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Verbruggen, un Bart de fer
Rare soleil d’un Anderlecht aux fraises tout au long de la saison, le gardien hollandais a brillé lors de l’entrée en lice des Pays-Bas à l’Euro Espoirs et a internationalisé les regards sur son talent alors qu’il devrait prochainement filer en Premier League. Mais qu’est-ce qui fait du natif de Zwolle un cas à part ?
Au cœur d’une saison faite de vagues, de crises et de claques, il y aura tout de même eu, ici et là, l’histoire. La petite, d’abord. Fin 2022, un gardien de 20 ans, qui n’avait qu’une toute petite poignée de matchs disputés avec l’équipe première d’Anderlecht au printemps 2021 dans les cannes et devait se contenter de manger les miettes d’un concurrent blindé d’expérience, a été déposé sous des projecteurs par un type fraîchement installé dans le coin. L’identité de ce dernier ? Brian Riemer. Sa mission ? Soigner les Mauves, le technicien danois ayant été nommé juste avant Noël pour sauver ce qu’il était encore possible de sauver d’une saison très mal embarquée pour le troisième du dernier championnat de Belgique (6 victoires et 9 défaites en 17 journées de championnat et une qualification arrachée du bout des ongles lors de la phase de poules de la Ligue Europa Conférence). L’une de ses premières décisions aura donc été de sortir Hendrik Van Crombrugge du but d’Anderlecht pour installer l’aventurier Bart Verbruggen, pourtant tout proche de quitter la Belgique l’été précédent pour rejoindre son ancien coach, Vincent Kompany, parti à Burnley. Le gardien hollandais est finalement resté, a bûché en silence et a été récompensé, puisque Riemer ne lui a ensuite plus retiré son chapeau de titulaire, et ce, même si la saison d’Anderlecht n’a jamais vraiment changé de couleur malgré une petite éclaircie entre fin janvier et début avril. La raison est assez simple : sans Verbruggen, elle aurait sans aucun doute été encore plus noire.
Ce qui nous amène à la grande histoire, car en l’espace de quelques mois, le natif de Zwolle a confirmé les promesses et a même réussi l’exploit de planter son patronyme dans les livres de records en sortant 100% des tentatives d’une séance de tirs au but face au Ludogorets lors des barrages retours de la Ligue Europa Conférence. Verbruggen n’est et n’a jamais été un gardien comme les autres. C’était un murmure depuis plusieurs années, et la Belgique en a eu la confirmation lors du premier semestre de 2023, au point de le voir être nommé joueur de l’année par les supporters d’Anderlecht et de faire de nouveau tournoyer le Burnley de Kompany autour de sa pomme. Burnley, mais pas que, car Manchester United et le Bayern Munich sont également venus aux infos, ainsi que le Brighton de Roberto De Zerbi, qui devrait finalement rafler la mise. Mais qu’est-ce qui fait, au juste, de Bart Verbruggen un gardien aussi rare ? Ceux qui ont suivi ses performances en Jupiler Pro League ou ceux qui étaient tombés par hasard sur le Villarreal-Anderlecht joué mi-mars lors des huitièmes de finale de C4 ont déjà une bonne partie de la réponse. Pour les autres, il suffisait de jeter un œil aux premiers pas des Hollandais à l’Euro Espoirs qui a ouvert ses portes cette semaine.
Poupe courageuse et gobeur de temps
Titularisé face à la Belgique, Verbruggen a fait un exposé fourni durant 90 minutes de toutes ses qualités. Posté à la poupe d’un bateau oranje dont l’animation en 4-4-2 a une nouvelle fois été très de zerbienne, avec une volonté systématique d’attirer l’adversaire pour mieux le cogner à l’aide d’un tronc en 1+2+2 (le gardien, les deux centraux et deux milieux axiaux étagés évoluant très près les uns des autres), le portier a à la fois été brillant dans sa lecture de la profondeur, sa gestion des duels en un contre un et son jeu au pied (il n’a raté aucune passe courte ou mi-longue de la rencontre). Devant le match, son très probable futur entraîneur à Brighton, qui a toujours cherché des portiers audacieux, a dû adorer le spectacle, notamment au cours d’un premier acte très nettement dominé par les Pays-Bas avant que la Belgique ne se règle en seconde période et ne force Bart Verbruggen à jouer les héros dans un duel à distance avec son homologue belge, Maarten Vandevoordt.
Séquence symbole du tronc en 1+2+2 évoqué avec Verbruggen pour base, Van Hecke et Van de Ven devant lui, puis Gravenberch et Timber pour former un double pivot devant eux. Van Hecke, défenseur de Brighton, met alors le pied sur le ballon pour inviter la pression belge…
… huit secondes plus tard, le ballon est toujours dans les pieds de la paire de centraux hollandaise, qui refuse d’avancer tant que le pressing belge ne se déclenche pas…
… le mouvement va alors être enclenché par Gravenberch un cran plus haut, suivi par une passe en retrait de Van de Ven vers Verbruggen…
… le pressing belge s’enclenche…
… et Verbruggen peut enclencher le mouvement : en une touche, Gravenberch va alors décaler Van Hecke. Le décalage est créé.
Sur d’autres situations, on a aussi vu Verbruggen poser le pied sur le ballon, attirant sa proie à lui…
… afin de trouver l’un de ses latéraux au-dessus de la première ligne de pression adverse. Ici, il a trouvé Hartman.
Même situation ici : toujours le pied posé sur le ballon…
… toujours Hartman pour cible.
En début de seconde période, on l’a aussi vu relancer vers Rensch.
Ou encore continuer de jouer au chat et à la souris avec les attaquants belges, comme ici avec Openda. Verbruggen va d’abord relancer court à la main avec Van de Ven…
… lequel va lui remettre rapidement le ballon…
… Openda est sorti au pressing, Verbruggen joue avec le feu, mais le décalage est créé.
Lors de sa signature à Anderlecht en provenance du NAC Breda lors de l’été 2020, le journal néerlandais titrait sobrement : « Anderlecht dépouille le NAC du joyau de la couronne ». Le débarquement du géant batave de 193 centimètres en Belgique ne s’est pas fait seul, mais en lien avec celui de Jelle ten Rouwelaar, son entraîneur des gardiens au NAC, lui aussi recruté par Anderlecht en 2020, aujourd’hui avec Kompany à Burnley. Ten Rouwelaar a été à la base du développement de Bart Verbruggen, principalement dans tout ce qui touche au jeu au pied, et a aussi été très précieux pour aider le jeune gardien à surpasser le décès brutal de son père, en janvier 2021. Le prodige a également reçu plusieurs conseils de l’ancienne référence du PSV Ronald Waterreus. Ce dernier s’amuse même régulièrement à qualifier Verbruggen de Sander Westerveld 2.0, ce qui dit deux, trois choses des qualités du gosse sur sa ligne et dans le un-contre-un.
Et on a revu ces qualités face à la Belgique, d’abord sur ce duel avec Openda, où Bart Verbruggen est vite venu manger du temps à l’attaquant du RC Lens…
… tout en gardant les épaules dans l’axe du but, ne cédant alors aucune information à son vis-à-vis…
… avant de s’imposer d’une main ferme.
Autre situation au début du dernier quart d’heure où à la suite d’une déviation d’Openda, Balikwisha va se retrouver dans une position idéale…
… mais Verbruggen ne va encore ouvrir aucune porte et réduire le champ de vision de sa proie…
… avant de sortir son pied façon Dominik Hašek.
Également auteur d’une sortie décisive dans la profondeur devant Openda et d’une superbe claquette devant Balikwisha, Bart Verbruggen, convoqué pour la première fois avec les A de son pays en mars, a donné le ton d’un Euro qui a débuté fort pour les gardiens, Lucas Chevalier et Daniel Peretz ayant aussi déjà fait des miracles. La suite de son tournoi sera à suivre, comme celui d’autres promesses (Kashchuk, De Winter, Rodri, Garner, Colwill, Sergio Gomez, Lukeba, Barcola, Turgeman, Bobb), mais aussi sa saison prochaine : Brighton l’attend, Roberto De Zerbi aussi, et sa chance est d’avoir aujourd’hui un sélectionneur, Erwin van de Looi, qui le prépare aux petits oignons pour cette prochaine étape.
Par Maxime BRIGAND