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Vanden Borre, l’ancien gros devenu grand
De retour en sélection belge à quelques semaines seulement de la Coupe du monde, Anthony Vanden Borre est dans les temps pour briguer la sélection la plus improbable des 736 chanceux qui s’envoleront pour le Brésil en juin prochain. Après avoir connu l’anonymat d’une post-gloire éphémère, il aura ce soir contre la Côte d’Ivoire l’occasion de prouver que bien plus qu’un talent gâché, il pourrait devenir un titulaire en puissance.
« Anthony a eu un parcours difficile et ne rejoue au plus haut niveau que depuis trois ou quatre mois. » Marc Wilmots, sélectionneur des Diables rouges, qui parle d’Anthony Vanden Borre à quelques semaines de la Coupe du monde, l’info surprend autant qu’elle intrigue ou inquiète en Belgique. Pourtant, depuis jeudi dernier, c’est officiel : deux ans et demi après sa dernière sélection, AVB vient de rejoindre les Kompany, Hazard et autre Benteke en sélection. Une chance qu’il doit à son poste de prédilection d’arrière latéral droit, talon d’Achille de la sélection belge, mais aussi à son retour improbable au plus haut niveau. Mais parce qu’il serait trop facile d’oublier qu’avant de redevenir un titulaire indiscutable du côté d’Anderlecht, Vanden Borre était ce gamin de 16 ans au parcours atypique et que les derniers mois ont vu le Bruxellois passer de l’ombre des salles de muscu délabrées au Parc des Princes, il fallait se plonger sur l’itinéraire d’un revenant que plus personne n’attendait à pareille fête. Certainement pas lui en tout cas.
Prise de poids et prise de bec
« J’essaie de lui enseigner des choses. C’est devenu une sorte de combat personnel. » Mario Been, entraîneur d’Anthony Vanden Borre au cours de la saison 2011-2012, sait de quoi il parle. Travailler avec Vanden Borre, c’est plus souvent le bagne que l’éclate. Doué, mais méchamment nonchalant, technique, mais trop brouillon, VDB, c’est l’archétype du talent gâché sous l’autel de la fainéantise. La faute à un parcours d’enfant-roi trop vite élevé au rang de superstar. Car l’histoire d’Anthony Vanden Borre, c’est avant tout celle d’un précoce surdoué, un homme étrange donc. D’abord adulé, le gamin jouit très vite d’une première titularisation dans son club de cœur, Anderlecht. À 16 ans seulement. Un mois plus tard, c’est déjà l’heure de sa première sélection avec les Diables rouges. L’heure des éloges aussi. Son président, Roger Vanden Stock en 2004 : « Un talent comme Anthony, c’est un tous les 10 ans. » Persuadé de tenir le crack capable de lui rapporter gros, Anderlecht veut façonner son joyau avant de le vendre au plus offrant. Problème, VDB quittera le navire mauve après une dernière saison en dents de scie et pour 3.8 millions d’euros seulement. À 19 ans, Vanden Borre se retrouve seul et sans repères à la Fiorentina. En route pour l’échec, Anthony s’arrêtera aussi au Genoa et à Portsmouth.
Lassé de l’Angleterre, dégouté de l’Italie, le Bruxellois décide de revenir en Belgique direction Genk dans les dernières heures du mercato d’été 2010. « Je veux laisser cette misère derrière moi et tout clôturer avec l’Italie. Je suis convaincu que pour le moment, Genk est le meilleur choix pour ma carrière. » Cela ne le sera évidemment pas. Poids fluctuant et motivation absente en seront pour beaucoup. Sans oublier l’obstination des Limbourgeois à faire évoluer Anthony un cran plus haut, dans le milieu du jeu. Suffisant pour transformer son come-back en énième fiasco. Critiqué pour son attitude et ses errements sur le terrain, l’enfant-star n’a pas l’air d’avoir bien grandi. Son entraîneur de l’époque, Mario Been, le constate tristement : « J’ai plus de travail avec Anthony qu’avec ma propre femme. » Désireux de retourner s’occuper de son épouse, Been abandonne définitivement Vanden Borre et ses caprices en mai 2012. La suite, c’est un déclin que beaucoup pensent irrémédiable. Médiatiquement inexistant, Anthony disparaît peu à peu de la sphère footballistique belge. Après quatre mois d’arrêt presque total, un transfert avorté vers le Brésil, Anthony a pris 10 kilos et perdu tout espoir de retrouver un jour le plus haut niveau. L’enfer, mais en pire.
Plus Diable rouge que chauffeur de taxi
Et puis, un jour la lumière revient comme une éclaircie inattendue. Aidé par son frère, Anthony rencontre Otis N’Goma, ancien sélectionneur adjoint du Congo et à l’époque basé à Valenciennes : « Il faut savoir qu’Anthony pensait arrêter le football » , commence Otis dans La Dernière Heure en novembre 2013, « il avait besoin de savoir qu’il était encore admiré. Je l’ai forcé à prendre des bains de foule. Les gosses français le reconnaissaient et lui demandaient des autographes. Il en était pantois, mais son moral a pris un réel coup de boost. » La méthode est singulière, mais fonctionne. Après avoir côtoyé des salles de muscu miteuses et rejoué avec des moins de 16 ans à la demande de son nouveau coach, Anthony va recevoir en janvier 2013 un coup de main pour le moins inattendu de la part d’Anderlecht : « Si on n’avait pas tendu la main à Anthony, il aurait pu finir chauffeur de taxi » , disait il y a quelques mois encore Herman Van Holsbeeck, manager d’Anderlecht et l’homme à la base du retour en grâce de l’enfant prodige sur ses terres bruxelloises. Lucide ou défaitiste, Vanden Borre n’en est même pas sûr quand il se confie en juillet 2013 à Sport/Foot Magazine : « Même un snack, je serais incapable de le gérer. »
Otis N’Goma, lui, n’en démord pas. La signature à Anderlecht, c’est juste une étape de plus dans le plan préétabli pour son nouveau protégé : « Nous avions établi une mission, un objectif à terme : la Coupe du monde au Brésil. Entre nos séances et juin 2014, nous nous étions fixé des objectifs intermédiaires : retrouver un club puis s’y imposer. » Au moment où Otis se confie sur son protégé en novembre 2013, ce dernier vient de retrouver les joies du terrain après de nombreux mois passés avec les espoirs puis sur le banc. Car oui, à la fin octobre, John van den Brom, entraîneur d’Anderlecht, relance VDB contre le Standard de Liège. Parce qu’on ne relance pas Anthony contre Saint-Trond ou OHL. Quinze jours plus tard, c’est déjà le Parc des Princes qui l’attend. Des performances de choix, des grands ponts, des sombreros, Antho retrouve vite le tout haut niveau. La suite, N’Goma l’avait déjà écrite depuis longtemps : « Lorsqu’il sera au Brésil, car selon moi il y sera, je lui enverrai un message lui disant qu’il est sur la bonne voie. » D’ici là, ce sera silence radio : « Je ne compte pas le féliciter maintenant, car l’objectif n’est pas atteint. » Pas encore, mais Gillet, Alderweireld, Meunier ou encore Ciman peuvent trembler. En mai prochain, il risque bien d’avoir un invité surprise dans les 23 Diables invités à s’envoler pour Mogi Das Cruzes à 60 km de São Paulo et il pourrait bien répondre au doux nom d’Anthony Vanden Borre.
Par Martin Grimberghs