillé. Un groupe qui lui pardonnera aisément. Par amour du groupe, de Jordan et par fraternité. En effet, selon Vincent Sasso, entre jeunes Canaris, on partage le nid. « Il y avait six ou sept joueurs qui habitaient dans le même immeuble près de la Jonelière. C’était un peu le moulin… ! » La fête au village, en somme.
Par Swann Borsellino