- Mondial 2018
- Qualifs
- Bulgarie-France
Varane – Umtiti, moment charnière
La France va tenter d'arracher son billet pour le Mondial avec une charnière expérimentale Raphaël Varane – Samuel Umtiti. Le faible vécu commun des deux joueurs n'inspire pas confiance, mais il renferme une formidable opportunité : si entre ces deux-là, cela colle, la sélection pourrait avoir un socle solide pour de nombreuses années à venir.
Une mi-temps. C’est la durée commune de Raphaël Varane et Samuel Umtiti en équipe de France. Un chiffre qui a de quoi faire flipper à l’approche d’un match décisif en Bulgarie. Car si le football est un sport compliqué à maîtriser, la plupart de ceux qui le pratiquent ou le suivent savent que la solidité d’une charnière tient autant dans la qualité de ses deux éléments que dans leur complémentarité. Et la complémentarité, cela se développe avec le temps. Au Mondial 1998, la charnière Laurent Blanc – Marcel Desailly, peut-être la plus forte dans l’histoire des Bleus, avait maturé en amont de l’Euro 1996. Ce qui avait permis à Aimé Jacquet d’aligner un binôme complémentaire, rodé et prêt à affronter toutes les difficultés. Dans une moindre mesure du point de vue des accomplissements réalisés, le tandem Philippe Mexès – Adil Rami avait été installé et soutenu contre vents et marées par le Président à sa prise de poste à l’été 2010.
La France sortait alors d’un désastreux Mondial 2010, la sélection était un champ de ruines, et il était évident que la défense centrale était à repenser. Pour l’ex-coach du PSG, l’évidence s’était imposée : faire un choix et s’y tenir, car les deux hommes du centre de la défense avaient besoin d’autant de confiance et d’automatismes que le gardien de but. En deux ans de mandat, seule la rupture des ligaments croisés du genou de Mexès a mis entre parenthèse le choix du Président. Qui, à la première occasion, a remis le Milanais en selle après sa convalescence. Si son équipe de France n’a pas marqué l’histoire à cause d’une fin de Championnat d’Europe totalement ratée – Mexès était d’ailleurs suspendu contre l’Espagne –, Laurent Blanc a au moins eu le mérite de stabiliser sa base arrière et de rendre son équipe compétitive.
Koscielny, tellement présent depuis deux ans
Depuis 2012 d’ailleurs, les meilleures périodes des Bleus de Didier Deschamps ont coïncidé avec les moments de stabilité derrière. Que ce soit avec le duo Sakho-Varane au Mondial 2014, puis les paires Koscielny-Varane avant l’Euro et Koscielny-Umtiti à la fin de celui-ci. Koscielny, un élément devenu incontournable car plus stable en club comme dans son intégrité physique, mais dont l’absence dans le money time oblige Didier Deschamps à expérimenter une nouvelle charnière. Pas totalement nouvelle puisque le sélectionneur l’avait alignée en amical contre l’Angleterre en juin, expérience écourtée par l’exclusion du Madrilène.
Jusque-là, les deux hommes s’étaient croisés : devenu taulier, Varane s’était blessé juste avant l’Euro, permettant au Barcelonais de rattraper le train en marche, puis de s’affirmer comme une vraie solution. Puis DD avait remis en priorité son attelage Koscielny-Varane, et utilisé Umtiti comme plan B pendant les absences du joueur formé à Lens. L’inédit aujourd’hui, c’est donc que Deschamps soit contraint de faire sans Koscielny. Une très mauvaise chose sur le plan du timing, un match couperet n’étant pas le contexte idéal pour peaufiner une complicité.
Varane – Umtiti, la charnière du futur ?
L’aspect périlleux de la situation pourrait néanmoins être une opportunité tant pour les deux joueurs que pour l’équipe de France. Les deux bonhommes jouent déjà au top niveau, sont habitués des matchs à enjeu, et dans le cas de Big Sam, ont su assumer leurs responsabilités au pied levé. À 23 et 24 ans, ils ont surtout un potentiel de progression que Laurent Koscielny – malgré tout son mérite – ne peut plus revendiquer. En cas de gros match à Sofia, un match d’hommes couplé à un résultat positif, Didier Deschamps pourrait disposer, à moyen et long termes, de l’une des meilleures associations d’Europe.
L’Allemagne a brillé avec Hummels – Boateng, l’Italie a impressionné avec son trio hors catégorie Chiellini – Bonucci – Barzagli, quand l’Espagne a successivement dominé avec les paires Puyol – Piqué, puis Ramos – Piqué. Potentiellement, Raphaël Varane et Samuel Umtiti peuvent frayer à des hauteurs comparables si rien ne stoppe leur progression respective d’ici qu’ils atteignent la trentaine. Cela pourrait tenir à pas grand-chose, comme la différence sur 90 minutes entre une qualification pour un Mondial ou un fiasco. Ils ont leur destin en mains.
Par Nicolas Jucha