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Van Dijk-Pickford : la FA a-t-elle fait n’importe quoi ?
Auteur d’un tacle assassin sur Virgil van Dijk dans le derby de la Mersey, Jordan Pickford est devenu l’ennemi public numéro un du Liverpool FC. Pire encore : le gardien anglais n’a pas reçu la moindre sanction de la FA, alors que les Reds viennent de perdre leur défenseur pour de longs mois. Alors, tout cela est-il bien raisonnable ?
Jürgen Klopp a de quoi être agacé. Depuis ce début de semaine, son Liverpool sait qu’il va être contraint d’effectuer la majeure partie de la saison 2020-2021 sans son roc défensif, Virgil van Dijk. Percuté au genou droit dans un duel avec Jordan Pickford samedi contre Everton, le stoppeur batave sait à quoi s’en tenir : entre six et sept mois d’indisponibilité minimum, opération comprise. Ce mercredi contre l’Ajax Amsterdam, l’entraîneur des Reds doit donc démarrer un long processus de gestion collective, privé de son atout défensif numéro un. « C’est toujours pareil, les joueurs préfèrent être seuls dans ces moments-là, pour accepter la nouvelle, confiait Klopp en conférence de presse. Nous sommes en contact bien sûr. Nous sommes là pour lui, il le sait, et nous allons l’attendre comme une femme attend son mari quand il est en prison : en faisant tout pour que ce soit le plus facile possible pour lui. »
Ennjimi : « Je ne vois pas comment le gardien pourrait s’en sortir indemne »
Au-delà du physique, l’étape de reconstruction mentale de VVD serait probablement plus simple à digérer si l’auteur des faits avait subi les conséquences de son geste. Exclure Pickford ? Pour Saïd Ennjimi, ancien arbitre international contacté dimanche dernier, c’était une évidence. « Qu’il n’y ait pas de penalty, c’est logique, car il y a une situation de hors-jeu préalable. C’est normal qu’on revienne à cette position de hors-jeu initiale. En revanche, ce qui est difficilement compréhensible, c’est que le joueur n’ait pas été exclu, quand bien même le coup franc était au bénéfice de la défense. En toute logique, le gardien de but aurait dû l’être, du fait de son agression. » Une opinion partagée dans les hautes sphères de l’arbitrage français, qui ne contestent pas une véritable erreur humaine. « Malgré cela, on peut tout à fait imaginer que le gardien va être sanctionné après le match, poursuivait Ennjimi dimanche soir. Les commissions de discipline sont tout à fait légitimes pour s’emparer de faits non sanctionnés par l’arbitre pour établir une forme d’équité sportive par rapport à ce qui a pu se passer. En toute logique, c’est l’arbitre qui, au vu du visionnage du match le lendemain tranquillement à froid, fait un rapport à la commission de discipline. Il y indique qu’il aurait malheureusement dû détecter le sujet et exclure le gardien de but. Je ne vois pas comment le gardien pourrait s’en sortir indemne. » Dans les faits, c’est pourtant bien le cas. Lundi, la FA a annoncé qu’elle ne reviendrait pas sur la décision du corps arbitral de ne pas sanctionner Pickford, indiquant qu’elle ne punissait pas, a posteriori, les actions qui n’ont pas été vues par l’homme en noir ou les arbitres préposés à la VAR. Voilà donc le portier anglais libre d’aller aider les Toffees dimanche prochain sur la pelouse de Southampton…
Si le risque d’une nouvelle jurisprudence existe à la suite de cette absence de sanction, des cas de blessures graves non réprimandées par le corps arbitral ont déjà existé. Le 21 octobre 1999, l’Olympique lyonnais reçoit le Celtic en 32es de finale aller de la Coupe UEFA. À la onzième minute de jeu, Serge Blanc, au duel avec Henrik Larsson, tape involontairement dans le mollet droit de l’attaquant suédois. Résultat ? Fracture tibia-péroné et fin de saison prématurée pour Larsson. « De mémoire, l’arbitre ne siffle pas faute parce qu’il considère que le contact s’est passé dans le jeu et de manière involontaire, se souvient Blanc. Le jeu avait repris sur une touche ou un entre-deux, je ne sais plus. Mais je n’ai reçu aucun carton. » Aurait-il été sanctionné plus durement avec l’usage de la VAR ? « Non, tranche Blanc. Ce n’était pas un tacle avec les deux pieds décollés du sol, c’était vraiment un type de blessure qui n’arrive jamais d’habitude. Quand tu prends un coup de pied dans le mollet, ça ne casse jamais en temps normal. Je me souviens que les médecins avaient expliqué après coup qu’il pouvait exister des fragilités osseuses, liées à l’enchaînement des matchs et la fatigue. Dans le football français, je n’avais pas l’habitude d’être perçu comme un tendre… Mais cette fois-ci, je me souviens que personne n’avait considéré que je méritais l’expulsion. »
Blanc : « Il est toujours possible d’agir en justice »
Van Dijk s’est-il blessé à cause de la répétition des efforts fournis durant toute l’année 2020 ? Au moment d’analyser la sortie de Pickford, il serait assez culotté de l’affirmer. « La faute de Pickford sur Van Dijk est clairement volontaire, alors que de mon côté, je ne fais pas du tout exprès de blesser Larsson, compare Blanc. Pickford juge mal la trajectoire du ballon, il est pris de vitesse et tacle le joueur qu’il voit arriver. » Mais alors, comment expliquer le refus de la FA de se pencher à nouveau sur l’intervention de Pickford ? « C’est assez hallucinant, concède Blanc. J’imagine que la commission ne veut pas décrédibiliser le travail du corps arbitral, je ne vois que cette analyse. Après, il existe encore d’autres moyens de sanction. Si je me souviens bien, à mon époque, un joueur dont j’ai oublié le nom était allé porter plainte au civil pour un tacle très violent de Stéphane Pounewatchy, un joueur du FC Martigues, qui n’avait pas été sifflé par l’arbitre. Ce tacle lui avait pourtant coûté une très longue blessure… Cela offre donc une dernière possibilité : si la commission de discipline n’agit pas, il est toujours possible d’agir en justice. » Si cela peut éviter au défenseur de Liverpool d’aller se faire justice lui-même…
Par Félix Barbé et Antoine Donnarieix
Tous propos recueillis par FB et AD, sauf mention.