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Varane se pavane
Raphaël Varane a rejoint les Bleus à Clairefontaine il y a deux jours, après être allé gratter une nouvelle couronne européenne. Le défenseur du Real s'est montré confiant, et même déterminé. L'éternel discret est en train de s'affirmer, et semble avoir pris une avance définitive sur ses concurrents en défense.
Sur le terrain Michel-Platini du centre de Clairefontaine, couvert par des gros nuages menaçants, les Bleus s’activent. Didier Deschamps leur a préparé un exercice qui ressemble à un gigantesque foutoir, une opposition à onze contre onze sur une moitié de terrain, et les passes partent dans tous les sens. Mbappé prend la profondeur par-ci, Umtiti met un coup d’épaule par-là, sous l’œil attentif de Lloris et de Costil qui gardent les cages de chaque côté du terrain réduit. Mais en regardant plus attentivement, force est de constater que tout le monde n’est pas là. Car à quelques dizaines de mètres de ses potes, seul avec un préparateur physique sur un terrain annexe, Raphaël Varane s’entraîne seul. Mise au ban ? Précaution à cause d’un pépin physique ? Loin de là. Varane est en pleine forme, mais a connu des journées agitées après sa victoire de samedi dernier en finale de Ligue des champions. Quelques minutes plus tôt, en salle de presse, il s’était laissé aller à une simple confession en gardant sa retenue habituelle : « On a bien fêté ça à Madrid ! » Arrivé lundi à Clairefontaine, Varane a donc démarré par un entraînement à part hier, mais devrait rejoindre le reste du groupe aujourd’hui et surtout démarrer le match de vendredi contre la Suède. Dommage pour la charnière Koscielny/Umtiti, celle qui a joué contre le Paraguay, celle qui débutait la finale de l’Euro il y a presque un an, alors que Varane était blessé. Rafa le patron est revenu, mais reste prudent. Car lui-même l’a assuré hier en se montrant formel : « La concurrence, c’est le moteur de cette équipe. »
Lâcher la coupe de champagne
Et en effet, en défense, les choses vont vite chez les Bleus. Lorsque commençait l’Euro en juin 2016, Koscielny et Umtiti étaient déjà là. Le premier était bien installé, le second sortait de chez les réservistes. Les autres tauliers de la charnière se nommaient Rami et Mangala. Douze mois plus tard, les deux premiers sont toujours en place, Varane a retrouvé la sienne, et Kimpembe et Zouma ont enfilé le maillot au coq en envoyant Rami et Mangala aux oubliettes. Tout juste auréolé d’une troisième C1 en quatre ans, Varane est prêt à croiser le fer avec eux pour assurer sa place de titulaire : « La concurrence fait avancer le groupe, c’est une chance d’avoir cette richesse. On joue moins en sélection qu’en club, alors il faut en profiter pour que la France soit encore respectée dans le foot international. » Et même si Varane ne fait pas forcément l’unanimité ni à Madrid ni en Bleu où certains le trouvent tendre, Deschamps ne peut pas se permettre de ne pas faire jouer un type qui a passé les deux dernières semaines à choper une Ligue des champions et une Liga. Serein, le défenseur jure qu’il n’a eu aucun mal à lâcher sa coupe de champagne madrilène pour se replonger dans les affaires courantes avec une équipe de France qui avait reçu le Paraguay sans lui : « J’ai pris le train en marche. Après, je ne réalise pas encore totalement ce qui m’arrive, mais je savoure. Ce n’est pas difficile de se remobiliser, l’équipe de France, c’est quelque chose de grand, donc la motivation est là. C’est aussi ça, le foot : passer vite à un autre objectif. »
En bleu comme en blanc
Sympas, les autres joueurs de l’équipe de France l’ont accueilli par des applaudissements lundi, sauf Griezmann qui s’en est même amusé sur Twitter en postant : « Et puis quoi encore ? » , avec la tonne de smileys qui pleurent de rire qui va avec. Même au château, Grizou avait emporté la rivalité madrilène dans ses valises. Le héros du jour, lui, préfère mettre en avant sa volonté de connaître la même ivresse avec la maison bleue qu’avec la Maison-Blanche : « Avec Madrid, on a gagné beaucoup de trophées et on veut en gagner aussi avec l’équipe de France. C’est mon objectif, je suis un compétiteur, et pour l’instant, je sais ce que c’est de gagner des titres en club, mais je n’ai pas encore connu ça en Bleu. On joue pour ça, avec la qualif’ pour la Coupe du monde en tête pour l’instant. » Varane, souvent caricaturé en jeunot au caractère peu affirmé, pose ses ambitions sur la table et donnerait presque l’impression de se muer en leader crédible. Et en plus de parler devant la presse, l’intéressé annonce fièrement qu’il a également appris à parler sur le terrain : « Cette saison, je me suis senti progresser, franchir un cap. Zidane m’a demandé de ne pas hésiter à plus communiquer, à échanger avec mes partenaires sur le terrain. Maintenant, je sais que je peux aussi apporter au groupe par la parole et la présence, c’est un point sur lequel j’ai beaucoup progressé. » Plus mature, plus titré, plus brailleur sur le terrain, Varane est-il en passe de devenir l’immense défenseur qu’on attendait ? Présenté comme the next big thing depuis qu’il est sorti de l’adolescence, critiqué pour avoir trop peu progressé ces dernières saisons, il a quelques pendules à remettre à l’heure. La concurrence, le fameux « moteur de cette équipe » , est prévenue.
Par Alexandre Doskov, à Clairefontaine