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Valverde : sanguin, mal habillé, mais adoré
Ernesto Valverde, actuel entraîneur de l’Athletic Bilbao, a vécu une partie importante de sa vie à l’Espanyol, sur la pelouse comme sur le banc. Le match d'aujourd'hui à Cornellà représente, de loin, le pic émotionnel de sa saison.
Ernesto Valverde n’a jamais entraîné l’Espanyol dans le nouveau stade de Cornellà, mais les supporters pericos se souviennent toujours de lui avec plaisir et admiration. Le dernier commandant capable de conduire le bateau blanc et bleu dans l’océan des compétitions européennes a connu le succès comme joueur à l’Espanyol, avant d’engager un parcours professionnel qui l’a vu évoluer au Barça et à l’Athletic, équipe qu’il entraîne depuis 2013. L’itinéraire qu’il a emprunté pour en arriver là n’a jamais été doux.
Hors jeu, il casse le drapeau de l’arbitre
« Txingurri » (la fourmi en basque) était un bon attaquant et un étudiant en biologie lorsqu’il a réalisé sa première saison marquante, en 1985-86 au Sestao FC, club qui jouait pour la première fois en deuxième division espagnole. Ami de Manolo Preciado (glorieux entraîneur du Sporting Gijón décédé en 2012) et Iñaki Vergara (actuel entraîneur des gardiens à Everton), Valverde attire l’attention de Javier Clemente, qui l’amène avec lui à l’Espanyol. Un choix de recrutement qui intrigue les supporters, qui se demandent bien de qui il s’agit. La saison 1986-87 sera historique pour le club barcelonais, qui termine 3e de Liga, autrement dit la meilleure place de toute son histoire. Pendant cette année, Valverde, du haut de ses vingt-deux ans, est l’un des footballeurs les plus remarquables de son équipe et est convoqué par Luis Suárez, alors entraîneur de l’équipe d’Espagne. Sa première apparition avec le maillot de la Roja est fracassante : lors d’un match amical, Ernesto est signalé hors jeu. Pas vraiment de cet avis, il conteste, pète un plomb et casse le drapeau de l’arbitre de touche. Il jouera ensuite 20 minutes en octobre 1990 contre l’Islande, puis plus rien.
Barcelone : la photographie et un prix raté
Malgré tout cela, ses performances à l’Espanyol sont excellentes. Son plus grand regret reste cette finale de la Coupe de l’UEFA 1987-88 que l’équipe de Clemente perd contre le Bayer Leverkusen aux tirs au but. Valverde avait joué l’aller à Sarrià (victoire 3-0), mais il avait dû renoncer au retour en Allemagne à cause d’une blessure. Résultat : une défaite 3-0 et des pénos mal tirés (3-2 pour Bayer). Pendant ses années catalanes, le jeune attaquant fréquente des cours de photographie qui lui permettront plus tard d’ouvrir une école de photographie à Bilbao. « Si je n’étais pas footballeur, j’aurais été photographe » , déclare-t-il. À l’époque, il était le seul de son groupe à s’isoler pour lire un bouquin ou préparer un reportage. Il faut dire qu’à la fin des années 80, la Playstation n’existe pas encore. Pas du tout le stéréotype du footballeur, Valverde ne s’habillait pas de façon très élégante. Ce look lui joue des tours lors d’une soirée à Pedralbes, dans le quartier chic au nord de Barcelone. Valverde y met les pieds pour recevoir le prix de meilleur joueur du mois. Problème : il est recalé à la porte, ses vêtements étant jugés trop décontractés. Conséquence ? Il se barre pour aller dîner avec un pote.
Le talent du footballeur est tel que c’est Johan Cruyff qui le veut ensuite au Barça. Valverde passe deux années pénibles au Barça, jouant vingt-deux petits matchs en deux ans à cause de blessures à répétition. L’été 1990 coïncide alors avec sa signature à Bilbao, où il passera six belles années.
Le pari de Zubizarreta
« Personne n’aurait dit que Txingurri serait entraîneur » , estime Julio Salinas, ancien coéquipier de Valverde à l’Athletic Bilbao. Mais, après avoir pris sa retraite en tant que joueur après une dernière pige à Majorque en 1996-97, Valverde rentre à Bilbao où il est aimé par tous. Son parcours commence avec la victoire de la Nike Cup – la Coupe du monde des jeunes – lors de la saison 1997-98. Petit à petit, sa manière de travailler est noté par la direction du club, qui lui offre la direction de la deuxième équipe de l’Athletic. Après une excellente saison, c’est Andoni Zubizarreta, alors directeur général du club, qui frappe à sa porte un jour de printemps : « Je voudrais bien que tu sois l’entraîneur de l’équipe principale, mais je ne sais pas si tu oses autant. » La réponse est immédiate et tranchante : « C’est moi qui ne sais pas si tu oses me donner cette mission. » Valverde donne tout de suite une identité à son Athletic, qui termine cinquième de la saison 2003-04, mais deux ans plus tard, après une altercation avec le président et le départ de son pote Zubi, il décide de faire ses valises.
Glasgow amère
Et c’est à l’Espanyol que Valverde retrouve la joie de diriger une équipe. Après un début de saison faible, les buts de Walter Pandiani et les arrêts de Gorka Iraizoz (aujourd’hui gardien de trente-cinq ans titulaire de l’Athletic) permettent à l’équipe de rejoindre la finale de la Coupe de l’UEFA 2006-07 à Glasgow, face à Séville. À dix pendant presque une heure de jeu, l’Espanyol finira par perdre dans une agonique séance de tirs au but, encore une fois, comme quand il était joueur en 1987. À la fin du match, Ernesto ne peut pas cacher ses larmes pendant qu’il serre fort sa fille Paula qui, finalement, dira que ce soir a été « le seul moment où j’ai vu mon père pleurer » . Après cette déception, Valverde ira entraîner en Grèce pour rentrer finalement à l’Athletic Bilbao l’été 2013 grâce à la décision du président Josu Urrutia, une vieille connaissance. La conquête d’une Supercoupe d’Espagne face au tout-puissant Barça de Luis Enrique à l’été 2015 est le juste prix pour une personne fière et amoureuse de son travail, mais aussi de la photographie. Un mec simple qui, à chaque fois qu’il revient à Barcelone, est accueilli comme un roi. Sauf quand il décide de s’habiller n’importe comment.
Par Antonio Moschella