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Van Gaal, du temps et des bases
Manchester United toujours incapable de gagner, son coach hollandais préfère dénoter la bonne année 2015 et demander du temps que de se réduire à démissionner. Un schéma qui rappelle furieusement son passage au Bayern.
Décembre est parti, emportant avec lui les ambitions de titre de Manchester United. Seulement deux petits points, acquis grâce à des nuls sans but à Old Trafford contre Chelsea et West Ham, et des défaites face à Bournemouth, Norwich et Stoke, ainsi qu’une élimination en Ligue des champions contre Wolfsburg. Le pire dernier mois de l’histoire du club, rien que ça. De fait, plus le temps passe, plus les résultats contraires s’accumulent, plus le destin de Louis van Gaal à la tête du club semble destiné à tourner court. On n’annonce pas « Je ne démissionnerai pas » comme l’a fait le Hollandais au sortir d’une rencontre face aux Blues que les Red Devils auraient pu, auraient dû gagner, si on n’est pas conscient que sa tête se trouve déjà sur le billot. Tout simplement parce que United se noie dans le prévisible, les passes vers l’arrière, la prudence débordante, le manque de liant, les compositions sans cohérence. Pourtant, LvG reste d’un incurable optimisme, rassuré par une première mi-temps presque convaincante, parlant d’une année 2015 globalement conforme aux attentes, remerciant les supporters de leur soutien, alors qu’en coulisses se murmurent de nouveaux transferts faramineux. Après tout, il le martèle à longueur de conférences de presse : il a besoin de temps, ses joueurs devant s’adapter parfaitement à son système pour réussir. Un discours qu’il tenait déjà au Bayern à l’automne 2009.
Schweini : « Je reconnais des similarités entre Louis van Gaal ici et au Bayern »
Mêmes problèmes, mêmes excuses . À l’époque, Van Gaal venait de reprendre le club bavarois, et les critiques étaient semblables : jeu stéréotypé, sans aucun risque, accumulation de 0-0. La question de son limogeage se posait aussi déjà : « Ils peuvent me jeter dehors, et alors ? Il n’y a pas d’entraîneur avec un meilleur CV. » Comme il le répétera sans doute toute sa vie, Van Gaal se considère comme un « gestionnaire de processus » . « Nous sommes seulement au début, nous ne sommes pas prêts » , disait-il hier de son Bayern, aujourd’hui de son Manchester. Pas pour travailler la défense – le système gaalien étant naturellement hermétique -, mais pour parvenir à cette fameuse « phase 4 » , celle du passage à l’homme libre entraînant une occasion de but. Manchester et Munich ne sont finalement pas si différentes, deux puissantes cités industrielles dont les institutions footballistiques font partie du gotha européen. Il y a deux mois, Bastian Schweinsteiger traçait le même parallèle : « Je reconnais des similarités entre Louis van Gaal ici et au Bayern. À Munich, si vous vous rappelez bien, ça a pris du temps avant que l’équipe ne comprenne exactement comment il voulait qu’on joue au football. Mais, à la fin, on a gagné la Bundesliga et été en finale de la Ligue des champions. Il faut être patient. Mais bien sûr, pendant ce temps, on doit gagner, obtenir des résultats et marquer des buts. Je pense qu’on est sur la bonne voie. On peut s’améliorer. Il ne faut pas penser à octobre, novembre ou décembre, mais à mai. Je suis sûr que Louis va apporter le succès à United. J’en suis convaincu, mais on doit faire notre travail et on doit s’améliorer. Je suis convaincu que cela va arriver. »
Solutions identiques, résultats différents
Dont acte. Attendons simplement que United prenne le titre en fin de saison ? Arsenal n’est jamais qu’à 9 points, ce qui est loin d’être insurmontable. Reste quand même de quoi en douter, à l’image de cette reconstruction qui dure plus longtemps qu’espéré : en Allemagne, une saison a suffi. Tout simplement parce qu’United est un chantier à ciel ouvert, sans aucune cohérence au niveau du recrutement depuis le départ de Sir Alex Ferguson : de campagnes d’achat ratées en campagnes d’achat ratées, remplies de joueurs inadaptés aux nécessités (Fellaini, Mata, Rojo) pour dessiner un effectif des plus casse-têtes, avec énormément d’axiaux finalement assez peu complémentaires (Schneiderlin, Schweinteiger, Carrick, Herrera, Fellaini, sans compter Mata, Blind, voire Rooney) et un manque d’ailiers, Mata (jamais aussi fort que dans l’axe) et Martial occupant traditionnellement les ailes. Le problème Rooney, terminé pour le poste de 9, comme trop usé par sa déjà longue carrière et son jeu hargneux, lui aussi responsable de l’exil de Martial sur le côté, reste probablement le meilleur Mancunien depuis le début de la saison. L’absence de véritable buteur tueur, là où le Bayern avait Olić, Gómez et Klose, est criante. Alors comme au Bayern, LVG a tendance à faire confiance aux jeunes pour s’en sortir, persuadé de leur capacité à s’imprégner plus rapidement de sa philosophie. Des têtes vides dans lesquelles inscrire des schémas. Petit hic, là où il a établi et imposé Badstuber et Müller en Bavière (puis Alaba), on ne peut pas dire que les expérimentations McNair, Blackett, Varela et dernièrement Borthwick-Jackson soient de grande réussite. Pire, là où la transformation de Schweinsteiger d’ailier foufou en milieu régulateur était un coup de maître, l’expérimentation Young, sauvé en devenant arrière gauche, à présent baladé entre latéral droit et ailier gauche, est le signe d’un homme qui tâtonne sans vision. Et comme ce n’est pas le plus fin psychologue du monde, l’implosion paraît inévitable. Comme au Bayern, où il s’était fait virer en cours de saison suivante. Mais que les supporters mancuniens se rassurent : les joueurs bavarois sont unanimes pour dire que le Pélican avait jeté les bases de l’équipe qui ira chercher le triplé sous Heynckes. Au suivant.
Par Charles Alf Lafon