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Van Wolfswinkel : Ricky enfin la belle vie
Recruté pour remplacer Brandão, Ricky van Wolfswinkel a connu des débuts difficiles à Saint-Étienne. Jusqu'à se faire publiquement tancer par Bernard Caiazzo, et comme par magie se métamorphoser en un attaquant de pointe décisif.
« Si l’ASSE avait un avant-centre – et ce n’est pas une critique envers les garçons qui sont là et font du mieux possible – du même niveau que son gardien, nous serions sûrs et certains de viser le podium. On n’a pas un buteur à 20 buts, on fait en fonction de nos moyens. » Mi-octobre dans Le Progrès, Bernard Caiazzo s’était lâché sur le manque d’efficacité des attaquants stéphanois. Et Ricky van Wolfswinkel en avait personnellement pris pour son grade : « Pour l’instant, il se tourne systématiquement vers l’arbitre après un duel pour exprimer sa surprise. » À l’époque de la saillie du co-président de Saint-Étienne, l’attaquant néerlandais présentait il est vrai des statistiques faméliques : 1 but contre Bordeaux (1-1) et une passe décisive contre Lens (1-0) en neuf apparitions toutes compétitions confondues. Difficile alors de s’enthousiasmer sur un joueur sortant d’une saison désastreuse en Premier League – un seul but, lors de son premier match, puis plus rien – et visiblement en déficit de confiance. Sauf que les critiques publiques ont fait office d’électrochocs : depuis, l’avant-centre a planté quatre nouveaux pions et délivré trois nouveaux cafés crèmes à Lemoine, Gradel ou encore Pogba… À chaque fois, des réalisations ou dernières passes vraiment décisives et donc synonymes de points pour les Verts, avec en cerise sur le gâteau le deuxième but lors du derby contre Lyon (3-0). Le signe que peut-être, le génial buteur d’Utrecht, puis du Sporting Portugal est de retour.
Pas taillé pour la Premier League
Car lorsque sa signature est annoncée à Norwich en avril 2013, la presse locale voit en Ricky van Wolfswinkel une recrue de tout premier ordre pour les Canaries. Candidat à une place avec les Orange pour la Coupe du monde brésilienne, l’attaquant vient d’enfiler plus de 40 buts en deux saisons au Portugal, Liga Sagres et Ligue Europa comprises. Et pour le club anglais, qui veut se stabiliser dans l’élite, il s’agit du transfert le plus cher de l’histoire, 10 millions d’euros, une somme que le Sporting a acceptée pour faire face à des problèmes financiers. Mais tout ne se passe pas comme prévu en Angleterre, malgré un but de la tête dès son premier match contre Everton (2-2). Peu à l’aise dans les combats physiques de la Premier League, Van Wolfswinkel ne marque pas, commence à douter, puis se blesse au pied en octobre 2013. Quand il revient deux mois plus tard, l’attaquant Gary Hooper, transfuge du Celtic Glasgow, lui a piqué sa place en marquant quatre fois. Avec une attaque en berne, les Canaries plongent en Championship, et l’attaquant néerlandais devient un poids mort à cause de son salaire, mais aussi de sa volonté de ne pas descendre à l’étage inférieur.
Quelques mois plus tard, Ricky commence à retrouver des sensations lisboètes et, surtout, démontre que son transfert en Premier League était un malentendu : le joueur formé au Vitesse Arnhem n’a du target man que la taille, ses vrais qualités sont dans la technique, une certaine vision du jeu, les appels croisés pour couper les ballons au premier poteau et les gestes de classe, si possible dans les moments importants. Sa version personnelle de la « Madjer » contre Qarabağ en Ligue Europa (1-1), refusée pour un hors-jeu imaginaire, symbolise à elle seule le jeu de RVW : un joueur qui préfère éviter le contact, qui – parfois – disparaît des écrans radars, mais peut s’offrir une ou deux fulgurances décisives… Encore un peu juste pour ce joueur « qui a toujours été en avance sur les autres » selon Remko Hendrikse, son éducateur à Woudenberg, pour reconquérir une place en sélection batave, mais sûrement un bon début pour attiser l’intérêt d’un nouveau club. Car si Ricky van Wolfswinkel a récemment affirmé souhaiter prolonger le plaisir dans le Forez, c’est toujours à Norwich qu’il est sous contrat. Avec un salaire anglais, et un statut d’indésirable malgré tout : l’entraîneur qui l’a recruté, Chris Hughton, a cédé sa place à Neil Adams.
Un avenir qui se dessine loin de Norwich
Et entre Norwich, le nouveau coach et Ricky van Wolfswinkel, la volonté de travailler à nouveau ensemble est proche du néant. Le joueur souhaite évoluer dans une première division, et quand bien même les Canaries remonteraient en Premier League, le Hollandais ne fait plus partie de leurs plans. Le prêt à Saint-Étienne ressemble plus à une tentative pour valoriser un actif à vendre que pour faire patienter un futur taulier. Selon une source proche du club, « l’objectif du club en prêtant Van Wolfswinkel, c’est qu’il fasse une bonne saison, à 10-15 buts, afin de le vendre suffisamment bien pour amortir le coût de son transfert en 2013 » . Pour Remko Hendrikse, il n’y a pas trop à s’inquiéter pour le futur de son ancien protégé, « que le Vitesse Arnhem avait recruté chez nous quand il n’avait que dix ans tellement il était au-dessus du lot » . Soutenu publiquement par Robert Herbin au plus fort de sa période de disette, l’homme au nom le plus dur à prononcer de toute l’histoire de la Ligue 1 a même réussi à retourner le cerveau de Bernard Caiazzo qui, à la mi-novembre sur RMC, faisait étalage de sa foi et de sa compassion pour le Hollandais : « Je pense que le coach a bien joué le coup en le prenant. Il y a un travail à effectuer, et on voit qu’il prend ses marques et de plus en plus confiance. Vous savez, ce n’est pas simple de débarquer en Ligue 1 pour un étranger. En plus, il a dû digérer son déménagement, la naissance de son bébé, le fait de jouer tous les trois jours… Je pense qu’il peut réussir. » Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis…
Par Nicolas Jucha